Rien à voir

2- le jeu de rôle, c’est comme du cinéma, ou pas ? (partie 1)

Ou des séries télés. Mais en fait c’est un peu pareil. Et la réponse est oui… presque.

Suite des « Conseils aux meneurs de jeu », nous abordons ici le rapport entre la narration de littérature, théatre, cinéma… et le jeu de rôle !

Je dis donc presque plus haut  parce que dans une histoire narrée, que ce soit littérature, cinéma, théâtre, tout ce que vous voudrez, nous sommes dans un cadre où chaque rôle va avec des actions prévues, et où le dénouement pour les acteurs est connu d’avance. Ce qui n’est pas du tout le cas avec des joueurs incarnant des personnages, qui n’ont ni script à suivre, ni texte de dialogues à réciter, mais vont improviser avec vous et mener un peu l’intrigue tel qu’il leur parait logique qu’elle aille, et ce qui n’est et de loin pas toujours la logique que vous, meneur de jeu, auriez suivi.

Tout cela pour dire que la comparaison du jeu de rôle au cinéma ne tient que dans les outils et ressorts narratifs qu’on peut utiliser.

Je vais donc ici vulgariser et adapter des ressorts narratifs courants, qui sont totalement exploitables en jeu de rôle, et vous expliquer un peu quoi faire avec, et comment ne pas en abuser non plus. Comme il y en a pas mal, je vais les faire au fur à mesure, sinon mes articles seront longs, lourdingues, et donc carrément chiants à lire :

1- Le générique

Toute bonne série ou tout bon film commence par un générique, et une première scène. Et pour citer un professeur de cinéma, Mr Douchet qui citait lui-même Lynch : tout le sujet d’un film est contenu dans sa première scène.

Id est : si le générique ou la première scène est ratée ou sans saveur vous avez de très bonne chances de vous taper un navet.

En jeu de rôle, c’est un peu pareil. Il y a : avant le début de la partie de jeu, l’arrivée des joueurs, le papotage, la préparation de la partie, les déconnades ; et le commencement de la partie de jeu de rôle, ce moment crucial où vos joueurs en sont encore sans doutes à parler de leur semaine de taff ou de leurs déboires romantiques, et n’ont aucune raison d’entrer dans la peau de leur perso, comme ça, pouf hop, sur votre simple demande.

Il va donc falloir leur donner l’envie et la motivation d’entrer dans votre univers, votre histoire, votre thème… bref dans la partie de jeu de rôle et la peau de leurs personnages. Pour cela, un bon outil que j’ai exploité assez souvent, c’est le générique musical. Vous le faites jouer quand vous allez lancer la partie, le machin dure une minute environ, les joueurs, à qui vous avez déjà fait le coup savent que, là, les choses sérieuses commencent, ceux que ne savent pas comprennent que quelque chose se passe et vous avez capté leur attention.

Une alternative, qui marche pas mal non plus dans le cadre de parties de jeu suivies (des campagnes de jeu de rôle), c’est de se servir de cette mise en scène musicale et du générique, pour demander un rapide résumé du ou des derniers épisode(s) à un joueur. Déjà, ça aide pas mal, ensuite cela force les joueurs à se concentrer sur les actions et péripéties des personnages, et cela sert de point de repère efficace pour annoncer le début de la partie de jeu.

Dès lors, la première scène de jeu doit donner le ton de votre intrigue, sa saveur, son ambiance, son sujet (voir plus bas sur la définition du terme sujet en narration). Si vous faites commencer la partie dans une auberge, cela a un sens, une ambiance, et un cadre qui doit frapper de suite. Si vous voulez une ambiance qui dépote, tout commence par une soudaine cascade/catastrophe/baston, bref, un truc rapide et qui bouge vite.

Voilà comment appliquer la notion de générique à une partie de jeu de rôle, et comment il peut soudain prendre totalement son sens, et ainsi même confirmer Lynch… si votre intro et votre générique sont réussis… la partie a de bonnes chances de l’être aussi !

2- Le pacte de crédulité.

