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GNS, LNS, théorie du jeu de rôle et cases à la con

Allez on recommence sur les articles de vulgarisation de sujet compliqué, ici la théorie du jeu de rôle nommée le GNS, un outil de réflexion et d’analyse très utile, mais pas forcément très connu et forcément très galvaudé.

Alors ici, trigger warning : si vous avez des idées reçues sur le sujet, vous n’allez pas aimer ce que je vais écrire, ça va vous casser vos certitudes (et j’aime ça). Et pareillement, si vous êtes expert du sujet, je ne vais strictement rien vous apprendre. Mon ton et mon objectif sont de simplifier un truc un peu compliqué, pour permettre à tout un chacun rôliste et créateur de jeu de s’en faire une bonne idée qui lui donnera envie de se plonger dans les documentations sur la bête.

Hors donc « GNS » c’est quoi cet acronyme de sauvage dans le monde du JDR ? J’en ferai sûrement un article de blog, un de ces jours, ici, je vais faire simple.

Alors pour commencer, ne dites pas GNS (c’est l’acronyme anglais), mais LNS: cela veut dire ludisme, narrativisme et simulationnisme (en anglais gamism, narrativism, simulationism). Je vais d’ailleurs sur tout le reste de l’article parler de l’acronyme français, par principe : on dira donc LNS.

C’est quoi le LNS ?

C’est l’étude des fondements des relations et des échanges entre les joueurs autour d’une table de JDR, MJ compris, et les attentes créatives que ces joueurs ont au sujet de leur loisir préféré.
En bref, le but du LNS, c’est de comprendre ce que les joueurs aiment et recherchent dans un cadre de partie de JDR donné, pour y adapter la mécanique du jeu de rôle. Ici on parle aussi bien de système de jeu, que de motivations du jeu lui-même ou encore d’interactions entre les joueurs et le monde et entre les joueurs eux-mêmes.

C’est de là que nait l’expression, à laquelle je souscris totalement, et sur laquelle pissent, avec le plus grand tort, nombre de créateurs de JDR : system does matter. En gros, un JDR bien conçu devrait, dès la création des personnages, pouvoir satisfaire les attentes des joueurs appâtés par le pitch du jeu de rôle. C’est la parfaite antithèse du « tu prends cthulhu (ou le système D20) et tu adaptes ».

Le LNS a donné vie aux termes (affreusement galvaudés) de ludisme, narrativisme et simulationnisme. Ces trois termes sont les trois parties d’un tout mécanique, ils sont les ingrédients de base d’une recette, et absolument pas des putains de cases. Mais forcément, tout le monde aimant les cases, des gens décidèrent d’user de chaque partie comme de catégories et de classer les JDR dedans, sans aucune perméabilité. Alors qu’à la base, tout jeu contient par essence, et parfois par destination, un peu des trois.

Pour imager, considérer que ludisme, narrativisme et simulationnisme sont des cases revient à penser que l’huile, le sel et le poivre peuvent se manger tout seul et séparément, quand à l’évidence ils ne sont que trois ingrédients et qu’avec, faut pas mal d’autre choses pour faire une bonne recette !

Les trois fondements du jeu de rôle

La LNS considère à raison que ces trois parties, on les trouve dans tous les JDR. Ici je fais court :

Le ludisme :

C’est quand vous affrontez les défis de l’histoire et que vous triomphez. C’est la partie action, défi et blockbuster du JDR. Vous n’avez pas envie de venir jouer à Derrik RPG ? C’est aussi la capacité du jeu à permettre à tous les joueurs de participer et triompher de ces défis. S’il y déséquilibre de variété de moyens d’agir et participer dans les rôles possibles, il n’y a pas de ludisme (coucou Shadowrun, mais ce défaut est courant !). Le ludisme implique avant tout le plaisir de la récompense et de la victoire sur l’adversité. Tous les jeux de rôle avec de fortes mécaniques héroïques ( y compris D&D et sa chiée de points de vie, par exemple) sont considérés comment privilégiant le ludisme.

Le narrativisme

 C’est quand votre contact dans shadowrun, c’est 2 chiffres et que vous en faites un personnage haut en couleur dans son bar sous-terrain troll avec un garde du corps punk-féministe. Le MJ comme les joueurs racontent des bouts de l’histoire, et la récompense c’est le plaisir de donner un sens à toute l’histoire. Le narrativisme implique la capacité de tous les joueurs à prendre en main l’histoire et la faire avancer et grandir en commun. C’est cet élément qui a donné naissance aux projets de jeu à narration partagée ou encore aux mécaniques de jeu permettant de prendre la main en tant que joueur sur l’action et la scène en cours et en décider du déroulement.  Deux bons exemples de ces jeux, c’est Fate ou encore Apocalypse (oui, tout le monde sait que je ne les aime pas. Mais ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas de très bons jeux !)

