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Deux poids, deux mesures, ou quand Facebook censure des seins mais jamais des propos et images de haine

Je pensais faire cet article prochainement, à tête reposée et en ayant laissé passer la polémique autour de mon bannissement pour, à priori une illustration avec des seins nus. Je dis à priori, parce qu’en fait, 12 images furent signalés, y compris un encadré avec du texte sans aucun contenu illicite et sans aucune précision sur la décision de bannissement autre que « vous contrevenez aux standards de la communauté bla bla… »

Mais dans la foulée de mon bannissement, 24 heures plus tard, Alysia, ma compagne, se fait bannir elle aussi pour 24 heures. On pourrait dire qu’elle l’a cherché, appliquant à la lettre le contenu des standards de la communauté qui autorisent le nu artistique. C’est techniquement écrit noir sur blanc, c’est dans les faits tourné de telle manière que je n’ai toujours pas saisi en détail ce qu’ils appellent « photos de nus artistiques »  et je n’ai reçu aucune réponse à mes questions… J’en viens à me demander où sont les humains dans ce truc ?

J’explique tout, donc, oui, c’est long à lire… donc passez direct (et évitez alors de commenter sur les réseaux sociaux), soit… bon courage et merci de votre patience !

Ubu-roi

Enfin bref. Alysia a partagé, fâchée et sur un coup de tête, sa propre collection d’œuvres dénudés, illustrations et rendus 3D, paf, bannissement 24 heures etc. On pourrait dire que cela confirme juste que Facebook applique… non que facebook n’applique pas ses règles publiques, mais ses propres codes, sans doutes, comme le mentionne ici Stéphane Gallay et comme me l’a confirmé un ami fort versé dans la technologie des réseaux sociaux, sur la veille de robots chargés d’intervenir statistiquement quand un certain seuil de signalements d’un élément par des membres de Facebook est atteint, et bannir de manière plus ou moins automatique.

L’expérience était intéressante, la leçon apprise – Facebook est mauvais joueur, acariâtre, arbitraire et aussi un peu con – l’affaire aurait pu s’arrêter là.

Ce matin, Alysia est bannie trois jours. Une des photos sur son mur, qui entre dans le cadre de, je cite : « les photos de peintures, sculptures et autres œuvres d’art illustrant des personnages nus » qui sont donc autorisés, et une photo qui n’avait PAS été retiré ni signalée après ses 24 heures de bannissement, lui vaut d’être bannie de nouveau, 3 jours !

Nous sommes en pleine scène de théatre d’Ubu-Roi. Le gag est que la photo incriminée est TOUJOURS sur la page et le mur de mon Ange. Étant la seule photo présentant du nu sur la dizaine de photos signalés, elle est bannie trois jours par la seule photo qui pourrait causer des soucis, qui, elle, n’est pas retiré.

Vous le sentez, mon sarcasme devant une telle absurdité ?

Voici, ci dessous la photo en question, partagé par plusieurs dizaines de personnes, certaines pour sa beauté et sa qualité, d’autres pour me soutenir quand j’ai été bannie pour cela :

scaphandre8

Etait aussi incriminée la version couleur ; pareillement, elle fut énormément partagée pour les mêmes raisons  :

scaphandre-final

Revenons donc à cette fameuse charte des standards de la communauté :

Je sais que vous n’aimez pas en règle général lire des pavés, ni fouiller dans des règlements sans fin, voici donc la copie et les extraits des standards de la communauté, dont la rédaction frise l’incompétence à dessein en matière de clarté. Lisez donc la partie concernant la nudité :

(community standarts  ; je ne peux vous donner la page précise… il n’est pas possible de la linker. Ca serait fait exprès que ce serait parfait)

Nudité :

Les utilisateurs partagent parfois des scènes de nudité dans le cadre de campagnes de sensibilisation ou de projets artistiques. Nous limitons l’affichage de scènes de nudité, car certaines audiences au sein de notre communauté mondiale peuvent être sensibles à ce type de contenu, en particulier de par leur culture ou leur âge. Afin de traiter les utilisateurs de façon juste et de répondre rapidement aux signalements, il est essentiel pour nous de mettre en place des règles que nos équipes internationales peuvent appliquer uniformément et facilement lors des examens de contenus. En conséquence, nos règles peuvent parfois être plus formelles que nous l’aurions souhaité et limiter le contenu partagé à des fins légitimes. Nous cherchons sans cesse à mieux évaluer ce type de contenu et à mieux appliquer nos standards.

