Récits: Karol Ka -univers de super-héros

1-

 

La balle traversa la paroi du derme avec une facilité amplifiée par sa vélocité, la peau et la chair déchirées par son inertie. Sans être ralentie, elle traversa le muscle grand pectoral, creusant un sillon de destruction où la structure même des fibres se délitait tandis que dans la zone d’impact elle-même une partie de la blessure était cautérisée.
Le muscle deltoïde perdit dans les trois microsecondes suivantes sa jonction au sternum sous l’onde de choc et les tendons en furent arrachés créant immédiatement une difficulté de maniement du bras qui durerait à jamais. La même onde de choc fit s’abaisser sur deux centimètres la seconde et troisième côte qui vinrent faire pression sur le poumon et le cœur, provoquant une brusque perte de pression sanguine en même temps qu’une rupture de l’alimentation en air, débutant immédiatement une asphyxie avec anoxie rapide. Le sujet était assez jeune pour qu’elles ne se brisent pas, grâce à leur souplesse, et elle échappa ainsi au risque de perforation cardiaque.
Après avoir franchi 5 centimètres de chair, faisant sauter de son logement la clavicule, la balle perfora de plein fouet l’omoplate, dont la structure ne résista pas. Le trou s’agrandit des suites de l’onde de choc qui emmenait avec elle des fragments de chair en nombre, et un centimètre cube d’os fut projeté de manière explosif hors de la blessure, créant une cavité sur le dos d’un diamètre de sept centimètres, avec pour centre le projectile qui poursuivit sa course.
L’hémorragie provoquée par la section de plusieurs artères secondaires laissa derrière la victime une projection de sang, dont une partie vaporisé, sur un mètre cinquante, qui macula le sol et tout ce qui pouvait être éclaboussé.

La balle ne fut qu’à peine ralentie par le chemin de destruction qu’elle se tailla dans son obstacle, et quand elle atteint sa cible son rapport entre volume de destruction et vélocité fut parfait. Le garde du corps qui la reçut en pleine poitrine mourut dans la seconde de ce qu’on nomme choc traumatique massif. Une façon polie de dire que tant d’organes vitaux furent réduit en bouillie qu’un légiste a pu jouer au puzzle six heures durant.

Une petite fille de treize ans hurla comme il est difficile d’imaginer ce que peut être hurler de terreur et de douleur.
Une petite fille de treize ans garda cette cicatrice et les handicaps d’un tel impact à vie.
Une petite fille de treize ans vit se réveiller son pouvoir et contre toute logique, traversa, comme si le sol se dérobait, le plancher du hall de la Maison Blanche, puis trois étages de sous-sol avant de s’effondrer à l’abri de l’obscurité, se vidant de son sang.

Une femme quasi-inhumaine, parfaite, aux oreilles longues, fines, et pointues, comme les quatre autres agents qui étaient en train de tuer sans pitié ou émotion tout ce qui entourait leur cible, le président des Etats-Unis d’Amérique, retourna son arme sur le plus proche de ses alliés. Sans une once d’émotion, elle pointa le pistolet modifié calibre .50 avec une vitesse fulgurante sur sa tempe, et appuya sur la détente. La balle quitta le canon à une vélocité effrayante et creusa son chemin de mort dans le cerveau.
Sans hésiter, sans l’illusion même d’un mouvement inutile, elle déplaça le canon en trois autres angles, appuyant à chaque fois sur la détente, l’œil directeur rivé à la mire de l’arme. Les trois cibles, vêtues de ma même manière qu’elle, vêtements militaires moulants, ultra-moderne, incluant des armures pare-balle à revêtement métallique anti-onde, protections anti-choc, tissus ignifugés, le tout d’un noir mat parfait, s’effondrèrent dans l’instant, le cerveau répandu dans l’air noyé de fumée de poudre, et chargé d’odeur de sang, comme des gerbes sanglantes.

La femme s’arrêta, le canon dressé devant elle. Six impacts la touchèrent le temps de ce mouvement et de ces quatre morts. Les balles firent leurs ravages dans le corps visé, mais elle ne tomba pas, et le spectacle de ces chairs qui se régénéraient à vitesse accélérée en faisant repousser les tissus détruits souleva le cœur des spectateurs encore assez lucides pour le voir.

Elle pointa l’arme à sa tête, alors, dans le même geste parfait et économe du moindre mouvement inutile. Et son index droit pressa la détente. Il n’y eu qu’un clic…
Et elle hurla.

Comme un écho au hurlement d’une enfant, elle hurla, lâchant l’arme qui vint baigner au sol dans le sang mêlé de deux personnes qui étaient les parents de la petite fille qu’elle avait blessé l’instant d’avant, et qui n’avaient été que des obstacles gênant à retirer du périmètre de la cible à atteindre. Elle hurla, se mettant à pleurer, le regard rendu fou de douleur, tandis qu’autour d’elle, les agents et gardes du corps survivant à l’assaut qui avait détruit une bonne partie des intérieurs du rez-de-chaussée de la Maison Blanche se massaient en bloc autour d’elle, la braquant de leur armes, hurlants des ordres qu’elle n’entendait pas, lui intimant de se mettre à plat ventre, et toutes ces choses qu’on fait quand on essaye d’arrêter quelqu’un.

Elle n’entendit rien, et resta prostrée à pleurer, les yeux hagards, avant qu’ils ne fixent un point. Une petite fille de dix ans, dans les bras d’un homme qu’elle ne connaissait pas, en tailleur riche et élégant, entouré de ces hommes, paniqués et anxieux, lançant des ordres dans la fumée et les crépitements des câbles électriques sectionnés. Et la petite fille, atteinte par une balle, mourrait.

Aucun des agents ne fut en mesure d’expliquer comment dans la même seconde, elle réussit à briser les menottes qu’on lui avait passées sans résistance, comment elle se dressa alors qu’ils étaient six au dessus d’elle, comment elle franchit les six mètres entre elle et la fille du président, et comment elle put le faire si vite. Comment elle survécut aux quatre balles qui l’attinrent malgré tout, avant que le feu ne cesse quand elle attrapa la petite fille. Personne ne put dire comment elle fit ce qu’elle fit, ni comment elle y survécut. Mais elle sauva l’enfant âgée de dix ans, qu’une balle de calibre .50 avait perforé par l’abdomen. Elle la sauva en la serrant dans ses bras, hurlant de douleur tandis qu’elle gagnait la blessure même que l’enfant perdit. Quand elle retomba en arrière en gardant la petite fille contre elle, elle n’avait presque plus rien, mais la femme elle, avait le ventre déchiré par un tel impact qu’on put le comparer à un shrapnel d’obus. Ceci après ce qui fut répertorié comme onze impacts de balles de calibre divers, dont trois de calibre .44

Ce fut le premier souvenir de la dénommée Carole Ka.

 

2-

 

Un hurlement, une gerbe de sang, partant de son dos, le regard de détresse absolue d’une gosse de 13 ans qui n’a rien demandé, qui vient de perdre la seconde d’avant ses parents, et dont l’épaule sera à jamais handicapée par la balle qui l’a traversé, et qui disparaît sous ses yeux, avalée par le parquet…

Carole se redressa d’un bond, la bouche grand-ouverte dans un cri muet. Le lit-futon en gémit de son bon vieux bois qui n’appréciait jamais la violence que la jeune femme pouvait mettre dans ses gestes quand elle ne les contrôlait pas.

Un regard dans la pénombre pour la voir, elle.
Elle ne tourna pas la tête pour voir le réveil ; elle savait qu’il devait être entre 4h58 et 5h07, et qu’en résumé, elle était simplement réveillée comme elle l’était depuis aussi longtemps qu’elle s’en rappelait. C’est-à-dire ce jour là.

Mais elle scruta la pénombre. Elle était là. La petite fille de treize ans qu’elle avait manqué assassiner, et qui était le premier souvenir de sa vie. Quelques années de plus, elle était toujours une jeune fille, plus grande, plus belle, plus abimée par la vie aussi, et elle dormait sur le canapé-lit, un paquet de chips éventré répandant ses miettes au dessus de ses cheveux tressés en dizaines de nattes noires. On ne voyait pas grand-chose d’autre, elle était emmitouflée dans la couette qu’elle avait le premier soir adopté comme sienne. Carole avait été bonne pour en racheter une autre le lendemain.

La maison était spacieuse. Un studio de rez-de chaussée, mais en fait, il méritait le nom de loft. Aménagé dans un ancien atelier de menuiserie, il avait son adresse dans un quartier qu’on disait souvent malfamé de Freedom, mais qui n’était juste qu’un quartier populaire d’artisans, de petits commerces, et d’un mélange culturel qui lui faisaient côtoyer comme voisins un restaurant chinois –un vrai- et un ébéniste ougandais.

Ils la connaissaient tous. Voisins proches et plus lointains. Elle ne mettait pas un pied à l’église le Dimanche, mais était là aux fêtes paroissiales et apportait son lot de gâteaux. Elle riait à tout, souriait à tous, et allait chercher ses courses dans les petits magasins bien avant d’aller se fournir dans les grands centres commerciaux. Sa voiture n’avait jamais été taguée ou pillée, ni ses murs, et elle aidait la vieille portoricaine du premier à laver ses volets, ou monter ses paquets.

Elle était célibataire, et belle comme un cœur, mais parlait souvent de son ami Max vivant à l’étranger, avec un sourire tendre qui faisait vite taire les questions sur sa solitude apparente.
Et elle était souvent absente. Zoé, sa chatte angora blanche, errait alors dans le quartier, et Dallariva, la vieille quarteronne italienne de « Ché La Pasta », envoyait Emma, sa fille, faire le ménage, nourrir l’animal, et réceptionner le courrier. Et comme ça tout le monde savait que Max écrivait souvent, et que même que ses lettres étaient très belles, et qu’il vivait au Yemen, sûrement un ingénieur du pétrole.

Souvent, ils la demandaient, quand elle était libre, pour remplacer l’un ou l’autre musicien pour une soirée dans un bar, ou les fêtes de la paroisse. Elle jouait de la guitare comme personne, presque comme une vraie noire avec le blues dans la peau. Et elle ne mettait même pas un matin à apprendre le dernier morceau de gospel s’il fallait remplacer du monde sur le tas.

Elle disait travailler pour l’armée. Cours de formation en langues étrangères. Et quand on travaille pour l’armée, on ne parle pas de son travail, et elle n’en parlait pas trop, même si rapidement tout le monde savait qu’en cas de pépin, elle savait où appeler pour régler des soucis de police, et ces choses là. Et le petit Jimmy, sale gosse qu’il était, lui devait de pas être en taule, et d’avoir réussit une cure de désintox.

C’était sa vie.

Vie inventée, prise au jour le jour, elle en remerciait Max qui lui avait appris toutes les ficelles du travail de couverture. La vie était simple.
Mais elle n’aurait jamais assez de merci pour la chance qui lui avait fait tomber cette môme des rues un matin, dans son appartement…

Jenny dormait comme un bébé, et Carole avait un don pour tout faire sans le moindre bruit. Ca, elle le devait plutôt à son corps, et à Seven, qui lui avait appris à s’en servir. Elle n’eut aucun mal à ranger le capharnaüm provoqué par l’adolescente. Fringues et livres, vidéos éparpillées partout, sans compter des restes de ses fringales. Elle ne lui disait rien. Jenny avait passé sa vie dans la rue, ou des familles d’accueil toutes plus glauques les unes que les autres. Et elle le devait à Carole. Elle ne se sentait pas capable d’empêcher la jeune fille de tester toutes les bêtises qu’elle voulait. Elle lui donnait déjà un toit, et toute sa protection, c’était le peu qu’elle pouvait faire, le peu pour elle.

Elle connecta son ordinateur, et attendit six heures, une fois la maison rangée et remise en état. Une demi-heure à attendre, ce n’était rien. Elle révisa intérieurement quelques partitions musicales, avant de se mettre à compter les tâches et procédures de sécurité à suivre pour les jours suivants, et les classer intérieurement. Elle pouvait se souvenir de tout, et par conséquent ne notait rien, se contentant d’en faire le tri mentalement. Dans un certain sens, être une machine vivante reconstruite par des nanobots avait des avantages.

 

3-

 

Carole courait sur la piste, tandis que des télémètres laser couplés à un ordinateur mesuraient le temps de récupération entre ce qu’on était supposé appeler vitesse de pointe et vitesse de croisière.
Et Seven, devant l’écran, ne montrait rien de son désappointement.