Est-ce que voir la planète Pandora dans le film Avatar tourner autour d’une géante gazeuse sans que cela n’ai d’effets dévastateurs apparent pour la planète vous a choqué ? Non, je ne pense pas. Est-ce que vous vous demandez encore comment volent les taxis et voitures de flic dans Blade Runner ou Le 5ème Elément ? Non plus, à priori. Et avez-vous ressenti le besoin impérieux d’essayer de comprendre comment fonctionne et selon quelles réelles règles établies la magie de Harry Potter ? Dans l’immense majorité des cas ce sera toujours non.

C’est ce qu’on appelle le pacte de crédulité. Celui qui fait que vous êtes immédiatement transporté par la violence inouïe et spectaculaire de la première scène du film Transformers sans jamais avoir votre cerveau qui vous fait remarquer que c’est juste du n’importe nawak.

Vous savez que c’est du n’importe nawak, mais c’est chouette, c’est cohérent dans l’histoire, et l’intrigue, c’est donc acceptable, même si cela dit merde à toutes les conventions du monde réel et aux lois de la physique.

En jeu de rôle, le pacte de crédulité, c’est un accord tacite que vous signez entre joueurs et MJ pour admettre que ce qui va se passer dans l’univers, l’intrigue et l’aventure donné est plausible, et ne sera pas remis en question, tant que cela semble tenir la route. C’est ce qui évite de soudain digresser pendant 2 heures à Star Wars sur la physique des sabres lasers, ou passer des plombes à expliquer pourquoi dans cet univers les gens peuvent éviter les balles alors que dans le précédent jeu de rôle, tu t’asseyais sur cette idée.

Le pacte de crédulité est là pour régler toutes les micros-illogismes qui émaillent tous les récits depuis la nuit des temps. Le spectateur, le lecteur, le joueur de jeu de rôle admets que tout ne peut être parfaitement logique, ni expliqué ou anticipé, et que tant que ça respecte deux règles fondamentales, il est content et ne remettra pas en question ces micros-illogismes :

  • Ca doit rester ou paraitre cohérent : la cohérence, ca ne fonctionne pas avec la réalité physique, mais avec celle de l’histoire, et du contexte. Sont cohérents dans un monde de space-opéra les plus incroyables vaisseaux spatiaux possibles. Mais si vous décidez d’y rajouter une tortue portant quatre éléphants soutenant eux-mêmes un disque-monde…. vous allez devoir très sérieusement trouver une explication, car vos joueurs vont décrocher à vitesse grand V.
  • Ca doit servir l’intrigue : si vous inventez pour le fun le canon laser anti-planète basé sur la technologie du sabre laser avec un cristal géant… soit. Mais il doit servir l’intrigue. Ce truc là, il doit finir cassé, explosé, devenir l’enjeu d’un conflit à grande échelle, ou se faire chouraver par tout le monde. Un machin pareil choque la crédulité des joueurs… alors pour qu’ils acceptent de revenir au pacte de crédulité, ça DOIT servir à quelque chose d’absolument majeur dans votre intrigue.

Un dernier conseil : plus le pacte de crédulité est exploité avec finesse, mieux il passe. C’est comme les effets spéciaux et les gadgets au cinéma. Plus ils semblent plausibles et semblent ressembler au monde réel, même s’ils ne le sont pas, plus le spectateur y adhère.

Alors si vous voulez vous en servir, rappelez-vous que « Le théâtre, c’est la vie ; ses moments d’ennui en moins. » Hitchcock résume bien une partie de ce principe. Le pacte de crédulité ne réussit vraiment que s’il s’appuie peu ou prou sur notre quotidien.

2 réflexions sur “2- le jeu de rôle, c’est comme du cinéma, ou pas ? (partie 1)

  • Si on donne dans le domaine de l’action, on peut aussi se la jouer à la James Bond, avec une scène prégénérique, qui n’a pas forcément de rapport avec la suite de l’action, mais qui permet de mettre les joueurs dans l’ambiance avec un truc qui bouge, là, tout de suite, allez, on lance les dés!

    • C’est un truc que j’âdore aussi, mais qui doit pas mal être préparé, et pas toujours aisé à employer, mais qui donne un très bon ton !

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