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Je suis une Geek

axelle6

Des fois où vous ne l’auriez pas remarqué. Je dis ça, parce qu’aujourd’hui, c’est la Journée de la Femme (une date dont l’histoire est fort sulfureuse, plus héroïque, et moins glamour que vous le croiriez), et parce que dans le monde des ludophiles, des gamers, des rôlistes et des fans de l’imaginaire, il semble que les geekettes -j’adore le terme- soient vu comme des aliens, voir avec autant d’étonnement qu’apercevoir le Cerf Blanc.

Messieurs, ceusse parmi vous qui ne seraient pas au courant, je vais casser vos illusions, des geekettes, y’en a plein.

Pire! Il y a même des geeks gay, des geekettes lesbiennes, une tripotée de geeks transgenres, des geeks de toutes les couleurs, et surtout, incroyablement, les geeks en général s’en contrecognent. Je soupçonne que si on faisait un sondage dans la population des geeks à grande échelle, on se rendrait compte que leur rapport au genre, à la liberté sexuelle, à la construction de l’unité familiale et tous ces charmants débats-paravents actuels dont la politique française nous tartine jusqu’à écœurement indigeste de la confiture de basse qualité, pourrait se résumer simplement: tant que cela conduit à être heureux, et rendre heureux, ils se foutent bien de savoir comment.

Mon dieu, les geeks seraient permissifs, prônerait une totale égalité de genre, et une société ouverte à toutes les différences?

Oui.

D’accord, pas tous. Mais oui.

Mais pourquoi je vous parle de ça, quand on parle de la Journée de la Femme, et que je suis une geekette?

Parce que ce n’est pas si simple non plus. Personnellement, mis à part quelques mésaventures malheureuses dans ma carrière de rôliste, et d’illustratrice, j’ai peu à me plaindre. J’ai surtout constaté que cette ouverture d’esprit, dont je parle plus haut, ne s’est pas faite d’un claquement de doigts, et est encore à faire dans certains milieux -bonjour les pro-gamers! Il a fallu du temps, depuis les années 80 – oui, j’ai commencé tôt, je ne suis pas ludosaure pour rien- pour que ce milieu s’ouvre un peu à autre chose qu’un cercle fermé fort masculin. Je me rappelle de mes années de lycée et de mon club de JDR en Corse. On parle ici du début des années 90. Y trouver une fille faisant du jeu de rôle, et participant au club, tenait du statistiquement improbable. Gag magistral, c’est en initiant à notre activité favorite un club de troisième âge enthousiaste, que j’ai vu ma première fille rôliste. Elle avait 71 ans, et je vous dis pas l’enquêtrice de l’Appel de Cthulhu qu’elle nous a incarné, planquez-vous, elle arrive!

C’est au milieu des années 90 que j’ai commencé à voir des rôlistes de tous les bords. Avec, toujours, cette claire tendance de certains cercles à regarder avec étrangeté l’arrivée de femmes dans leur groupe, et un évident mal-être, qui s’exprimait soit d’une manière amusante, voire touchante -c’est drôle de voir de jeunes gens rivaliser de chevalerie et de galanterie- soit de manière assez clairement hostile, j’en ai deux expériences désagréables datant de l’époque, qui me valurent d’exploser assez bruyamment, n’étant pas vraiment d’un naturel à la garder bouclé. Mais, en même temps que l’arrivée de Magic The Gathering, jeu de cartes à collectionner, et ses héritiers tellement nombreux que je vais pas tenter de les citer (Vampire la Mascarade en jeu de cartes ne fut pas le dernier), nous vîmes une invasion de geekettes se découvrant une passion pour les jeux, les univers de l’imaginaire, les jeux de rôle grandeur-nature, et le plaisir enfin de se tenir égal à égal avec les mecs dans une activité où elles pouvaient tout aussi bien se lâcher, qu’afficher des bolloches aussi grosses que celles des mecs, à eux de devoir rivaliser à armes égales.