Bien sûr, il ne s’appelait pas Seven, mais ce qui avait été une marque d’humour de mauvais gout après son enquête après un terrible tueur en série qui torturait ses victimes, tous hommes du gouvernement américain, selon lui corrompus et marqués des sept péchés capitaux, était resté. Seven était son nom de code, et il répondait à celui-ci mieux qu’à son prénom, qui du reste était pénible à porter. On fait facilement des jeux de mot idiots sur Benjamen.

Quand à l’émotion qu’il ne trahissait pas, elle était sa marque de fabrique. Seven ne montrait jamais aucunes émotions. Il était le premier à savoir qu’une émotion tue. Il devait à une émotion son corps en partie mécanique. Et depuis, ce qui lui restait d’humanité, il la gardait pour lui.

Elle était impressionnante. Pas autant pour lui, et les trois agents du gouvernement américain qu’on avait sauvé comme il l’avait été, mais elle l’était. Entre autres parce qu’elle ne payait pas sa seconde vie d’un poids de deux ou trois cent kilos, comme c’était son cas, et de la dépendance à des piles à fusion censées ne pas exister, et chargés de « faire tourner le moteur ». Elle courait à plus de 140 km/hr en sprint, et ses périodes de repos ne dépassaient pas les six secondes entre chaque sprint de huit cent mètre. Elle avait un corps qui se comportait exactement comme un corps biologique. Juste plus résistant, plus rapide, plus fort, et se régénérant en permanence. Il était là pour lui apprendre les limites, les moyens de le dresser, ce corps, de l’apprivoiser.

Quand il était venu la prendre en charge, à la demande d’Aegis, il savait qu’elle avait échappé à une mort propre et médicale. Tout le monde en haut lieu avait dit qu’elle devait être éliminée, comme ses quatre comparses.
Mais ça n’était pas arrivé. Le Président lui devait sa fille. Thunder s’en était mêlé et la décision avait été prise de faire passer la plus grosse batterie de tests psychiques possibles à la survivante, pour être sûr. Et ce même si LadyHarsh, télépathe reconnue, avait assuré qu’il n’y avait rien à craindre.

Elle avait passé un an à l’hôpital. Pas pour son corps. Mais pour sa tête… Enfin, façon de parler. Les hommes d’états sont les plus grands paranos qui soient, sauf qu’ils sont aussi les plus arrogants et les plus imprudents. Ils avaient été paranoïaques jusqu’au bout, voulant s’assurer de la pleine et entière coopération de ce qui leur paraissaient avant tout comme une sacrée potentialité, un moyen d’avoir plus fort de leur coté que leurs ennemis… Et quand aux ennemis… Seven haussa les épaules. Il y en avait toujours, ce n’était pas difficile de les inventer, de les créer s’il en manquait.

Carole fut donc réadaptée au monde où elle vivait. Cela prit un an ; en démarrant de presque rien. Si elle savait parler, lire, écrire dans sa langue, si elle semblait être parfaitement entrainée au combat, à la tactique individuelle, au maniement des armes, elle n’avait aucune culture, aucunes références historiques. Une mémoire en forme de pages vierges, enfin, sauf la première écrite à coup de litres de sang. L’avantage avait été qu’elle mémorisait à vitesse grand V. Mémoire eidétique. Encore un point commun avec Seven, dont une petite partie du cerveau et de l’épine dorsale étaient un ordinateur qui enregistrait sans faillir tout ce qu’il avait besoin de mémoriser sans rien perdre.

C’est vers le huitième mois qu’avait été décidé, sans lui demander à elle, ce qu’on en ferait. Elle était toujours officiellement une militaire, même si son identité réelle restait un sujet confidentiel au point qu’il n’avait pu recouper le scénario qu’à force de déduction. Et en tant que militaire, elle était affectée à l’USS, devenant membre du corps chargé de la protection du Président.

Seven leva les yeux de l’écran, pour la regarder courir. Doux jésus qu’elle était belle. C’était le problème. Pour lui en tout cas Elle était belle, et il l’avait vue fragile comme elle ne le serait plus jamais, puisque son job consistait à s’assurer qu’elle allait devenir aussi solide qu’une lame d’acier. Et la beauté et la fragilité avaient un don naturel sur le cœur des hommes, qui était de susciter de l’amour.
Il avait beau se le répéter, mais la logique ne peut pas grand-chose contre la grande machinerie complexe qu’est l’amour. Et il l’aimait.

Il soupira. De ce qu’il savait, elle avait du faire partie d’un projet gouvernemental qui avait trouvé son point d’orgue pendant la Guerre du Golfe. Environ 3000 soldats de première ligne étaient concernés, tous ceux qui avaient accepté de signer une décharge concernant leur corps après leur décès. Ni le nom du projet, ni sa nature n’avaient filtré, mais ça avait concerné 102 morts. Au vu de ses recherches personnelles, et quoi que fut ce projet, seuls des soldats en état de mort clinique avaient été concernés, en bref, disons moins de la vingtaine des décès.

Et il avait eu peu de mal à savoir qui de ces vingt décédés n’avaient soudain plus existés légalement. Vouloir être paranoïaque amène souvent à faire quelque chose de logique pour effacer des pistes, et qui en fait permet de les révéler. Ils avaient été sept, selon lui, dont deux femmes. Avoir leurs noms et leurs dossier était impossible, tout avait été effacé, sauf quelques pistes. Et connaître son nom, si elle choisissait le bon parmi deux, ne changerait rien pour Carole. Pour elle la vie était une page blanche artificiellement reconstituée.

Ce qui l’avait aidé, et frustré aussi, était son homosexualité. Il l’avait su très vite. Carole ayant passé la plus grande batterie de psychotests qu’on puisse décemment faire passer à quelqu’un, et Seven ayant pratiquement tout consulté afin d’être en parfaite mesure de l’entrainer, ce point de détail n’avait échappé à personne. Pas plus qu’une évidence qui était qu’elle avait forcément enfanté, et sans doute même élevé un enfant, à priori, une fille. C’était le point de départ et une sorte de résonnance dans ce qui restait de son esprit qui avait provoqué le choc qui l’avait amené à un comportement complètement et fort heureusement incohérent, un an plus tôt.

Mais ça réglait le problème, du moins professionnellement. Dans un tel cadre, il avait pour rôle de jouer les papas distants et froids, présents, disponibles, mais professionnels et méthodiques. Et comme Carole ne le regarderait jamais comme un partenaire sexuel, ce rapport resterait inchangé et facile à gérer.

Il n’en restait pas moins qu’il était fier. Pas de ce qu’il avait fait comme travail, mais de la voir vivre. C’était dur, elle avait des habitudes étranges dues à son absence de mémoire, et elle dormait mal et peu, le même cauchemar remplissant sa mémoire, celui de sa première seconde de vie. LadyHarsh avait fait en sorte de créer des blocages mentaux pour faciliter l’assimilation de ce souvenir, mais ils avaient sauté avec le temps, ce qui était aussi prévu, et si elle le supportait bien, il considérait que c’était une chose sur laquelle il était frustré de l’absence de prises.

 

4-

 

Elle va trop vite.
L’œil ne la suit pas.

Ils filment. Ils doivent filmer. C’est leur travail.

Mais les caméras ne fixent qu’une image fugace, seuls les ralentis permettront de relire ce que les agents d’appuis et les deux observateurs auront pu attraper.

Le premier mark II explose dans une gerbe de bleu. Elle réapparait derrière lui, une autre gerbe, écarlate, la suit. Son sang. Elle saigne, énormément. N’importe qui s’arrêterait en répandant autant de sang, mais elle bondit encore, ça ne l’a pas arrêté. Il en reste 4.

Le second mark II se tourne, il est presque aussi rapide qu’elle. Les caméras sautent, ceux qui les tiennent ne sont que des humains. Ils ont peur. Ce qui équipe ces machines sont des canons vulcain de 12 mm. Les bras articulés vomissent du métal. 1690 cartouches à la minute, lâchant des balles blindées qui déchirent le béton environnant mais elle n’en a cure.

Le parking est un champ de mort rendu surréaliste par les éclairages d’alerte qui se noient dans la fumée. Trois voitures brûlent. Les caméras sautent toutes à la fois, elles montrent soit le sol tandis que leur porteur s’est couché, soit une scène à demi flouée par le souffle de l’explosion d’un des fourgons. Et elle, qui court. Impossible de courir si vite.

Le bras des machines qui la visent, et des hommes, qui à l’intérieur luttent maintenant pour leur survie, suivent cette flèche de blancheur et de pourpre, mais elle va si vite. Elle a déjà dépassé la seconde armure alimentée, dans un bruit de métal déchiré. Un tiers de la machine est disloquée, les réserves de cartouche explosent, projetant des munitions dans l’air. Une des caméras explose quand un projectile l’atteind de plein fouet, tandis que les jets d’huile bouillante sifflent avec un bruit d’agonie hurlante. Et elle se tourne vers les trois machines restantes.

Pas de simulation. Pas de balles à blanc. Elle a été appelée là parce que ces machines ont tentés d’enlever un scientifique dans un laboratoire fédérale. Elle ne le connaît pas. Elle ne connaît pas les douze flics tués, ni les hommes du SWAT à qui elle vient en aide. Ni ces hommes, venus en triomphateurs et qui soudain réalisent que l’acier ne les protégera pas.

Elle n’en a cure. Déesse pour une seconde… elle est debout, impossible de dire à quel point elle est blessée, ni comment, ni où. Elle regarde les trois machines. Leur laisser une chance. De se rendre. Une seule. Ils lèvent leurs armes, des trappes éjectent six missiles à courte portée. Ils sont fous. Une partie du sous-sol sera rasé par l’impact. Ils ont peur. La peur aveugle.
Aucun missile n’atteint sa cible, les caméras sont devenus flous. Les humains courent, pour survivre, et l’un d’eux l’a vue, elle, s’interposer devant la voiture devenue jouet volant sous le souffle dément, et se servir de son corps comme bouclier. Elle chute, une gerbe de sang la suit, n’importe qui ne peut survivre à ça, mais elle est déjà debout, le visage exalté de divinité, celle de la survie la plus pure, et elle court déjà. Le troisième robot ne peut la suivre du canon. 197 balles en vain, et elle lui arrache le bras. Non… elle le tranche, dans un bruit strident et infernal. Elle n’est ni blindée, ni sur-dense. Son bras aurait du être déchiqueté, la caméra montre bien cette terrible lumière blanche, un arc électrique, quand elle a frappé, mais seul un ralenti pourrait dire qu’est-ce que le témoin a vu.

Il en reste deux, elle a à peine laissée chuter la troisième machine. Là où elle se trouve l’enfer se déchaine, les canons vulcains déchirent acier, plastique, béton. Mais elle va si vite. Trop vite pour les bras articulés. Elle court… quelque chose à la main. C’est une tige d’acier, une tige arrachée à un pilier de béton armé qui n’a pas survécu à la folie. Elle transperce la quatrième machine, et dans le geste la tête et les censeurs du robot la suivent dans un chemin d’huile, d’acier et d’électricité. Le dernier robot recule.
Mourir pour mourir ?

Aucun des pilotes n’est mort. Elle ne tuera jamais si elle a une chance. Une seule chance.

Mourir pour mourir ?
Elle ne peut pas mourir. Elle se dresse, et s’abaisse, tapie, comme un félin.
Un jeu… machine contre machine…

Mourir pour mourir ?
C’est un jeu… Elle a déjà gagné. Il perdra.

Elle s’élance… il dresse son arme, les senseurs hurlent des alarmes, et la suivent sans la lâcher. Il tire. Elle mourra, elle doit mourir, elle est mortelle, tout le monde est mortel…

 

5-

 

« Comment peut-on tuer ce qui ne peut pas mourir »
Il avait prononcé cette phrase à voix basse, sa main droite agitant le verre de bourbon qu’il tenait, donnant au liquide ambré un mouvement tournoyant. Une façon de se trouver un truc pour s’hypnotiser un peu…
Mais les deux hommes à ses cotés avaient tout entendu, et restaient immobiles. Ils attendaient un ordre, du premier Homme des États-Unis. Même après ça, il était toujours celui qui donnait tout les ordres.
Assumer sa position, disait-il. Il y a des paradoxes peu regardants sur la réalité…

« Alors, monsieur ?… »

« Détruisez-les. Je me fous de comment, passez-les au four, coulez-les moi dans un bloc de béton, plongez-les dans la lave, mais détruisez-les. »

Le troisième homme resté en retrait grimaça. La cinquantaine, la carrure d’un homme capable de soulever un taureau –et il le faisait en effet et bien plus- le costume veston qu’il portait lui allait aussi mal que lui allait parfaitement son treillis militaire du SHIELD en maillage de molécules instables. Il allait dire quelque chose mais se retînt. Sans connaître les détails, il savait que fondamentalement, c’était la meilleure chose à faire. Si, et seulement si on considérait que ces quatre agents officiellement abattus étaient des machines.