Nous supprimons les photographies présentant des organes génitaux ou des fesses entièrement exposées. Nous limitons également certaines images de poitrines féminines si elles montrent le mamelon, mais nous autorisons toujours les photos de femmes qui défendent activement l’allaitement ou qui montrent les cicatrices post-mastectomie de leur poitrine. Nous autorisons également les photos de peintures, sculptures et autres œuvres d’art illustrant des personnages nus. Les restrictions sur l’affichage de nudité et d’activité sexuelle s’appliquent également au contenu créé numériquement, sauf si le contenu est publié à des fins éducatives, humoristiques ou satiriques. Les images illustrant explicitement des rapports sexuels sont interdites. Les descriptions d’actes sexuels qui entrent dans les détails peuvent également être supprimées.

Ici, on entre dans deux phrases l’une après l’autre qui se contredisent dans les faits avec allégresse :

« Nous autorisons également les photos de peintures, sculptures et autres œuvres d’art illustrant des personnages nus. Les restrictions sur l’affichage de nudité et d’activité sexuelle s’appliquent également au contenu créé numériquement, sauf si le contenu est publié à des fins éducatives, humoristiques ou satiriques. »

Il va sans dire que si vous publiez maintenant une photo de femme en train d’allaiter, par exemple une très belle photo d’art, attendez-vous selon les cas à vous faire bannir plus vite qu’un éjaculateur précoce n’en finir avec son histoire courte .  D’autres que moi, il y a seulement quelques semaines, en ont été pour leurs frais, ils ont voulu profiter de ce droit, pour des raisons artistiques ou informatives. Ils l’ont eu dans le popotin sans vaseline.

Mais pour expliquer à quel point ces Standards de la Communauté son absurdes et surtout, démontrent que Facebook applique son propre programme en se contrefichant de l’utilisateur mais aussi de ses propres lois et déclarations , venons-en au fait de sujet concernant le discours incitant à la haine :

Discours incitant à la haine

Facebook supprime tout discours incitant à la haine, ce qui comprend tout contenu qui attaque directement des personnes en raison de :

  • leur race ;
  • leur ethnicité ;
  • leur origine nationale ;
  • leur religion ;
  • leur orientation sexuelle ;
  • leur sexe ou leur identité sexuelle ;
  • leur infirmité ou leur état de santé.

Les organisations et personnes incitant à la haine de ces groupes protégés n’ont pas le droit de présence sur Facebook. Comme pour tous nos autres standards, nous demandons aux membres de notre communauté de nous signaler ce type de contenu.

Les gens peuvent utiliser Facebook pour discuter de certaines idées, institutions ou pratiques. De telles discussions peuvent promouvoir le débat et une meilleure compréhension. Les utilisateurs partagent parfois du contenu contenant les propos haineux d’une autre personne à des fins de sensibilisation ou d’information. Dans ce cas, nous attendons de ces utilisateurs qu’ils indiquent clairement leur intention, afin de nous aider à mieux comprendre pourquoi ils partagent le contenu en question.

Nous autorisons les commentaires humoristiques, satiriques ou sociaux sur ces sujets, et nous pensons que lorsque les gens utilisent leur véritable identité, ils agissent de façon plus responsable au moment d’exprimer ce genre d’opinions. C’est pourquoi nous pouvons demander aux propriétaires de Page d’associer leur nom et leur profil Facebook à tout contenu gênant, même si ce contenu n’enfreint pas nos règles. Comme toujours, nous conseillons vivement aux utilisateurs d’être conscients de leur audience lorsqu’ils partagent ce type de contenu.