Moi, à cette époque, j’avais déjà quelques expériences professionnelles dans ce domaine, qui ne firent que se confirmer plus tard. Je constaterai avec le recul, que jusque vers 2005, Il y avait toujours une surprise à tomber sur UNE illustratrice, ou collaboratrice à tel ou tel jeu, surprise qui ne durait jamais trop, et passait assez vite. Etre une femme, et être fan d’Everquest, leader de raid à World of Warcraft, ou meneuse de jeu à Star Wars, Mage, ou encore Cyberpunk, cela créait toujours un petit effet surprenant.

Mais plus le temps a passé, plus j’ai vu de femmes dans les conventions de jeu de rôle, de jeux de sociétés, dans les salons de gamers, dans les festivals de manga et de culture japonaise, chez les fans de dessins animés, de cosplay,  dasn les MMORPG, dans les univers virtuels, et j’en passe. En fait, actuellement, c’est ne pas tomber sur une copine en moins de dix minutes qui me surprendrait.

Et en matière de leaders dans les mondes de l’imaginaire, je crois que désormais, les femmes y ont une place confortable, même si ce n’est pas encore vraiment à égalité avec les mecs. Il faudra du temps, et on a pas de Marion Zimmer Bradley, de Tanith Lee ou d’Anne Rice tous les jours. Après, il y a une sorte de timidité, je vais en parler, à oser s’afficher créatrice, dans ce milieu, surtout que dans le cadre professionnel, le machisme a encore de beaux jours devant lui.

Finalement, le plus drôle fut de voir qu’en étant curieuse, je réalise que des femmes geekettes, il y en a plein, et le seul dernier véritable frein à se « déclarer » comme telles, est leur peur du jugement, non des autres geeks, car les réactions hostiles sont une minorité à la marge, mais de leur entourage qui ne connait rien à cet univers, pas plus que de savoir de quoi on parle quand on parle des univers et mondes de l’Imaginaire, et des jeux.

Ce n’est PAS sérieux.

Apparemment, moins que ce qu’on attend d’une femme encore aujourd’hui, qui doit s’intéresser à sa carrière, ses enfants, aux news people et aux prochaines tendances de mode maillot de bain de l’été.

Bref, les mêmes qui me disaient quand j’étais ado que je ne ferait jamais rien de bien de ma vie, et que je gâcherais ma carrière et mon futur parce que j’avais le malheur de dessiner des petits mickey façon manga, et que je préférais me lire Tolkien ou  Arthur C. Clarke, que d’aller faire du foot ou étudier les maths.

Ce regard, qui reste encore vivace aujourd’hui, est en fait le principal frein  pour les geekettes à s’afficher publiquement et assumer sans vergogne leur passion. Un frein qui mettra du temps à disparaitre, mais qui, avant tout, doit être combattu par chacun. Autant être fier de ce qu’on est, même si ça fait chier papa, maman, la copine, ou le compagnon/la compagne. Après tout, on n’a qu’une vie.

Quand aux crétins résistants à l’arrivée des geekettes dans leur univers cloisonnés, de ceux qui pensent qu’il faut une bite et une grosse voix grave pour pougner sa race à Counterstrike, ces petites bulles sexistes de gamers geeks haineux et odieux, laissons-les crever dans leur coin. N’oublions pas de se foutre de leur gueule, de dénoncer leur misogynie, et de ne pas laisser passer leurs insultes. Mais traitons-les par le mépris le pus complet, et de préférence, méprisons les non entre geekettes, mais entre tous les geeks, les autres, l’immense majorité, mes frères et sœurs, pour paraphraser Desproges, qui n’avons pas tellement de temps à s’occuper de se soucier de crétins, car il y en aura toujours, quoi que l’on fasse.

On a meilleur temps à faire. Comme par exemple prévoir notre prochaine partie de Prophecy entre deux chasses au dragon à Skyrim, et la préparation de la prochaine convention ludique.

Et j’ajouterai une dernière chose: mesdames, quand on vous fait chier, faites chier. Toujours. En fait, cette règle s’applique à toute personne victime de discrimination. Ne jamais se taire, et ne jamais hésiter à être odieux à qui l’a été, envoyer chier, lever le ton, et pourrir le connard discriminateur.

On ne doit jamais se taire.

5 réflexions sur “Je suis une Geek

  • Excellent article, bravo! Vraiment.