Le simulationnisme

 Ce n’est pas que les règles, c’est tous les outils pour s’immerger dans le monde et les moyens de pouvoir interpréter son personnage dans cet univers proposé dans le JDR. Que ce soit une adéquation du système de jeu aux principes fondamentaux de l’univers (les alignements de D&D sont exactement cela, les Cercles de L5R qui définissent les carac sont partie intégrante de la mythologie du monde, les natures et attitude des jeux du Monde des Ténèbres, etc..) ou la capacité de l’univers décrit de pouvoir s’y immerger et le simuler de manière réjouissante et riche. On peut sans hésiter considérer que tous les jeux de rôle « à univers » privilégient le simulationnisme, puisqu’ils privilégient l’immersion. Je pense que le meilleur exemple serait l’ensemble des jeux du Monde des Ténèbres.

La bonne recette !

Si vous avez bien suivi jusqu’ici mes simples explications, vous pourriez aller prendre le premier JDR de vote collection, et vous poser ainsi ces trois groupes de questions :

  • Est-ce qu’on s’y amuse quand on crée un perso, est-ce que ce perso dispose de moyens d’agir dans le monde, avoir sa part d’héroïsmes et de triomphes sur l’adversité ? A quel point les règles et les propositions de création de personnage reflètent cet objectif ?
  • Est-ce que mon personnage et le jeu me donnent capacité à décider librement d’une partie de ce qu’il est, de ce qu’il possède, de comment il est devenu ce qu’il est et ce qu’il possède ? Est-ce qu’en cours de jeu, je peux aisément décider que telle scène ou action, qu’elle me concerne ou concerne l’univers ou les autres joueurs, se passera de la manière que je souhaite ? A quel point les règles et les propositions de création de personnage reflètent cet objectif ?
  • Est-ce que dès la lecture du JDR, les indications et les idées suggérés pour l’aborder m’immergent dans l’univers proposé ? Est-ce que cet univers se cantonne à un décor simple ou creuse profondément tous les aspects de la société et de la nature pour m’offrir un complet dépaysement et les plus riches informations possibles pour donner vie à cet univers et y participer ? A quel point les règles et les propositions de création de personnage reflètent cet objectif ?

Et en réfléchissant aux questions, vous allez réaliser que y’a vraiment pas bcp de JDR qui ne réunissent pas les trois éléments du LNS. Certains seront simplement plus fortement orienté dans un thème ou deux (difficilement dans les trois, mais il en existe aussi !), mais tous ont un dosage des trois éléments. Et ce sont les jeux qui ont le meilleur dosage des trois éléments pour une recette réussie qui sont les plus marquants en terme de plaisir général de jeu !

Lesquels me direz-vous ? Ben je pense là, comme ça, avec ma faible connaissance des JDR (y’en a trop, je ne collectionne plus depuis 10 ans), à Mage l’Ascension, que je pourrais considérer comme ma vraie première expérience narrativiste (la Magie y est tellement ouverte qu’il est absurde de « prévoir » un scénario dirigiste car il est impossible d’anticiper ce que les joueurs vont créer). Mais je pense aussi à Unknown Armies, 7ème Mer, ou dans une moindre mesure Prophecy. Un panel de jeux très différents –et encore une fois, je ne peux guère en citer beaucoup, mes connaissances sont limitées- qui réunissent de haut degré des trois composants du LNS. Chacun a son élément privilégié dans le système, mais tous ont réussi la recette.

Conclusion

Ho elle sera courte : arrêtez de me gonfler le mou avec vos cases et vos définitions bancales du narrativisme, du ludisme et du simulationnisme. Ce sont toutes des parties d’un tout et non des catégories. Bien sûr qu’il est tentant de catégoriser. Mais catégoriser c’est discriminer, et c’est ce que font trop de rôlistes, même moi quand je m’égare ! Apprenez à trouver cool que y’ait tous ces éléments dans la recette de votre jeu préféré et à la rigueur regrettez quand y’a un ingrédient trop peu présent. Mais dans l’essence même de la manière dont se pratique le jeu de rôle, les trois éléments y seront forcément. S’ils n’y sont pas dans les règles, vous aurez forcément eu le désir de les intégrer dans la partie elle-même.

Et pour vous créateurs de JDR : SYSTEM DOES MATTER ! la création est un art, oui. Mais vous croyez vraiment que maitriser un art se fait à la dilettante et par empirisme, à coup uniquement d’expérience et essai/erreur ? Que y’a pas des kilotonnes de théorie et de technique à s’engouffrer sans faim jusqu’à en avoir les dents du fond qui baignent ?

Hop, des ressources :

La théorie LNS sur wikipédia.

Les forums des Ateliers Imaginaires

Christoph Boeckle: La grille d’analyse de la Forge-video Youtube [Orc’idée 2015]

 

Et bientôt, le LNS et la création des Chants de Loss !

Une réflexion sur “GNS, LNS, théorie du jeu de rôle et cases à la con

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