Si nous nous efforçons de supprimer tout discours incitant à la haine, nous vous fournissons également des outils vous permettant d’éviter les contenus choquants ou déplaisants. En savoir plus sur les outils proposés pour contrôler ce que vous voyez. Vous pouvez également utiliser Facebook pour prendre la parole et sensibiliser la communauté qui vous entoure. Un contre-argumentaire appuyé par des informations exactes et des opinions variées peut aider à créer un environnement plus sûr et plus respectueux.

Il s’avère que, et là, je fais l’expérience en permanence, tout signalement de discours, d’apologie, d’appel à la haine/violence, basée sur toutes formes de discriminations, émanant d’individus et de groupes n’est pris en compte que dans moins de 5% des cas. Il reste donc 95% de salopards et de leur contenu, expliquant qu’on devrait brûler les trans, éradiquer les pédés et leur famille, battre les femmes et les traiter en pute, laisser les réfugiés crever sur leurs bateaux ou encore lâcher un virus mortel pour massacrer tous les gens de couleur. Je n’invente rien, vous avez ainsi des mots-clefs magnifiques si vous avez du temps à perdre pour visiter la lie de Facebook… cherchez-les aussi en anglais, vous allez rire.

J’avais crée un tag, m’énervant de voir sur ma page des incitations à la haine, y compris, allez, point Godwin, fleurir des croix gammés et des nostalgiques du IIIème Reich, tandis que je voyais des œuvres d’art classique se faire censurer et leurs auteurs bannis parce qu’on y devinait un téton ou un bout de verge :

#LessBloodMoreBoobs.

Quelques semaines après la création de ce tag, toujours employé, et en même temps que quelques plaintes et procès notables de personnes et organisations bannies pour avoir diffusé du contenu culturel classique trop dévêtu, Facebook changeait ses standards et je me faisais une joie qu’enfin, une certaine intelligence et ouverture d’esprit ai gagné un petit combat.

Enfin quand je dis petit… vu la taille du réseau social, c’est plutôt une grande victoire, remarquée par le Monde, par exemple.

C’était du vent. De la promesse qui n’engage que celui qui y croit. Je viens de le voir vérifié plusieurs fois ces dernières semaines, d’entre être le témoin et la victime moi-même. Il faut bien comprendre que le système qui gère le signalement, la censure et le bannissement sur Facebook n’est ni humain, ni le fait d’un robot qui reconnait des scènes de violence, du cul, des seins, des bites ou encore des appels à la haine.

Il ne fonctionne que selon un modèle statistique. Prenons cette image :

grand-tournesol1

Quelques dizaines, à mon avis, de personnes signalent cette image comme choquante, en précisant nu/porno, par exemple, et soudain, l’usager qui l’a posté va recevoir un message  la signalant, elle et d’autres à priori totalement au hasard de cet usager, comme contrevenant aux standards de la communauté, puis être banni 24 heures -la première fois. Il peut faire appel, y’a un joli bouton pour cela. Faut-il encore qu’un humain réponde. Il a très peu de chances de voir son ban annulé avant 24 heures. Qu’en est-il pour plus longtemps ? A priori, même les bans de trois jours ayant suscité une réclamation restent actifs trois jours. Facebook n’en a simplement rien à foutre, même s’il y  a erreur.

On tape d’abord, on pose les question après si éventuellement c’est très grave. Très grave voulant seulement dire que l’usager est assez influent pour causer un vrai grabuge dans le monde journalistique, à priori.

Bien sûr, je voudrais croire, et j’espère, que malgré tout dans ce système totalement automatisé, il y a soit un robot expert, soit un humain, qui avant de taper, vérifie pourquoi on doit taper… En gros, est-ce que cela est légitime ? Mais après témoignages et vérifications, ce n’est pas le cas. Ce qui veut par exemple dire que ça, posté tel quel sur le réseau social sans aucune mise en contexte, ne déclenchera rien, même si 5 ou 10 personnes, la signalent :

dog-fur-12

(et je suis navrée pour mes lecteurs de vous infliger cette image terrible.. j’en avais des bien pires, mais même moi, je me file la nausée)

Maintenant, si ces photos là ne déclenchent que rarement des réactions, les mots et textes incitant à la haine ? Alors là, rions fort et jaune !