Mais la cinquième contredisait l’idée.

L’un des deux hommes qui se tenait autour du Premier Homme des USA, le président lui-même, prit note de l’ordre d’un oui militaire et sans âme. Il y avait un ordre, donc une action à exécuter, avec toute la discrétion possible et la diligence attendue. Être le chef des services secrets américains, et obéir à un président qui change tout les quatre ans quand on est à son poste depuis douze ans vous apprend très vite à interpréter tout ordre.
Il sortit, laissant sur place le premier secrétaire des États-Unis, et le commandant en chef de la division Aegis.

A vrai dire en cette seconde, le premier secrétaire se sentait décoratif. Il était surtout là en tant qu’ami, là pour soutenir un homme, et non un chef d’état. Il lui proposerait une fois le calme revenu un verre, dans un lieu choisi, avec un repas simple et bon, et ils parleraient de leurs vieux exploits de soldats. Jusqu’à ce moment là, il ferait le planton officiel près de son ami… Les décisions urgentes avaient été prises, la version officielle de l’affaire déjà scénarisée, les médias et les ambassades rassurées, et les cadavres empaquetés. Gérer était son métier, mais il n’était ici lui aussi qu’un homme…

Le président se tourna vers le colosse.

« Et la dernière ?.. Qu’en est-il ? »

Le colosse avait la voix aussi puissante et riche que sa taille pouvait le laisser présumer, et même avec une voix douce qu’imposait le respect qu’on donne à ceux qui ont vécu un drame, elle remplit la pièce.

« Elle est en vie, sous la surveillance de nos services. A vrai dire, elle est en parfait état de santé, son corps ne porte aucune séquelles des blessures reçues. Elle a guérie en moins d’une demi-heure. Nous travaillons avec l’armée et la NSA pour rapidement trouver son identité. »

« Elle a retourné son arme contre son commando, et les a abattus alors qu’ils ont tué onze de mes meilleurs hommes. Elle a sauvé ma fille alors qu’elle tirait dans le tas. Pourquoi ?! »

« Difficile de savoir… » Le colosse toussa, plus pour se redonner une contenance à ce qui allait suivre que pour un quelconque soucis de chat dans la gorge. « Elle dit ne se rappeler de rien. Elle parle peu, en état de choc. Nous avons… dépêché une… télépathe. Elle dit vrai, à priori. Sa mémoire est absolument vierge, son seul souvenir réellement captable est l’instant où elle a abattu la gamine disparue. »

« Ça ne répond pas à pourquoi ! »

« Je ne sais pas monsieur le président, mais… ladyHarsh, enfin, notre télépathe… a trouvé une chose. C’est le cri de la fillette, Helena Forsaken. Elle l’a vécu comme une émotion massive. Elle n’a pas été crée, monsieur le président, cette femme a une histoire, on l’a lui a juste effacé, d’une manière ou d’une autre. Et c’est le cri de cette enfant qui vous a sauvé, c’est ça qui l’a réveillée. »

Il y eu un regard. Un regard entre le Président, et l’un des plus célèbres hommes du monde, qui l’était avant lui, et le serait après. Un regard que le Cpt du SHIELD au nom de code Thunder n’oublierait jamais. Et sur lequel il ne trouverait pas de mots, pour dire ce qu’il y voyait…

Le capitaine Thunder n’avait pas abandonné son costume trois pièces, mais la cravate avait fini dans la poche de son veston, et les derniers boutons tirés à son poitrail de colosse avaient étaient ouverts. Ils en étaient bienheureux, car à chaque respiration du géant, ils menaçaient de sauter.

Décidément, le costume n’était pas fait pour lui, mais on s’adapte comme on peut.

Il s’était écoulé 48 heures depuis le drame, et ça n’avait pas été 48 heures reposantes. Il s’était fait discret devant les médias, et avait du supporter trois réunions d’état-major et des critiques assassines à son sujet. Mais les Secret Service et le SHIELD n’avaient pas été épargnés non plus. Le président avait échappé au piège par miracle et rien n’avait jamais été imaginé pour pourvoir à une telle situation. La leçon était que ça ne devait jamais pouvoir recommencer.

Il doutait fortement que l’on puisse éviter que ça recommence, mais chercher un responsable est dans la nature humaine, et s’il était à l’abri de ces considérations, il connaissait quelques têtes qui allaient être fauchées pour l’exemple.

Cela ne lui retirait pas le goût amer que ce jour là, il aurait du être là. Mais il soupçonnait que le destin est farceur, et que ça n’aurait pas pu se passer autrement.

La chambre était blanche, et sentait ce que sentent tous les hôpitaux. Bien sûr, ici, si c’en était un, c’était aussi un centre de contrôle surprotégé appartenant au SHIELD, annexe d’une prison pour super-criminels, une prison quasi vide, d’ailleurs, la plus coûteuse du pays, mais renfermant les pires sources de danger qu’on puisse imaginer. Dans la chambre, peu de matériel. La patiente n’allait pas fuguer, et il n’y avait qu’une perfusion accroché à son support, dans un lieu blanc, propre, net et sans âme.

Et assise près du lit, une femme dans un costume tailleur noir et pourpre sombre, épousant parfaitement un corps presque improbable à force de perfection, élancé et musclé comme on voit que dans les comics, et qui sur sa chaise, veillait sur la femme blonde, à peine plus âgée qu’elle et qui dormait.

« Comment va-t-elle ? » demanda le cpt Thunder.

LadyHarsh allait répondre, mais la voix usée du médecin-chef qui rentra dans la chambre sans se soucier d’intimité et autres bêtises qui depuis longtemps ne le concernant plus donna réponse à la question :

« Très bien. Sincèrement, n’importe quel homme sur terre donnerait tout pour avoir sa santé, je pense. Mais peut-être pas au prix qu’elle l’a sans doutes payé… Encore que… »

Le colosse se tourna vers le médecin. Ils se connaissaient de longue date, et le vieil homme osseux et défait l’avait déjà même rafistolé de bien des affres dont le super-héros était capable de vivre.

« Que donnent les analyses ? »

Le médecin souria, franchement, presque hilare.

« Vous voulez dire les analyses de base, où celles où il a fallu sortir tout l’attirail technologique d’imagerie médical ?… » Il redevint sérieux. « bon, pour résumer… C’est selon moi une sorte de cyborg. On est parti d’un être humain, et on l’a bricolé. Dans ce cas, c’est cependant avec un génie technologique qui s’il passait dans le domaine publique représenterait soixante ans d’avancées médicales, au bas mot.
Si on ne regarde pas de près, elle est humaine. Il faut aller vérifier la constitution de son sang pour comprendre la différence. Et là, on voit quelque chose de surprenant. Ce sont des nanobots. En fait l’étendue de ses liquides vitaux, liquide encéphalique compris, sont des nanobots. On en retrouve partout, y compris dans l’estomac.
Ces nanobots la reconstruisent en permanence, interrompant tout processus de vieillissement, y compris l’apoptose. Mais ils font mieux, enfin, vous savez ça. Ils ne régénèrent pas les tissus détruits. Ils les reconstruisent, tout bonnement. Ils suivent un ordre de programmation très complexe, et une telle masse d’informations ainsi coordonnées m’échappe totalement, mais ils peuvent reconstruire n’importe quel tissu, et la remettre en parfait état, cicatrices comprises, d’ailleurs. Et ils le font à une vitesse que je n’arrive pas à réaliser. Enfin bref tout ça pour dire, que je pourrai vous parler des heures de sa biologie et du fait que c’est à peu près impossible, mais qu’on a réussit à créer un miracle médical.
Clairement, on ne peut pas la tuer. Ils la reconstruisent trop vite pour ça. Ils réparent, remettent tout en marche, et même si vous lui tranchiez la tête, ils ont en mémoire de quoi la reconstruire, informations mémorielles comprises. Et ce tant qu’il reste assez de nanobots et qu’ils ont assez d’énergie. C’est pour ça qu’on a eu des soucis. Elle a besoin d’un régime alimentaire spécial, et les forts champs électro-magnétiques altèrent les nanobots, et leur réserve d’énergie. Ça affecte rapidement son métabolisme, en l’occurrence, je pense qu’une longue exposition la tuerait. On a eu des soucis avec le scanner à imagerie par résonance magnétique. Mais ça a été. »

Il y eu un silence. Ladyharsh ne dit rien, elle semblait fatiguée. Et le cpt Thunder restait pensif.

« Et on sait qui elle est ? »

« A mon avis oui, mais à mon avis on a pas à le savoir… Enfin, pas moi, vous peut-être, mais c’est passé en code sécurité 3, et si on a fait les relevés d’empreinte et dentaires, on n’aura pas les résultats. Pour moi, elle s’appelle Jane Do, pour le moment. »

Le colosse se tourna vers Ladyharsh. « Ce n’est pas trop dur ? »

Une voix calme, douce, mais assez lasse répondit « Ça va… elle cauchemarde énormément, ça me fatigue beaucoup de contrôler ses rêves. Mais elle n’a que son premier souvenir éveillé pour rêver, et elle ne rêve que de ça. Il n’y a rien d’autre qui existe pour elle que ce qui l’a fait changer de comportement au dernier moment… »

« Et les drogues ? »

« Ça la fait dormir… il en faut une bonne dose » répondit le médecin. « Elle m’a rappelé un peu vous à ce sujet. Mais elle résiste trop pour qu’on puisse l’empêcher de rêver, alors LadyHarsh se charge de la veille mentale. Quand elle cauchemarde, elle me bousille le lit comme si c’était du fer-blanc. A mon avis, elle sera psychologiquement très affectée quand on la réveillera. Si jamais on la réveille… »

« Ça ne dépend pas de nous. L’état-major semble se tâter pour savoir quoi en faire. Mais je ferai tout pour qu’on la réveille. »

Le regard du médecin questionna de suite le héros, tandis que LadyHarsh sourit. La réponse était évidente pour elle, mais l’image du SHIELD avait toujours été sulfureuse…

« Son premier acte conscient a été de sauver des gens. Elle doit vivre, parce qu’elle le mérite… »

 

6- karol et Jenny

 

Max avait sa tête de quarantenaire essayant de se réveiller au café, derrière l’écran. Un sourire des deux, il était encore chez lui, le premier réveillé de sa maison. Il était marié, deux enfants, une femme gentille et intelligente, un peu trop chrétienne à son goût. Son ainée lui posait des problèmes pénibles qui lui avaient valu pas mal de convocations à l’école, ou la police, et il n’était pas assez là. Mais c’était le prix de son métier. Déjà, il n’était pas encore divorcé, c’était un record dans sa fonction et sa branche.

« Salut chérie » Il disait chérie par affection, comme on peut dire puce, ou gamine. Il n’était pas de marbre devant la beauté de Carole, comme aucun homme, mais il savait qu’elle était homosexuelle. Et elle devait bien être l’un de seuls agents qui n’aient pas tenté de le draguer, lui. USS ou pas, la vie de bureau est toujours remplis des mêmes réflexes. Finalement qu’elle fut homosexuelle le reposait lui. Il se dit que ça devait être moins reposant pour les filles du service.

Ils parlèrent de tout et rien, comme chaque matin, pendant une demi-heure avant que Max ne prenne son service à l’agence. Carole avait moins de contraintes de bureau, mais elle était agent de terrain, quand arrivait l’heure, elle ne rigolait pas non plus. Ils parlèrent de Jenny, sur lequel Max enquêtait, et s’arrangeait pour voir ce qui pouvait être fait pour effacer les traces que la petite criminelle des rues avaient pas mal laissées. Ils discutèrent de job, des dernières conneries en matière de gestion du service par l’administration, du concert des Instants Gummy’s où sa fille s’était faite chopper avec trois cachets d’extasy. De ce que Carole avait du faire pour rendre discrètement une vielle montre en or de collection que Jenny avait subtilisé dans le quartier à un pappy qui pleurait son précieux trésor.

Carole sortit à sept heure faire un jogging, moment pour saluer les lève-tôt et les connaissances du quartier, et revint après une heure… Elle prépara un petit-déjeuner, le jour était haut et doux, et Jenny dormait comme une petite fille. Et Carole ne pouvait s’empêcher de la regarder avec un émerveillement qui la gênait elle-même.

Elle posa le petit déjeuner : toasts, deux œufs sur le plat, un grand café de commerce équitable, et de la gelée de myrtilles, sur la table basse près du canapé-lit. Et souffla doucement, pour laisser le parfum du café réveiller l’adolescente.

