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Chappie

Donc hier, pelotonnée contre mon Ange, nous avons regardé Chappie, de Neill Blomkamp. Pour qui ne sait pas, je vais faire un résumé, qui va différer méchant de celui d’Allociné, dont je me demande s’ils ont vu le film pour écrire leur résumé.

Dans un futur terriblement proche -la première date citée est 2016, le film se passe en 2017-2019- la criminalité de Johannesburg est devenu ingérable, au point que sa police est la première au monde à s’équiper des « agents », des androïdes robotiques, autonomes et impossibles à pirater, au corps d’alliages de titane secondant la police, fabriqués par une société d’armement qui en tire des bénéfices substantiels. Mais voilà, le génie qui a crée les Agents (Dev Patel) ne l’a pas fait pour la beauté de la guerre, mais pour le rêve de l’homme : créer une machine qui pense, et qui a conscience. Et un des modèles d’ « agent » (« joué » par Sharlto Copley) va devenir le premier robot à penser. La première intelligence artificielle ayant conscience de son existence comme de celle d’un être en vie.

Et on ne peut pas dire que cela va se passer idéalement, ni que ça va plaire à tout le monde, surtout à son principal rival, un autre ingénieur (Hugh Jackman), qui a un problème viscéral (id est religieux ET phobiaque) à l’idée de robots autonomes, et pire, intelligents.

Ceci fait, si quelques geeks ici pensent à Daryl ou encore Johnny 5, oui, ça y ressemble un peu. Et non, ça ne s’en rapproche pourtant pas. Neill Blomkamp a un rapport évident et puissant à la misère urbaine moderne et à la lutte des classes, à la violence en réponse à la violence, le principe de l’escalade. Il n’a pas l’air d’aimer vraiment ce qui est noir ou blanc, et en fait la notion de gentil, méchant, bon et vil est floue dans sa manière de raconter un récit. Si le film se passe à Johannesburg, ce n’est vraiment pas pour rien. S’il a principalement pour décor des endroits qui feraient presque passer les pires getthos en ruine du 93 pour une colonie de vacances champêtres, et des usines aux allures de garages cheap ce n’est pas pour rien non plus. Rien n’est propre dans Chappie. Rien n’est clair, ou lumineux, sauf parfois la beauté du ciel.

Dans Chappie il n’y a qu’une forme de bonté. Et elle vient de là où on l’attendrait le moins.

Donc, je ne vais pas spoiler le film, le but est de vous donner envie de le voir. Je ne vais donc pas vous le raconter, juste vous dire ce que j’en pense.

Et pour résumer : il aurait pu faire mieux. Mais voilà, quasi tous les films sur l’intelligence artificielle sont soit ratés, soit superficiels, à l’exception près de films comme l’Homme Bicentenaire  et mon petit préféré, très peu connu, d’origine espagnole : EVA. Ils parlent tous de robots, et tout de ce qui nous relie à notre humanité, que nous pensons si unique, et qui vis-à-vis de notre génie créatif, ne le sera plus un jour. Mais tous les bons films ont tendus, avec plus ou moins de réussite, vers l’exploration de l’humain à travers le robot.

Chappie n’y échappe pas, mais avec un trait de génie, qui fait pardonner toutes les faiblesses de la mise en scène, et la légèreté parfois dramatique de certains protagonistes – le méchant y est anecdotique et même lassant, par exemple.

Chappie ne parle pas de l’humanité et de la nature de l’humain à travers le robot. Chappie parle de la différence, et a pour thème, au delà de son sujet déjà bien velu, cette notion d’anticipation et de science que l’on appelle la Singularité Technologique. En deux heures de cinéma, on rit, on vibre, on est surpris, on est ému, on s’agace parfois un brin, on explore l’humanité, et pas sous ses aspects les plus propres, loin s’en faut, mais jamais sous ses aspects les plus glauques, parce qu’elle est bien trop nuancée pour ça, mais surtout, on voit venir qu’il va se passer un truc.

On ne peut pas créer une vie artificielle, une intelligence numérique, qui a conscience d’exister, qui peut apprendre, progresser, innover, inventer, sans qu’il se passe quelque chose. Et c’est tout le génie du film que d’y arriver, presque sans qu’on s’y attende ainsi. Mais quand le film s’achève, on ne peut que conclure : c’était évident. Chappie est né, la première création pensante de l’homme est née, son enfant, son héritier. Son héritage. Et forcément, tôt ou tard, il va faire ou créer quelque chose qui dépasse tout ce qu’on aurait pu imaginer, parce qu’il le peut, comme nous pouvions l’avoir crée, et que si une intelligence peut créer quelque chose, qu’elle est motivée à le faire, que ses propres fondements moraux, sa propre perception de l’existence lui impose que ce qu’elle peut faire, elle doit le faire, elle le fera.

Et personne ne peut prévoir ce qu’elle fera, à quoi elle pensera, comment elle révolutionnera nos vies.

Chappie est une forme d’histoire de la vie. Une histoire sur la différence. Un récit sur l’humanité, qui est presque modeste dans son traitement, carrément humble dans son discours, qui est simple, sans prétention, sans grande ambition. Il n’en est que plus réussi.

Alors, vous allez sûrement trouver deux trois choses un peu bancales sur le script, le fond du récit, et surtout sur certains personnages secondaires. J’ai eu le sentiment que Neill Blomkamp se faisait piéger par les seules deux heures de film à consacrer à son histoire. C’est un peu court, il faut donc tout caser, et cela se voit qu’il en a chié et a eu du mal. Mais c’est un petit bijou au final, dans ce monde terriblement réaliste et qui nous ressemble tant.

Je peux enfin dire qu’un film sur l’intelligence artificielle et sur l’la Singularité Technologique est vraiment réussi. J’avoue, j’en suis heureuse, et soulagée.