Shit-bombing et vengeance de cons

Maintenant que vous savez comment fonctionne ce système, dites-vous bien que des petits malins (du latin malignes : qui aime faire le mal) on de suite compris la mécanique de la bestiole.

Il suffit donc de réunir deux cent connards pour faire tomber assez efficacement une page et son utilisateur, jusqu’à provoquer son bannissement définitif, et même s’il ne partage que des photos de chats et d’orchidées. C’est ce qui est employé massivement par certains groupes pour s’attaquer entre autres aux féministes ayant leur malheur de ne pas leur plaire (je n’oser pas dire exister) et qui sont un peu trop en vue.

Bien sûr, ce système là fonctionne une fois, deux, trois fois et après à force de plaintes et de récriminations contre Facebook, la personne ciblée peut arriver à récupérer son compte, et parfois, fort rarement, les incriminés se font tomber dessus.

Mais il suffit de le savoir, de s’organiser sur des forums extérieurs (JVC en a fait une spécialité), d’ aller sur Facebook avec un beau fake compte, ça se crée aisément,  et de recommencer une prochaine fois ailleurs.  Ces activités font régulièrement le buzz et le scandale, mais rien ne les a ralenti d’un iota… et la preuve… je viens d’y avoir droit et ma compagne aussi. Pourquoi est-elle visée ? Sans doutes parce que mon illustration a été très remarquée, et que le hasard fait que c’est tombé sur elle. Ou parce que c’est bel et bien ma compagne et que des gens ont trouvés drôle de lui faire du mal pour m’en faire !

Sauf enquête en plongeant encore plus dans la lie de Facebook et des divers forums pour scruter les groupes les plus haineux à mon encontre, je ne le saurais jamais. Et j’évite. J’aime dormir tranquille et visiter ces groupes est un bon moyen de se filer des cauchemars sur la misère de la plus stupide et indigente haine humaine. Quand aux (petits à priori) groupes qui haïssent mon existence, malheureusement, je sais qu’ils existent ; plusieurs fois, ce blog , mon compte email, mon site de jeu  de rôle, ont été victimes d’attaques orchestrées « pour rire » (des DDOS). Je remercie la sécurité de mon solide et réactif provider… et ma paranoïa naturelle dès qu’il s’agit de protéger mon travail professionnel.

Conclusion… mais en fait non, je ne conclus pas si aisément

Je suis seule. J’ai aucune influence, pas de moyens, je ne suis ni amie ni copine de Bolloré, ni d’aucun patron de groupe de presse. Je suis une simple connasse d’illustratrice, romancière et créatrices de jeu de rôle qui a un blog et qui essaye de bosser en se contrefoutant en général de tout ce bazar, ça ne m’a jamais empêché de donner mon avis. Je n’ai pas un rond non plus pour aller entamer un procès à Facebook pour le forcer à devoir clarifier sa méthodologie de censure et qu’il arrête ses conneries, et enfin se décide à évoluer au 21° siècle…

Encore que vu la gueule de 2016, l’évolution en question me fasse songer à un rétropédalage dans les années 1950.

Mais… j’avais crée un tag qui a fait plaisir à du monde : LessBloodMoreBoobs. Il va devenir un blog dans les semaines qui suivent, un site communautaire pour créer un groupe et un ensemble de personnes incluant artistes, illustrateurs, créatifs et activistes décidés à convaincre Facebook de revoir encore son propre règlement, mais surtout de l’appliquer, et ne pas faire ce qu’il veut en dépit de tout bon sens  et de tout intelligence, en confiant sa modération à la statistique de la « sagesse populaire » ! Vous le sentez bien, là, mon rire sardonique ?

Ce blog mourra peut-être sans aucun soutien ou résultat, ou pas. Mais j’aurais essayé, et je compte bien essayer méchamment. Ma compagne vient de se faire descendre alors qu’elle est très discrète sur les réseaux sociaux et ne ferait pas de mal à une mouche. On s’en prends aussi à mes amis et contacts. On m’a mise en colère.

Faut pas me mettre en colère.