Et elle ne montra pas son impatience à voir simplement la jeune fille ouvrir ses yeux, et pouvoir les admirer à cet instant là…

 

Jenny ouvrit un œil et s’étira longuement sous la couverture fixant brièvement son hôte avant de reporter son attention sur le plateau sur la table basse en remuant le nez avant de replonger sous la couverture, laissant son dos dénudé.

« Il est l’heure, Jenny… Enfin, si tu veux te lever… sinon, ça va refroidir. »
Carole souria au geste de l’adolescente. En glissant le plateau fit tomber deux ou trois livres et une tasse de vieux café qu’elle rattrapa d’instinct assez vite pour que l’air en claqua, et que pas une goutte du liquide froid ne puisse en tomber.
Carole se redressa, posa la tasse, et vint s’assoir sur la table basse. L’un des toasts fut prestement retiré de son assiette, et elle le mâcha avec délice en regardant le dos nu… la cicatrice, énorme, de la balle y était parfaitement visible. Et son regard ne pouvait s’en détacher facilement. Ca ne coupait pas sa faim. Mais à vrai dire rien ne pouvait empêcher Carole de manger. Son métabolisme lui demandait énormément, et elle avait appris à gérer cette demande, ce qui pouvait se résumer à quatre à cinq repas d’ogre par jour.
Mais, même sans arréter son appétit, ce qu’elle voyait était le résultat de ce qu’elle revoyait chaque nuit. Ce qu’elle avait commis.

Le claquement fit sursauter la jeune femme qui se redressa sur ses coudes, la tête tournée vers Carol. « Ouah !!… » Elle passa sa main dans ses tresses, dégageant son visage ensommeillé et son regard qui alla de Carol à la table. « Ca sent bon… » Jenny se retourna d’un mouvement ramenant ses genoux sous son menton et ses bras croisés.
« Rien ne t’échappe hein ? » dit-elle dans un sourire, en baillant à s’en décrocher la mâchoire.

Carole souria doucement, et avala le toast. « Merci… non, rien ne m’échappe. Tu sais que je ne suis pas humaine, Jenny. Mon cerveau non plus. Je n’ai besoin de rien pour me rappeler de tout, quoi que ce soit. Et je n’allais pas laisser du café se répandre sur ton pantalon »
Elle souria encore. Elle se moquait comme d’une guigne de son vieux tapis tissé en chèvre crue.
Mais, la veille, Jenny avait eu des yeux de petite fille devant ce jean élimé et délavé de chez Levie’s. Et Carole aurait assommé un régiment si nécessaire pour que ce pantalon reste aussi intact que possible pour elle.

Jenny jeta un regard sur le dit pantalon puis haussa les épaules, sa main grattant furieusement sa chevelure dont les tresses venaient dissimuler son visage juvénile, tentant de les chasser d’un souffle vigoureux. « Tu as des cicatrices sur le corps et même sur… » Jenny s’interrompit les joues rosies. « Enfin… des cicatrices quoi… »

Carole ouvrit des yeux surpris, au rougissement de l’adolescente. Dire que ça la laissait indifférente était un mensonge assez grand pour y faire passer un boeing.
La jeune femme détourna la tête, laissant à Jenny le temps de reprendre des couleurs moins notables, puis souriant toujours comme elle tendait à le faire plus que de raison devant l’adolescente, lui répondit, sa main gauche venant retirer une tresse récalcitrante du visage de la jeune fille.
 » J’ai été humaine. » Ses yeux brillèrent, devenus doux et tendres, plus grands, plus jeunes, plus humains. » Simplement, je ne le suis plus. Mon corps me répare de tout, mais avant de ne plus être humaine, j’avais des cicatrices. Comme tout le monde. »

Jenny suivit du regard la main qui se tendit vers son visage, réprimant un mouvement de recul plus gênée par le geste d’attention que craintive sur la nature de la femme devant elle qui, elle le savait, pouvait faire preuve d’une rare violence et surtout qui était très étrange pour elle. « Oui enfin… heummm… » Elle fixa des ses yeux bleu océan Carol, la détaillant longuement. Elle semblait pensive…

Carole remit la mèche en place, et sa main revint s’éloigner. Jenny avait peur. Normal d’avoir peur de son bourreau. Tout aussi normal d’avoir peur d’une personne attentionnée quand on a passé sa vie à constater qu’on n’était aimée de personne.
Jenny ne parlait pas encore des six années qu’elle avait passé après le drame, comment elle avait échappé aux enquêteurs lancés à sa recherche, comment elle avait survécu à la blessure. Mais Carole était patiente, cela viendrait en son temps.
Elle se leva, et ramassa ce qui trainait sur la table basse, laissant la jeune fille à son petit déjeuner. Il allait être 8hr et demi, et le bureau l’attendait.
« Mange, ça va refroidir… »

Son attention revint sur la table basse où trônait le petit-déjeuner pantagruélique regardant du coin de l’œil la femme en murmurant un merci puis se pencha pour attraper une tartine beurrée s’asseyant dans le mouvement au bord du lit avec la couette autour de la taille. « Tu vas bosser… chez les fous…? » Une question qui tenait plus de l’affirmation alors qu’elle enfournait la tartine dans sa bouche;

« Ca dépend quels fous, si tu considère mon bureau comme un antre de fous pire que le QG de la Freedom League. » Elle ne se tourna pas. Jenny était torse nu, et il y avait des limites à la capacité de Carole à ne pas montrer son trouble.
« Si je suis détaché près d’eux, j’ai quand même des rapports à faire, et aussi à examiner. Ce qui c’est passé avec Eric a été dangereux, et mon travail est de faire qu’on puisse prévenir tout risque avec lui… »
Carole se tourna, le temps simplement de visser ses yeux au regard de la jeune fille. « Tu veux venir?… on a une sacré bande passante, sur nos ordis, et j’ai installés quelques jeux idiots qui passent le firewall de mon bureau. »

La tasse de café en main, Jenny regardait Carol un petit air mutin sur le visage. « Des fous du gouvernement quoi…et… » Elle bu une gorgée de café se brûlant les lèvres « Aie ! C’est chaud ! » Elle reposa la tasse en renversant un peu au passage sa main libre frottant ses lèvres.  » Eric est le moins tarés de la bande… il est même gentil… je me demande bien pourquoi vous ne lui faites pas confiance…vous lui demandez rien pensant tout savoir de ce qu’il veut ou fait… pourquoi pas lui demander ses intentions hein ? » Jenny reprit sa respiration après sa longue tirade, son regard posé sur Carol, un air de défi peignant son visage.

Carole enfournait ses affaires de travail dans un sac, plutôt de sport que de femme, dont l’énorme révolver modifié à rail magnétique Cal.50 qui ne la quittait pas. Elle ne se tourna pas pour répondre, regardant une seconde la lumière solaire: il était 8hr 37. Elle passa sur l’estimation des secondes, c’était inintéressant.
« Eric est immortel… je ne peux pas imaginer la somme des expériences qu’il a vécu, mais elles doivent être terribles. Mais soit il n’en a rien appris, soit cela l’a détruit. Je ne doute pas de la noblesse de ses buts, mais la noblesse d’un but ne justifie aucun acte pour l’atteindre…
Et ses actes font de lui une personne dangereuse, Jenny… je suis forcée d’agir avec ça. »

« Mouais…  » La jeune femme grommela ne pouvant s’empêcher de frissonner a la vue de l’arme énorme qui disparaissait dans le sac alors qu’une vieille douleur renaissait au cœur de son épaule gauche, paralysant son bras plusieurs seconde. « Immortel… j’y crois pas des masses…mais ça n’empêche pas de lui demander ce qu’il veut… ce que vous faites pas… » Sa main droite était posée sur son épaule gauche qu’elle massa longuement les lèvres pincées par la douleur;

« Il veut sauver le monde… moi je veux le défendre. » Carole attrapa son sac en bandoulière, et se tourna, doucement.
« Et sauver le monde tuera des millions de gens, sans doutes… c’est un prix qu’il est prêt à payer… Mais moi, je ne peux pas accepter que ce prix, il ne le paiera pas, ce sont les gens qui mourront qui vont le payer… »
Carole essaya un sourire… c’était plus difficile. Eric était un de ses protégés, et comme tous les autres, elle l’aimait. Aussi simplement qu’on lui avait ordonné de les protéger, aussi simplement qu’elle aimait tout ce qu’elle protégeait. Et elle savait qu’un jour, peut-être, elle aurait à le tuer…
« Tu viens, alors?… »

« Je m’habille » Cette simple phrase mettait un terme a la discussion alors qu’elle se penchait pour attraper son Levi’s avant de se redresser, le bras gauche ballant sur son flanc pour passer le vêtement de sa main droite, son regard cherchant un t-shirt ou autre pour finir de se vêtir. Elle finit par trouver le top second skin blanc du Sieur Martin et le mit tant bien que mal avant de se laisser retomber sur le canapé pour se chausser d’une paire de baskets usagées, les lèvres toujours pincées par la douleur lancinante qui incapacitait son bras gauche. Jenny resta plusieurs secondes penchées en avant soufflant bruyamment avant de se redresser d’un bloc et lancer rapidement « On peut y aller »

Carole avait observé sans rien dire. Jenny avait mal à l’épaule, et la jeune femme en avait le cœur soulevé. Il faudrait trouver comment réparer les dégâts physiques, mais les premiers examens avaient déjà révélés que le travail de reconstruction chirurgicale était difficile, voir presque inutile vu sa complexité en regard du peu que ça apporterait.
Elle hésita à l’aider… et puis recula les mains, qui allaient se poser sur les épaules de l’adolescente, pour la laisser se redresser. Il fallait vivre avec ça, et dans ces deux cas, ce constat avait un sens lourd.
Carole se contenta d’ouvrir et tenir la porte, pour laisser passer Jenny. Dehors attendait, garée, la vieille twingo qui servait à ses déplacements. Il allait falloir aussi peut-être songer à changer de voiture, mais elle avait déjà en tête que l’adolescente voudrait surement une chambre à elle, et la voiture attendrait son tour.

Jenny sortit empoignant au passage son blazer de cuir, un sourire en coin lorsque la douleur finit par s’estomper pour disparaitre. Elle se planta devant la voiture et y entra claquant la portière tout en finissant de passer son blazer ainsi que la ceinture de sécurité, précaution primordiale qu’elle avait appris a respecter après avoir embrassé a plusieurs reprises le tableau de bord, le pare-brise ou la portière a cause de la conduite des plus « sportive » de Carol.

Quand on disait sportive, le soucis de Carole était que la conduite n’était pas son fort. Soucis entre la vitesse de ses reflexes, et l’inertie du véhicule, plus gros soucis encore qu’elle n’avait à la base appris à conduire qu’en condition de guerre. Et qu’elle avait eu un mal de chien à passer le permis. Si elle avait une vieille twingo, c’était aussi parce qu’elle avait cassé 3 voitures en quatre ans. Et une seule avait mérité son sort, quand elle s’en était servi comme bélier contre un camion blindé qui empêchait une équipe de secours de venir en aide à des blessés dans une banque fédérale.
Elle se souvenait de ce moment avec une certaine émotion, vu qu’elle avait vécu de manière directe ce que signifiait perdre la tête, celle-ci sectionnée par la tôle du fourgon quand elle l’avait presque coupé en deux, fonçant sur lui à 180 km/hr.
Donc elle conduisait calmement. D’autant plus qu’elle n’avait pas très envie de vérifier si elle pourrait soigner Jenny en cas d’accident.
Trop calmement même… puisqu’elle attirait les foudres de tout les chauffards de la ville…

L’ado lança un regard surpris à la conductrice en pouffant « Pas assez bu de café ? » Elle tourna la tête vers l’arrière riant, amusée par les insultes et autres réactions hostiles des automobilistes qui subissaient la prudence excessive de Carol. « Hmmm… va falloir accélérer un peu non ? » La jeune femme reprit sa position riant toujours aussi amusée alors que sa main se porta sur la radio de bord aussi vieille et usée que le véhicule, faisant tourner la molette jusqu’a trouver une station valable où l’on entendait le dernier tube a la mode. La jeune femme sourit ouvrant la fenêtre tout en tapant le rythme de la ballade sur ses cuisses alors que sa voix s’élèvait lentement accompagnant la chanteuse pour finalement couvrir sa voix.