    Bon, je serais peut-être un peu moins optimiste sur la tolérance du geek moyen, mais je soupçonne qu’il y a aussi un effet d’amplification des cas graves, dû précisément au fait qu’eux sont de moins en moins bien tolérés par la communauté dans son ensemble.

  • Vala. J’aurais pu être stigmatisée de mes deux trois expériences, et de celles de joueuses que j’ai croisé ou dont j’ai u lire les témoignages… Je me rappelle encore avec un certain rire la fois où, dans un salon du jeu Parisien avec toi, pour présenter TV, des gens venus pour la partie jeux vidéos croyaient que j’étais une hôtesse d’accueil. Ils ont été servis par mes réponses.
    Mais non, les VRAIES intolérances sont des cas rares. Des cas intolérables d’ailleurs, justement, et qui nous révoltent, mais ils restent à la marge. Les plus gros cas généraux d’intolérance sont surtout ceux de l’entourage non-geek, qui pire que ne pas comprendre ou voir le moindre intérêt à cette passion ou cette culture, la stigmatise avant tout…. et là, soyons claires, les filles morflent bien plus que les mecs dans ce domaine. Apparemment, « perdre son temps » est plus grave quand ce sont des filles qui le font.

  • J’aime toujours lire ce genre de témoignage car ils ont le mérite de me faire descendre de mon nuage. Mon expérience est clairement biaisée dans ce domaine car j’ai toujours, hormis ma toute première table de jeu de rôle, connu des filles dans les divers cercles geek que j’ai fréquenté et que je continue à fréquenter. Idem pour le domaine professionnel, ou pour le coup je suis dans un milieu (l’animation) plutôt féminin. Clairement, les problématiques sexistes pourraient facilement me passer au-dessus de la tête si je me contentais de regarder autour de moi…

  • Psychee

    Ben en fait, ces problématiques sexistes, je suis un cas où j’ai pu les voir sous toutes les facettes. L’avantage -si j’ose dire- d’avoir du passer une partie de ma vie dans la peau mal ajustée d’un mec, mais perçue comme telle malgré tout. De l’autre coté, ces mêmes problématiques, je ne les ai jamais laissé exister dans mon entourage, et pourrir longtemps. Disons que quand je suis colère, les gens décident soudain de se calmer vite, ou aller voir ailleurs avant que je ne les envoie sur Mars sans billet retour à coup de pompe dans leur caca d’idées reçues.
    Mais… même si je pense pouvoir dire avoir été épargnée du pire, le pire, il a existé, il a encore de beaux restes, je l’ai expérimenté, voire subi. J’ai vu en plus de ving ans les choses évoluer, du gratiné, au meilleur, avec seulement de temps en temps quelques épisodes qui me valaient de passer en mode boite à baffes pour crétins pensant que leurs couilles justifient tout.
    Je me dis que ce serait bien que toutes les nanas passent en mode boite à baffe, mais toutes les nanas ne sont pas moi, et j’ai un caractère intéressant. Et les moyens de l’assumer. IL y a quand même eu parfois des horreurs, au milieu de ce qui me faisait plutôt rire. Quand la haine mysogine d’un abruti sur un jeu vidéo en ligne vous poursuit au point qu’il tente de pirater votre ordinateur, quand un autre du monde du JDR homophobe haineux, en vient à tenter une campagne de diffamation, on réalise que cela va loin.
    Mais c’est dans le monde pro, que j’ai eu les expériences les plus cuisantes. Je me souviendrais toute ma vie de la raison pour laquelle UBIsoft, malgré le soutient de leur DRH, et de deux directeurs artistiques et techniques, a refusé de m’embaucher. Parce que j’étais trans. Et cela, c’est nettement plus douloureux que des petits cons injurieux et hargneux qu’on remets à leur place à coup de claques et en leur montrant que leurs bolloches sont justes virtuelles une fois qu’ils sont face à face…

  • lendraste

    Chouette billet. Il n’y a pas de débat, il n’y a que des cons qui ne comprennent rien. Pour prendre le contre-pied d’un lieu commun sexiste : soit geekette et dis-le !

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