Carole souria, et se perdit dans la voix de la jeune fille… ce qui valut un cabrage imprévu quand elle commença à déborder sévèrement sur la ligne de démarcation de la file d’en face…
Elle blêmit, et Jenny se retrouva projetée en arrière par le geste éclair de la jeune femme qui la réinstalla dans le siège, la tête DANS l’habitacle et non plus penché à la fenêtre.
« Désolée… »
C’était un souci pénible… Jenny chantait avec une voix si merveilleuse qu’en comparaison les trilles d’un rossignol passaient pour des filets de mauvais vinaigre. Et cela avait le don de l’envouter, et donc de la déconcentrer au possible. Et vu ses talents routiers, c’était un don franchement dangereux…

« Heyyyy !!  » La chanteuse ouvrit de grands yeux surpris et apeuré lorsqu’elle se retrouva à la seconde plaquée dans son siège, son chant éteint. Ses yeux se portèrent sur la conductrice, la crainte se lisant dans son regard car elle avait oublié l’espace d’un instant ce qu’était réellement Carol. Elle reporta son attention sur l’avant sagement installée dans son siège, les mains serrées entre ses jambes.

Un soldat sans pitié.

Carole se mordit la lèvre. Et après deux cent mètres, profita d’un feu rouge, le dernier avant d’arriver à bon port, pour se tourner sur sa désormais silencieuse passagère.
« J’ai eu peur »…
Elle garda un temps de silence.
« J’ai fais une embardée… je suis une catastrophe en voiture… Et je me suis inquiété… je te demande pardon… Mais tu chante toujours aussi bien… »

Jenny jeta un regard a Carol en lançant d’une voix mal assurée « Bah… faut pas aussi brutale… enfin t’aurais pu me prévenir… » Elle sourit un peu plus sereine, se détendant dans son siège.

Carole toussa, un klaxon fit remarquer que le feu était vert, et elle démarra en souriant, un peu gênée… Il allait falloir lui apprendre que certains reflexes de soldats étaient mal adaptés à veiller sur une adolescente.
Les bureaux du contrôle de veille sanitaire de Freedom apparurent. C’était son bureau… enfin, ce qu’il y avait en dessous, sur sept étages de sous-sol, plus un nombre indécent de kilomètres de couloirs dont certains équipés de véhicules rapides, sans compter divers hangars, dont celui qui abritait le Shadowbird, la navette de combat transorbitale de l’USS.
La voiture trouva une place dans le garage, et Carole ouvrit sa portière, et celle de Jenny. Le temps de prendre un ascenseur en sous-sol, qui descendit alors qu’il n’avait pas l’air d’être prévu techniquement à cet effet, et la porte s’ouvrit sur tout ce que l’on peut faire de magnificence en terme de bureau gouvernemental.

Du verre partout où on pouvait en mettre, du métal chromé pour le reste et des murs couverts d’écrans et d’affichages, le tout dans le brouhaha d’une équipe en fait énorme, faite de gens dont la vie ne serait jamais connue, au service de la protection d’un pays.

Jenny suivait Carol dans le dédale de couloirs du bâtiment, les mains plongées dans les poches de son pantalon, son regard furetant partout, sa tenue ne manquant pas de déconcentrer la plupart des employés qu’elle croisait et dont elle délestait qui son café, qui son croissant posé sur le bureau, qui un stylo ou encore un bloc-note, faisant preuve d’une imagination exceptionnelle pour échapper au regard de Carol qui ne devait pas manquer de la garder à l’ œil.

Carole ne se souciait pas « trop » de ce que Jenny pouvait voler. D’une part parce qu’il était assez improbable de l’en empêcher, d’autre part parce que Jenny avait vite pu apprendre que la majorité de ce qui était ici ne pouvait pas en sortir. Les détecteurs n’ont ni âme, ni pitié pour le don de la jeune fille à la cleptomanie. Elle salua ses connaissances, et se retrouva vite embarquée dans des analyses de dossier où on parlait d’urgence nationale et d’emmerdes maximales, bref, tout ce qui faisait son monde, comme toujours. Comme disait Seven « la parano les tuera avant leurs ennemis ».

Quand à Jenny, elle vit filer sa protectrice, qui se retrouvait bien en peine de jouer son rôle.
Une fois sa « tutrice » absorbée dans la paperasserie gouvernementale, Jenny en profita pour errer de bureau en bureau, saluant tout le monde au passage tout en semant invariablement son petit chaos personnel en subtilisant les affaires de ceux-ci, même si elle évitait au possible de toucher aux divers dossiers sachant leur importance pour ces employés spéciaux. Ce jeu dont elle avait établi les règles l’amusait beaucoup, rehaussant a chaque fois la difficulté jusqu’a tenter de « voler » certaines affaires devant les yeux de son propriétaire devenu méfiant à force de perdre son temps en recherche vaine. Une fois sa « ronde » effectuée, elle se colla à nouveau au pas de Carol, l’observant dans son travail sans en comprendre tous les tenants et aboutissant de ses discussions et décisions.

Carole réussit à convaincre Eliza, son interlocutrice, spécialiste du trafic international d’œuvres d’art et antiques, surtout en provenance du Moyen-Orient, de la lâcher 2 mn. Ce n’était pas facile, d’autant que si une poignée de personnes savaient un peu qui étaient Jenny, celle-ci était cataloguée dans le bureau comme « petite amie » et même si cette dernière n’était là que depuis une poignée de jours, on lui avait déjà commenté que les prendre au berceau, c’était mal.
Et en prime, expliquer le caractère cleptomane de la jeune fille avait été pénible aussi.
Mais bref, elle put se tourner vers la jeune fille, souriant chaleureusement, se préparant à lui faire la surprise bien modeste qu’elle lui réservait, à savoir lui offrir d’accéder aux ordinateurs de simulation, sur lesquelles Samuel avait accepté d’admettre qu’il avait bel et bien installé Parasite Eve… jouer à un truc pareil sur des écrans holographiques et des machines qui n’existent même pas officiellement était selon elle un agréable passe-temps.
Mais elle n’en eu pas le temps…

Il y avait un code simple en cas d’alerte, et le code simple était que tout le bureau, c’est à dire un lieu de travail pour 94 personnes, passait en lumière rouge. Et la lumière rouge remplit tout le bureau…

L’ado sourit à Carol, tournant brièvement le regard sur les employés et leur regard entendu et lança « Ca vous emmerde hein ? » Elle attrapa le bras de Carol se collant contre elle en roucoulant avant de lever des yeux surpris et interrogateur sur elle alors que les bureaux se teintaient de rouge. Les agents s’activant subitement laissaient a l’abandon leur travail du moment et d’autres attendaient ce qui semblait être des ordres ou un appel quelconque.

Un des agents se jeta sur la console, lisant à voix haute le télétexte qui défilait. Mais en fait, tout le monde lisait les écrans. C’était la procédure, et Jenny n’en perdait pas une miette… Ce qui ne lui plaisait pas était l’affolement apparent qui venait de saisir le bureau entier.
 » Prise d’otage dans le Centre Commercial Wisley, en apparence est visé le bureau de centralisation des échanges commerciaux! 32 personnes retenues, 8 preneurs d’otages confirmés, 3 flics et deux agents de sécurités abattus, un otage tué pour menace!!! Merde, ça chie!!!’
Carole supposa que la dernière phrase n’était pas dans le télétexte. Elle s’élança vers un couloir, assez vivement pour que Jenny n’ai que le choix de se faire embarquer tel un étendard improvisé, ou de lâcher son bras.
Elle avait déjà son oreillette:
« Max, tu as reçu? »
« Oui, carole, Strike Un et Deux dépêchés, on attend la Trois, 8 minutes pour couvrir le périmètre! »
« J’arrive!!!' »

Jenny se laissa entraîner par Carol totalement dépassée par les évènements même si certains mots résonnaient encore dans son esprit « Prise d’otage… des morts… » La peur grandissait en elle au fur et a mesure que l’effervescence du bureau s’amplifiait laissant un concert d’ordre, directives baignés dans le rouge des bureaux devenu bien oppressant soudainement, présage pour Jenny, que ça recommençait encore une fois… une course folle et sans doute sanglante…

Carole n’avait pas le temps de s’arrêter. Elle n’avait plus de temps pour rien. Le couloir menait à une armurerie qui à elle seule aurait suffit à mener une guerre dans un petit pays, et où se trouvait sa tenue de combat.
Se défaire de sa tenue, surchemise blanche, tee-shirt blanc, jean clair et basket, au plus vite, ne prenait qu’une poignée de secondes… trop, pour l’urgence.
« Jenny, des gens meurent, alors tu ne vient pas. Tu risque de te faire tuer. C’est mon travail, ça… »

L’adolescente regarda autour d’elle puis revint sur Carol, fermant un instant les yeux avant de fixer, un air de défit sur le visage: « Tu ne pourras pas m’en empêcher » L’ado sourit brièvement avant de se faire bousculer par les autres agents qui n’avaient, comme Carol, que peu de temps pour s’équiper, certains de leurs regards réprobateurs glissant sur la jeune fille.

Carole fronça les sourcils. Elle savait clairement en effet, et même si la gosse se retrouvait à poil dès qu’elle faisait le passe-muraille, qu’elle n’avait aucuns moyens de l’empêcher de la suivre. Elle finit nue, ce qui provoqua l’impact violent d’un angle de mur et d’une tête du pauvre agent qui regardait alors, et enfila sa combinaison.
Blanche, comme le reste.
Ca avait toujours été son souhait.

Jenny agitait sa carte d’accréditation pour appuyer ses paroles  » Je suis une agent comme toi…alors je…viens » L’assurance de la jeune femme s’envolât alors qu’elle détaillait la nudité de Carol et pouffa a moitié au son mat de la tête contre le mur ce qui lui permit de reprendre un peu d’aplomb face au soldat qu’était devenu Carol…
Enfin elle l’avait toujours été mais bien plus qu’il y a quelques minutes.

« Alors assume ce que veut dire cette carte, et ce que tu es. »
Carole enfila sa dernière botte, elle avait fait tout dans l’urgence de mouvements répétés mille fois, et elle extirpa de son sac sa propre carte d’agent d’USS, et son énorme et menaçant flingue, l’autre main saisissant un harnais de combat largement pourvu.
« Max, enregistre un agent auxiliaire avec moi, Jenny vient. »
« Carole, tu plaisante?… Elle n’a aucune compétences pour… »
« Alors essaye de l’en empêcher. »
Elle sortit en trombe, de l’autre coté de la salle, reprenant le couloir où les agents étaient passés devant elle.
« Jenny, suit-moi! A partir de maintenant, tu obéis au moindre de mes ordres! Et si jamais une seule seconde je te vois te rematérialiser, là-bas, je te tire dessus moi-même… »

Jenny papillonna des cils, interloquée par la froideur toute militaire de Carol puis se précipita a la suite de celle-ci, le cœur battant et tremblante d’excitation et de trouille: « Oui ! »

Max secoua la tête, et reprit sa console. Installé dans le camion réservé à la troisième Strike Force, il attendait le seul et unique membre du 3eme Strike, celle sur la vie et l’efficacité de qui il devait veiller. Il pressa les deux agents d’appui de faire une place de plus… Tout merdait à vitesse grand V, mais c’était le propre de l’urgence. Et puis merde, cette gosse avait fait un voyage Terre-Lune et retour, et avait parlé égal à égal avec les super-héros de Freedom Force. Il avait autre chose à faire, et les rapports défilaient à toute vitesse. Il devait être prêt et l’assumer, c’était son métier, il était payé à ça… Et il adorait ça.

L’adolescente se précipita a l’arrière du camion s’étalant haletante sur les deux autres agents avant de s’installer dans un coin, tremblante, son regard courant sur l’installation scintillante de lumière du véhicule, pas du tout rassurée soudainement. Elle réalisait que sa bravade l’avait embarquée dans une situation dangereuse voir mortelle même si elle ne percutait pas, vraiment cherchant du regard Carol pour se rassurer un peu.

Carole connaissait sa place, et les milliers d’heures de gestes répétés la mettaient à l’abri de se cogner à tout ce que le camion comptait de matériel de guerre et de détection. Max était à l’avant, en copilote, et le camion avait déjà dépassé les 80Km/hr avant que les deux agents d’appui ne ferment les portes.
C’était le silence, et ce silence hurlait plus fort que toutes les foules.

Et dans le silence, Carole apprenait la peur…

Il y eu 14 rapports le temps que le camion ne couvre les 8 mn de trajet. Max parlait vite, et fort. Ca se passait mal, le secteur était bouclé par le FBI, et deux escadrons de SWAT prenaient positions sur le pâté de maison entier. Le centre commercial était grand, et la crainte était que les preneurs d’otages, visiblement tout à fait préparés, aient piégés tout le magasin, pour se concentrer dans le hall où ils retenaient leurs boucliers humains.

« Cibles prioritaires? »
« Le fils du maire et sa femme sont dedans, Carole. C’est ta cible. Prioritaire. »
« Et après?…  »
« Après rien. Y’a une armada dehors, faut assurer le moins de morts possibles. »
« Bien… Et des collants? »
« Fatman. Mais le FBI lui a interdit l’entrée du périmètre, ce con est bien capable de faire sauter tout les pièges s’il y en a… »

La jeune fille essayait sans succès d’éviter de se cogner a toutes les aspérités que comportait l’espace clos, ses oreilles bourdonnant aux flots de paroles qui se déversaient inlassablement dans l’habitacle sans vraiment comprendre leur teneur et leur importance… des personnes risquaient de mourir… monsieur et madame tout le monde… Une boule nacquit au creux de son ventre, le corps tremblant et ses yeux bleus grand ouverts où perlaient des larmes.

Carole avait peur. Carole ne montrait pas sa peur.
Dehors, un quartier du centre vital de la ville, lieu vivant et hyper-actif, à l’heure du déjeuner. Et le plus luxueux centre de commerce et d’affaires de Freedom. Et un étalage de force qui faisait du pâté de maison entier un champ de guerre qui n’attendait que les morts et la fumée pour achever de parfaire son décor.
Elle était debout au milieu d’hommes appartenant à la police, au FBI, aux SWAT, aux Strikes des USS qui ici passaient pour encore d’autres SWAT. Max était dans le camion, et devant elle une femme de trente-cinq ans faisait un topo à voix basse à un lieutenant de SWAT qui la relayait d’une voix d’avion de ligne : « Les négociations ont échoués, ils se fichent de toutes propositions, conclusion, ils savent comment sortir d’ici eux-mêmes. On craint que les otages ne finissent en boucliers humains. Les Swat 1 à 3 bouclent les sous-sols et les évacuations, la 4 contrôle les toits, la 5, 6, et 7 sont en réserve pour prévoir un assaut coordonné ».

Carole écoutait en silence. Elle était un agent d’une SWAT entouré de deux agents d’appuis, elle était dans son élément, et tout pouvait aller mal ou bien, elle devait faire son travail. Mais elle avait peur. Deux mètres derrière elle, une adolescente se demandait de plus en plus quelle folie la faisait être là. Et les regards qu’on lui portait ne faisaient que renforcer cette impression.

Jenny blême sentait la bile remonter, les jambes tremblantes soutenaient a peine le poids de son corps. Les bras croisés sur son ventre elle sentait tout les regards se porter sur elle, elle sentait qu’elle n’avait rien a faire ici, elle perdait lentement pied, sa peur l’envahissant, elle sentait que sa bravade stupide se transformait en cauchemar… La jeune adolescente alla s’appuyer contre le camion se pliant en deux pour vomir et tousser, pleurant de trouille, les oreilles assourdie par le brouhaha ambiant.

« On ne peut pas attendre, ils menacent de tuer un otage par minute si on ne dégage pas un périmètre de 800 mètres autour du bâtiment. A priori, ils peuvent bluffer, ils tentent de gagner le temps nécessaire à leur travail. On ignore quoi, et pourquoi, seule info, l’un des otages est le directeur de l’agence de centralisation des échanges. Il est sans doutes isolé des autres otages. »

Carole jeta un regard en arrière, froid, et dur. Du moins il ne montrait que ça… Jenny était malade, tout à fait normal. Elle avait fait son choix, elle devait assumer.
« Max, qu’est-ce qu’on fait? »
« Je gère avec les SWAT, je t’envoie le plan d’intervention. Il faut entrer, estimation de durée de vie des otages 25 mn dans les conditions actuelles. »

Jenny se redressa s’essuyant du revers de la main sa bouche, le souffle court puis se retourna, le dos calé contre le camion, profitant de la fraicheur du métal alors que son regard interceptait celui de Carol, dure et froid, militaire et impersonnelle. Elle ferma brièvement les yeux prise d’une quinte de toux.

Carole se retourna vers l’équipe des officiers des SWAT et des Strike. La discussion dura 3 mn, sans presque d’éclats de voix. La situation était simple, les trois Strike lançaient l’assaut après un bombardement de toutes les voies d’aération et des zones de circulation de gaz vomitif. Les SWAT lançaient la seconde vague d’assaut pour contrôler le centre commercial.
Il fallait seulement une chose, échouée jusque là… Voir ce qui se passait… Pouvoir voir… Et carole avait peur, elle se mit à avoir envie de vomir à son tour. Il fallait à tous des yeux, et en moins de 5 mn, et les agents avaient échoués à voir ce qui se passait… Il y avait deux mètres derrière elle quelqu’un qui pouvait voir. Et sa nausée grandit…
« Jenny… »

Celle-ci ouvrit les yeux en entendant son nom, son regard la scrutait interrogative ne comprenant toujours rien a tout cela elle bafouilla « Ou…oui ? »

Carole quitta le groupe de décideur, pour se planter devant la jeune fille, ses mains venant chercher et déboucher une gourde dans un geste rapide, qu’elle lui tendit.
« Boit ça.
Jenny, il faut que nous sachions ce qui se passe, il faut qu’une personne puisse nous dire où se trouve les otages et les preneurs d’otages. Il faut entrer, tout voir, en 5mn, et ressortir. Tu as dit que tu étais agent.
Tu as dis que tu voulais assumer. Tu dois le faire, je dois sauver ces gens… »
Carole avait un regard froid, celui d’une militaire en pleine action… mais celle qui la regardait ne put ne pas voir ses mains qui tremblaient.

Jenny fixait le soldat devant elle, Carol, prenant machinalement la gourde pour en boire une gorgée… »Je…dois aller là-bas… » Son regard dériva vers le centre commercial… « Tout…regarder…et vous dire…ce qu’il y a… » Un tremblement parcourut son corps, elle sentait le regard de Carol et ses mains qui tremblaient pour la première fois a sa connaissance ainsi que toute les autres personne présentes… leur regard dubitatif sur cette jeune ado tremblante et morte de trouille qui devait les aider a sauver les otages… tous si possible…

Ses yeux se posèrent sur Carol et d’une voix mal assurée « Tu as peur… ? »

« Jenny, il ne reste pas assez de temps pour hésiter. Tu as 5 mn pour y aller, et revenir. »
Elle posa sa main contre son écouteur, parlant à son micro.
« Max, dit-leur qu’on envoie un éclaireur et qu’on aura les positions exactes dans 5 mn! »
« Tu l’envoie?! Et je leur dis quoi moi ?! »
« Qu’on envoie un fantôme. »
« Tu fais chier… »
Elle se tourna vers l’adolescente, son regard changea, chargé de sentiments mêlés où transparaissait cette fois-ci la peur, sans hésiter, une peur qu’elle combattait par une confiance maternelle.
« Tu ne mourra pas. »
Une voix à l’écouteur, et le regard qui se posa de nouveau était froid et militaire.
« En position Jenny, Suis-moi, ça commence maintenant. »

Elle ferma à nouveau les yeux et serra brièvement les mains de Carol avant de la suivre toujours autant morte de trouille elle lance sans grand conviction « On ne peut pas me… tuer quand je suis un fan…tôme… »

Carole rendit le serrement des mains, et les lâcha dans la seconde, se dirigeant au milieu de la foule des officiels, des policiers, des hommes en armes, pour approcher du mur le plus accessible du centre commercial, à la limite de la zone de sécurité, en théorie en dehors de la couverture des preneurs d’otages.
Elle le fit froidement, militairement, sans une once d’attention pour la jeune fille. Elle devait respecter une étiquette, celle d’un soldat et d’une professionnelle, et si Jenny n’avait que 19 ans, elle portait une plaque et un brassard, et une veste bleue qui faisait d’elle un agent du SWAT. Elle devait assumer ça aussi. Et ça allait devoir passer.
C’est seulement quand, contre le mur, elle se retourna, que son regard réapparu chargé d’appréhension.
« Ecoute-moi, Jenny. Le centre commercial est derrière ce mur. Ils sont dans l’aile Ouest, au premier étage. Il est possible que tout soit piégé. Ne redevient jamais tangible. Tant que tu es un fantôme, il ne t’arrivera rien. Fait vite, et ressort par où tu peux, et choppe le premier agent que tu vois pour transmettre les informations. D’accord?… »

Jenny suivit le sillage de Carol, tête baissée pour éviter de croiser les regards des agents, silencieuse, essayant de ne pas s’écrouler. Une fois arrivée contre le mur, elle écouta les directives de la femme-soldat, opinant du chef à plusieurs reprises avant de dire « oui… »

Carole se pencha sur la jeune fille, bien plus petite qu’elle, et un très bref instant, ses bras entourèrent l’adolescente pour la serrer, avant de la lâcher.
« Va, ma chérie… »

Jenny frissonna au contact de Carol répondant maladroitement a l’étreinte puis son attention se reporta sur l’immense bâtiment qu’était le Centre Commercial. Elle inspira profondément avant de se diriger droit vers le mur où elle disparu, ses vêtements tombant dans un froissement au pied de celui-ci. Carole ramassa les vêtements, et tourna son regard. Il y avait deux agents du SWAT qui regardaient, bouche bée… Elle ne dit rien, et contacta Max pour prévenir que l’opération était lancée. Une manière de se rendre une contenance. Et les deux agents du SWAT reprirent la leur dans le même temps. Le boulot et l’urgence avant tout.

Une fois de l’autre côté du mur, Jenny ouvrit les yeux, la trouille la prenant au ventre car désormais elle était seule en terrain inconnu, son regard fureta aux alentours pour appréhender son nouvelle environnement. Elle inspira un grand coup se frottant les mains, tremblantes.
Le centre commercial faisait trois étages, trois fois presque un terrain de football, mais une visibilité réduite à 20 mètres. Tellement de stands et de boutiques que se cacher ici était un jeu d’enfant. Sauf que ça n’était plus un jeu d’enfant. Et voir un tel magasin si vide donnait une sensation d’oppression affreuse.

L’ado déglutit et d’un pas hésitant s’engageant dans l’une des allée, ses yeux courant dans tout les coins et recoins a la recherche d’indices révélant le lieu où se trouvait les preneurs d’otages. Ses mains tremblaient venant parfois traverser sans le vouloir une vitrine et les objets qu’elle exposait. Il y avait des tas de choses brillantes, belles, amusantes, et drôles à voler. Dur de ne pas y penser et de résister à la tentation. Carole avait dit « aile ouest, premier étage »… Quand elle s’approcha des escaliers pour les gravir, elle réalisa que de drôles d’objets sommairement cachés et reliés à des fils tendus barraient les marches.
Mais jenny n’avait jamais vu de mines claymores… Elle observa longuement l’assemblage sur les marches essayant de deviner leur usage mais une chose était certaine pour elle, ça n’avait rien à faire là. Lentement elle gravit les marches s’arrêtant pour contempler une vitrine puis, après quelques secondes elle secoua la tête : « Des gens à sauver…. pas le temps… » Sa main avait attrapé sans y parvenir l’un des bijoux exposé avant d’atteindre le premier étage s’avançant vers le panneau d’information afin de trouver où était l’aile ouest.
Jenny n’avait pas le talent à compter le temps qui passait comme Carole le faisait naturellement. Pour elle, ça passait trop vite, et c’était sans fin. Mais ca devait être l’aile ouest, vive les magasins avec des directions et des pancartes partout… Et elle sut que c’était ça quand elle perçut deux choses: des gens qui pleuraient, et deux hommes à l’entrée d’un truc qui devait être un salon où un hall, et qui étaient en arme, en gilet pare-balle, et casqués de masques respiratoires. Les armes étaient grosses, lourdes, et noires, et leur image fit jaillir des souvenirs atroces dans l’esprit de l’adolescente. Le seul souci était que pour voir la suite, il fallait aller dans ce salon.
Elle resta longuement à observer les deux hommes en armes, mortellement effrayant alors qu’elle percevait toujours les pleurs à l’intérieur du « salon ». Elle n’aurait pas la force de passer entre eux même si elle savait qu’ils ne pouvait rien lui faire. La peur la guidant elle choisit de pénétrer dans une boutique attenante afin d’atteindre le lieu en passant au travers des murs. Ce qu’elle fit en fermant les yeux pour les ouvrir une fois a l’intérieur.
Elle poussa un hoquet, heureusement totalement silencieux, et l’homme qui l’aperçut eu la force de retenir son cri de surprise. On ne voit pas souvent une passe-muraille vêtue en tout et pour tout d’un top moulant en second-skin blanc dans sa vie. Mais le hoquet était qu’elle était exactement un mètre derrière l’un des preneurs d’otage, dans un grand hall changé en prison. Les 30 otages étaient là, gardés par 5 hommes armés, tous vêtus comme les deux hommes de l’entrée. Ils avaient aussi des grenades, et des armes que Jenny ne reconnaissait pas tout à fait. Et pour tout résumer, elle se demandait bien ce qu’elle devait trouver encore… C’était déjà beaucoup de jouer à cache-cache comme ça.

L’adolescente recula d’un pas pour se retourner et observer, compter ce qu’elle pensait utile…30 otages… 5 terroristes…. armés de gros fusils… grenades… et les 2 devant… même choses que les autres… Jenny avait les mains moites et le corps en sueur alors qu’elle parcourait le hall s’arrangeant au maximum pour se dissimuler aux regards des terroristes qui pouvaient à tout moment l’apercevoir ce qui n’arrangeait pas son état de trouille-panique. Des regards se tournaient vers le fantôme à demi-enfoncé dans la paroi du hall, et qui semblait tout observer. Des regards intrigués, et brulant d’espoir. Quelle que soit cette silhouette à moitié nue et effrayée, elle ne pouvait venir que pour les sauver.
Au fond du hall plusieurs portes menaient vraisemblablement à des bureaux, et l’une des portes s’ouvrit pour laisser passer deux terroristes encadrant un pauvre bonhomme, qui s’il avait eu l’air moins effrayé et amoché par de rudes coups, eut été un élégant sexagénaire. Et derrière le trio, un homme qui était lui-même en costume élégant italien, un large chapeau noir sur la tête, visiblement peu préoccupé de ressembler à ses hommes, malgré l’imprudence de la tenue…

Jenny disparu dans le mur a l’arrivée du groupe, ne laissant que son visage apparait pour pouvoir les observer…. le maire… Son regard se tourna vers les portes et plus spécialement vers celle d’où venait les quatre personnes et après avoir hésité suivit le mur jusqu’a atteindre le bureau. Elle commençait à avoir des vertiges s’enfonçant sans le vouloir dans le sol pour se ressaisir a moitié et éviter de tomber au rez-de-chaussée.
L’homme au chapeau s’arrêta. Il admirait fièrement son œuvre: il avait réussit à obtenir et transmettre les informations bancaires nécessaires au plan de ses employeurs, et ceci pour une somme en regard assez modeste. Les mercenaires engagés pour ça coutaient cher, mais c’était infiniment peu en comparaison des sommes qui allaient être détournées dans les minutes qui suivaient.
Il regarda le salon. Il était temps d’évacuer, et pour ça, il avait fait prévoir des moyens qui incluaient une diversion où allaient mourir tout ces gens, et les mercenaires avec. Mais ça n’était pas important. Pourtant quelque chose clochait. Et ce quelque chose échappa presque à son regard… Mais pas assez pour qu’il ne fixe pas Jenny, une fraction de secondes…

Et ne crie, désignant le mur.

Il l’avait vue ! Jenny ouvrit de grands yeux désespérée qui se tournèrent vers les otages puis vers les hommes en armes qui allaient forcément se retourner vers elle et ensuite….Un flots d’image submergea son esprit la tétanisant sur place… treize ans, ses parents gisants sur le sol baignant dans une marre de sang alors que les tueurs font claquer leur armes… BAMMM !!! BAMMM !!! Et puis une violente douleur à l’épaule qui la plie en deux, la bile montant a ses lèvres. Jenny, un genou à terre est tremblante, une terreur sans nom faisant cogner son cœur dans sa poitrine et accélérant sa respiration.

Des preneurs d’otages ne sont pas réellement des gens ayant des états d’âme. Il n’y eut pas de BLAM, mais un flot de crépitements terrifiant, tandis que le mur où se trouvait Jenny commença à perdre de sa cohérence sous les balles de 7.65 de FNFal flambant neufs. On peut tout acheter aux USA, y compris des armes de guerre. Et ils avaient ordre de faire un carnage au moindre événement anormal.
Et celui-ci en était un.

Carole hurla. A cent cinquante mètres de là, la fusillade était tout à fait audible, et le crépitement des armes s’entendait parfaitement. Les escouades se mirent à écouter les rapports qui arrivaient en masse, mais personne ne voyait rien, personne ne savait ce qui se passait, il restait 1mn50 à l’éclaireur, et le signe de la fusillade était le signe de l’assaut.
Le risque était trop grand que les otages soient en train de se faire massacrer. Max hurla dans l’écouteur, couvrant le cri changé en plainte de peur de Carole.
« Carole, assaut, assaut!!! Tu ouvre la voie maintenant! »
Dans l’air volèrent des grenades vomitives brisant toutes les fenêtres, tandis que des litres du gaz étaient envoyés par tous les conduits. Il fallait arriver sur place en moins de 30 secondes, et sans savoir si le bâtiment était piégé, et comment.

Le corps de l’adolescente s’envola sous l’impact des balles terminant sa course en heurtant durement le mur, éclaboussant les otages de son sang avant de pousser un hurlement de douleur et de terreur qui couvrit un instant le vacarmes de la fusillade. Jenny resta collée contre le mur sous le flot de plomb continu, le mur se couvrant rapidement de vermeil alors que son corps se désarticulait telle une poupée malmenée et massacrée sauvagement.

Carole entendit le message de max… Elle entendit l’ordre de l’assaut. Elle ne savait déjà plus que son corps se déplaçait sans lui demander. Elle traversa les deux parois de verre et d’acier de l’entrée du centre commercial, sans se rendre compte qu’elle y avait laissé tissus, et chair. Elle entendit bel et bien le hurlement de Jenny, elle l’entendit trop au delà de le percevoir avec ses sens.
Elle entendit le hurlement de la petite fille qu’elle abattait, et hurla de concert, son corps suivant un parcours parfait et inimaginable pour tout humain normal, franchissant murs et obstacles en les sautant ou les traversant… Et les trois mines claymores explosèrent, réduisant en cendre l’escalier, mais elle était déjà en haut, et les éclats, hors du souffle ne pouvaient pas l’arrêter.
3000 milliards de nanobots s’activaient à remplacer un cerveau dont tout conscience était écrasé de douleur et de culpabilité, dirigeant un corps crée initialement pour être une arme. Dans une trainée de sang elle atteint les deux gardes, qui avaient déjà vidés leurs chargeurs sur elle sans jamais l’arrêter, et ils furent tués sans comprendre comment on pouvait frapper si vite. Il n’y avait pas un dixième de seconde entre chaque changement de phase de mouvement, et les deux hommes n’avaient pas encore touché le sol à jamais qu’elle était déjà sur la porte du hall, et la traversait comme du papier, se moquant que l’un des gonds traversa son torse de part en part.

Le corps sans vie de l’adolescente glissa contre le mur heurtant le sol mollement, une carte d’agent voleta dans l’air, on pouvait y lire un nom a demi effacé par le sang « Jen.. », un bout de plastique qui avait ouvert des portes, des rêves, un futur possible et serein, une identité qui vint s’écraser dans l’anonymat de la mort…

Au rez-de-chaussée, une armée d’hommes en armes se mettait à charger. Les explosions et les crépitements ne les arrêtaient pas, ils savaient exactement ce qu’ils faisaient, mais les moins aguerris perdirent cinq secondes à essayer de comprendre la scène qu’ils voyaient, et ce qui se passait. Comment pouvait-on se déplacer si vite?
Max hurlait dans l’écouteur. Le temps s’arrêtait, mais il savait qu’il hurlait en vain… ca n’était jamais arrivé, elle n’avait jamais perdu le contrôle, mais il y assistait. Aujourd’hui, il savait qu’il y assistait.

L’homme au chapeau souria. Il y eu le temps que son sourire satisfait ne s’efface. Un héros de moins sur Terre. Et les explosions, en même temps, et l’arrivée du gaz vomitif, la panique que cela créait, tout cela lui disait qu’il était temps de disparaitre. Ce qu’il fit en n’ayant qu’un mot à dire, dans un flash: « shadow ».

Carole n’était plus humaine. Une trainée de rage et de sang. Est-ce qu’on pouvait parler d’instinct? Mais si elle et les autres genesis avaient été crée à partir d’humains, c’était pour justement sauvegarder et exploiter leur instinct de survie. Elle ne voyait rien, on ne peut affirmer objectivement qu’elle pouvait réellement voir. Seule la rage la guidait, la rage et la survie.
Les mercenaires étaient des pros, mais ils étaient humains. Ils n’avaient pas prévu que leur commanditaire ai préparé une telle « porte » de sortie, et il leur fallait le temps de penser. Ils n’en eurent pas le temps. Elle allait trop vite. Tellement trop vite. Chacun de ses coups tuait, sans rémission, sans erreur, sans une chance, et malgré les balles, tirées avec tant de panique que deux otages furent grièvement blessés, rien ne put la stopper. Même pas la douleur.

Il fallut moins de quatre secondes. Quatre secondes, c’est ce qu’il fallut au commando d’assaut pour atteindre l’escalier détruit. Et il leur en faudrait 22 de plus pour accéder au second escalier, plus 17 secondes de plus pour atteindre le hall en devant faire ce détour. Les coordinateurs hurlaient dans les écouteurs, tout allait aussi mal qu’il était possible de définir le mot.
Seul Max ne hurlait plus. Il se tenait prostré, et qui eut écouté ses murmures eut su que depuis quatre secondes, il priait…

Elle cherchait, son regard fou, tandis que dans le gaz, les otages vomissaient et étouffaient, les plus vaillants, libres de la menace de leurs bourreaux, essayant de quitter le hall, trouver un endroit sans gaz, les autres en train de vomir.
Et elle vit ce qu’elle cherchait, et toute sa rage mourut dans son désespoir, quand elle vit Jenny.

Le corps désarticulé de l’adolescente gisait dans une mare de sang, le flot de plomb avait œuvré sans discernement à massacrer les chairs, brisés les os, seul le visage était encore reconnaissable, une grimace de terreur le déformant dont les yeux encore ouverts ne reflétait plus rien… éteint à jamais.

Il se passa une poignée de secondes… une éternité pour l’amnésique, machine humaine et arme de guerre nommée Eve. Meurtrière qui avait commis le crime de manquer de tuer celle qui gisait en face d’elle. Le crime à quoi elle devait la vie, le crime qui lui était impardonnable, qu’elle le veuille ou pas, car il était son premier souvenir.
Elle se vidait de son sang, mais n’en avait cure… plus il s’en vidait, et s’en répandait à ses pieds, plus les nanobots agissaient vite à se reconstruire eux-mêmes et refermer les plaies, réparer les tissus, à la perfection. Son sang ne valait rien. Le sang de qui ne peut mourir n’a aucune valeur…

Elle regardait la jeune fille, et regardait la tache de sang qui grandissait. Plus une vie dans les yeux qu’elle avait attendu de voir ouverts dans leur premier regard le matin même. Elle l’avait mené à ça, Elle lui avait laissé faire ses choix, et elle était face à son cadavre.
Parfois franchir six mètres en marchant peut paraitre plus dur que d’en franchir 10 000…
Elle la prit dans ses bras, et ferma les yeux… aucun ordre, ni supplique, elle savait… les nanobots soudèrent sa chair à celle du cadavre. Ils firent de Jenny une extension de Carole. Ce n’était pour eux qu’une chair morte à remettre en marche. Ils prirent le matériel biologique là où il était… Tandis que les dizaines d’impacts et leurs dommages massifs se refermaient, sur Carole était pris ce qui manquait biologiquement au corps de la jeune fille.

Les nanobots dévoraient leur œuvre et leur porteuse pour sauver une vie qui pour eux n’était qu’un simple amas de chair, une information biologique de plus…
La Nature hurlait en silence de voir une telle aberration possible et son hurlement empli la salle… celui de l’adolescente qui était arrachée a la mort pour la vie, ses chairs se refermant… mais la Nature ne permet pas si aisément à ce genre d’acte de se dérouler sans risque… deux bras se refermèrent sur Carol la serrant de toute ses forces alors qu’a son tour, son second pouvoir, celui qu’elle n’avait jamais su commander, guidait les nanobots à reconstruire le corps du soldat…
Une lutte s’engageait, deux ordres différents, deux objectifs opposés alors que Jenny continuait de hurler accrochée désespérément à Carol. Reconstruction et destruction dans une douleur infinie qui tordait le corps déchiré de l’adolescente, ses grands yeux bleus plongé dans ceux de la femme-soldat, incompréhension.

Carole ne voyait qu’une chose: le regard de Jenny, en vie… Son hurlement de souffrance était la même souffrance qu’elle endurait anesthésiée par son instinct de survie, et sa demi-inconscience. Jenny volait à la seconde même le pouvoir de Carole, reconstruisant son corps pour elle, au prix d’un échange de blessures où il était difficile de dire qui finirait par renoncer, ou être sauvé.

Mais les nanobots avaient cure de la douleur et du doute, ils reconstruisaient. La capacité à régénérer de Carol dépassait tous les stades du possible, et le corps se dévorait en même temps lui-même pour achever de sauver la jeune fille qui était en danger de mort.
Carole ne hurlait pas.
Elle l’aurait voulu, mais c’était désormais impossible, son cerveau noyé d’hormones multiples dont le seul but était de transcender la douleur dans un seul objectif: sauver l’enfant dans ses bras.

« Tu ne mourra jamais… »

« Et… je ne peux pas… mourir »…

Son cœur s’arrêta enfin de battre… Le noir se fit… Ses yeux s’éteignirent. Les nanobots achevèrent leur œuvre…

39 secondes s’étaient écoulés… les trois escouades de strike force prenaient position… Aucun d’eux ne put réellement décrire en détail la scène, celle de ces deux femmes enlacées… mais sur 32 otages, 32 vivaient, il n’y avait pas eu de morts… du moins… ils ne devaient pas compter Carole comme un décès, c’était un ordre…
A quelques rues de là, l’effervescence des événements tragiques créait une bousculade entre les curieux venus prendre le quota de douleur d’autrui dans l’espoir de voir du sang et les meutes de journalistes qui se précipitaient vers les forces de l’ordre pour abreuver le monde de sa dose de violence … et au milieu de tout cela, une silhouette que tout le monde ignorait; observait calmement le bâtiment qui fut le théâtre du massacre. Elle réajustât une paire de gants noirs en souriant avant de disparaitre dans la foule en manque de sensation.

 

Epilogue.
Seven avait mis moins de 15 mn à arriver sur les lieux. Les lieux étaient grands, ouverts, et bruyants. La presse et les médias tentaient de happer le moindre truc qui puisse avoir un intérêt à raconter, Fatman faisait une conférence de presse improvisée pour fustiger l’irresponsabilité des forces de l’ordre qui l’avaient empêché d’agir, quitte à le menacer de mort, selon lui, et les squads de SWAT finissaient les débriefings avec le FBI, au milieu duquel les agents de l’USS passaient pour de quelconques représentants de quelconques bureaux de l’agence fédérale. Les 32 otages étaient en cours d’évacuation, entourés d’une armada de médecins, pompiers, et spécialistes de psychiatrie post-traumatiques, et veillés par cette armada de spécialistes, essayaient de faire le point sur leur expérience, deux heures et demie qui marqueraient leur vie à jamais.

Max était debout devant un camion d’ambulance, en train de parler avec plusieurs médecins et infirmiers entourés de SWAT des strikes 1 et 3. Il devait faire ce qu’il avait déjà eu à faire quelques fois, c’est-à-dire expliquer aux infirmiers qui avaient ramassé Carole sans vie que d’une part elle n’était pas morte, que d’autre part, il valait mieux s’attendre à ce qui allait suivre vu qu’elle était déjà en train de se reconstruire.

Et vu le visage blême de l’un des infirmiers, il avait déjà assisté au spectacle, unique et terrifiant, de ce que le corps de Carole pouvait faire.

Et la fin de l’explication devait être : « vous ne devez rien dire, il y va de la sureté nationale. » Tout le monde savait que les témoins ne pouvaient pas rester sans parler, c’était une nécessité de partager cette expérience. Mais ainsi étaient-ils prévenus si jamais ils éprouvaient le besoin de diffuser leur histoire publiquement, l’USS n’avait pas grand-chose à faire pour tout effacer, et le faisait sans états d’âme. Et comme le disait Seven « Si l’USS ne voulait vraiment pas de pub, elle n’aurait pas embauché des télépathes et des cyborgs. »

Il passa devant Max, et s’arrêta, interrompant sans besoin d’un mot ou réel regard la discussion. On n’essaye pas d’ignorer la présence d’un gars en costume noir, lunettes de soleil, et coupe en brosse qui vous donne l’impression que le héros des films Terminator est petit et rabougris.
« Elle est dans le camion ? »
« Oui, Seven. Tout va bien pour elle, elle a reprit conscience il y a trois minutes. »
« Bien… j’y vais, je serai au débriefing. A tout à l’heure. »

Pas un brin d’âme échangé dans les mots entre les deux vieux compères, soudés dans la camaraderie par leur responsabilité commune : elle. Les sentiments, l’un les gardait pour lui comme précieuse source d’humanité, l’autre était trop pro pour à cette heure en laisser passer le moindre.

Seven monta dans le camion. Une ambulance comme il les connaissait par cœur. Elle était sur le brancard, il y avait des compresses étalées partout débordant de la poubelle organique, du sang avait maculé les draps jetables, et tachés quelques surfaces blanches du compartiment, et le sac à viande, nom affectueux pour parler des enveloppes de plastique épais et noir dans lesquels on fourrait les morts, était jeté négligemment dans un coin, quand on s’était rendu compte que ça ne concernait pas la cliente.

Elle ouvrit les yeux, lessivés. Elle avait les pupilles couleur de vieil or. La plupart des gens assimilaient ça à un joli marron. Mais dans son visage, maculé de sang, tachés et sale, comme le reste, ils étaient à peine lumineux. Seven avait vu cela pas mal de fois. Sur d’autres, c’était le signe qu’ils se remettraient, mais qu’ils avaient morflés sévère, et mettraient du temps à guérir, ou se relever.
Chez carole, ça voulait dire que dans moins de 5 mn, elle serait exactement aussi parfaite et fraiche que si elle sortait d’une douche du matin.

Elle souria, affectueuse et rassurée, fragile le temps que durerait la fin de la récupération. Bon dieu, ce sourire. Seven eu les tripes qui se nouèrent. Et il ne montra rien.

« Ca avance, Carole ? »
« Ou… oui… ça va aller. Juste choquée et sonnée. »
« Bien. Tu peux t’asseoir, tu pense ? »

Carole acquiesça de la tête et glissa le long du brancard jusqu’à s’asseoir. On avait achevé de découper sa tenue à coup de ciseaux et scalpels. Le tissu avait de toute façon tellement pris qu’il était à peine moins abimé qu’une vieille résille déchiquetée, et l’armure était percé de tellement d’impacts et d’éclats qu’on aurait pu faire passer ça pour de l’art moderne. Elle était à peine moins que nue, et une fois assise, se tint la tête dans une main en grimaçant. Ca tournait, et elle souffrait encore. Mais Seven savait que ça allait passer.

Et il la gifla.
La main frappa par le dos, de la gauche à la droite. Le nez de Carole cassa, et deux dents se déchaussèrent. Emportée par l’impact, sa tête alla heurter violemment le rebord de la portière arrière et elle s’y ouvrit le front.

Dehors Max retint l’infirmier, d’un geste et d’un non de la tête. Seven réglait un compte. Et Max approuvait. Il avait vu le regard, et même sans âme, le message avait été évident.

« Tu as merdé comme une gosse, par tout les saints ! »

Il la saisit par ce qui restait du body, sous le cou, et l’attira visage contre visage. Il avait retiré ses lunettes de soleil et son regard d’un bleu artificiel était assombri de colère glacée.

« Elle n’avait rien à foutre là et tu as pris le risque de fiche une opération entière en l’air en envoyant une gamine sans entrainement au casse-pipe ! Tu es la dernière des connes, tu comprends ça ? »

Carole avait mal, mais si elle pleurait, c’était de la prise de conscience du geste de Seven, et du pourquoi. Les nanobots se contentaient de bosser. Pour eux, une réparation de plus, pas d’âme là dedans. Que de la chaire.

« Elle voulait venir, Seven ! Elle voulait, tu sais bien que je ne pouvais pas l’en empêcher !! »

« Si, tu pouvais, tu as le paralysant, s’il fallait, tu l’assommais, tu lui cassais une jambe, tu me l’envoyais en l’air à coup de drogues, mais elle ne devait pas être là ! »

Carole avait le regard rivé, les yeux grands ouverts, de terreur et de regrets, au regard bleu et glacé du vieux cyborg.

« Tu pouvais Carole… Alors tu as joué à quoi ?… Où est le soldat ?… Où est l’agent ? Où est la protectrice, là ? »

Carole balbutia, les mots se tordirent dans sa bouche.

« Carole, répond-moi. Tu l’aimes, n’est-ce pas ? Dis-le, bordel, elle est en état de choc, et même si elle vit et que son corps va s’en remettre, elle est bousillée, alors dis-le moi… Est-ce que tu l’aimes ?! »

La voix fut un faible filet.

« Oui… »

« Alors Carole, tu va avoir à réparer les dégâts. L’aider à se remettre sur pied, l’entrainer, l’intégrer au service, lui faire passer les tests, en faire une agente, parce que c’est ça où tu la garde avec toi comme ta fille, et à la place d’une fille, et pas au feu avec toi. Parce qu’elle se fera tuer la prochaine fois, et tu ne seras pas là pour la sauver avant l’arrivée de sa mort cérébrale. Parce que même si tu crois que c’est ton devoir de lui passer tout ses caprices, elle a failli crever, Carole.
Et c’est ta faute… »

Carole s’effondra en larmes et Seven fit quelque chose qu’il n’aurait jamais fais si qui que ce soit avait eu une chance réelle de le voir. Il prit la jeune femme dans ses bras et la berça. Avec toute sa tendresse et son amour pour ce soldat qui n’était qu’une simple humaine, même si son corps était une arme.
Il la berça, et tua encore un peu plus un bout de son âme à se souvenir combien il l’aimait. Mais personne n’en saurait jamais rien…

Et à quatre mètres de là, Max fit comme si il n’y avait rien à voir. La leçon était donnée.

 

7- karol et Jenny: s’avouer…

 

La jeune adolescente tourne et retourne sous les couvertures, en grommelant. Depuis le massacre du Centre commercial, elle ne dort plus ou très mal, son humeur maussade ne variant presque jamais éclipsant son habituel engouement. Le peu de sommeil qu’elle arrive à voler se résume à la vision de Carol morte dans ses bras et le sang qui la baignait. A chaque fois, elle se réveille en sursaut pour invariablement venir se pencher sur Carol, l’observant longuement et parfois approchant lentement sa main pour lui donner la certitude que la femme, le soldat est bien vivant. Et cette fois-ci, Jenny pose ses doigts sur l’épaule de Carol, le souffle court encore à demi dans son cauchemar, et appuie doucement avant de plaquer sa main la laissant jusqu’a sentir la chaleur et par la même occasion la rassurer, la vie coulait dans le corps de Carol… Parfois l’adolescente restait ainsi pendant une éternité, la main posée sur la peau lisse et douce de Carol et en ce moment même elle est accroupie, sa respiration la plus silencieuse possible et son regard ne lâchant pas le visage endormi de la femme.
Instinctivement elle vient poser sa main libre sur son sein gauche pour sentir la chaleur de son corps, son cœur battre et sa poitrine se soulever à chaque respiration. Jenny accroupie regarde Carol dormir, elle-même fuyant le sommeil.

Il s’était passé 5 jours. On avait gardé Jenny sous sédatif pendant une journée, puis en observation une autre. Eve avait fait son possible pour réduire ses impératifs professionnels et être près de l’adolescente.
Ca n’avait pas été simple.
Pour résumer, l’opération avait été un succès. Dans des conditions normales, le FBI avait estimé risquer la perte de 30% des otages, en fin de compte, cela avait été réduit à un seul mort, et deux blessés graves. En général, face à un tel merdier, si on avait un super-héros sous la main, on tendait à l’envoyer au casse-pipe, mais il fallait en avoir un sous la main dont on pouvait être sûr.

Et le FBI n’était pas réputé appeler « sûr » quelqu’un facilement.

Bien sûr, USS n’existait pas dans les débriefings qui avaient eu lieu. Les strike 1,2 et 3 étaient des squads d’ESWAT appartenant à des divisions spéciales du département d’état, et cela suffisait à tromper son monde. Le FBI n’est pas non plus connu pour sa grande imagination.
Mais dans les faits, ça avait été un chaos monumental, et à ce sujet là, Carole avait été tout bonnement écartée des analyses et des débriefings. Ce qui l’arrangeait. Elle n’avait pas le courage de se soucier d’autre chose que de Jenny, et elle avait beau éventuellement se répéter que son devoir était de se préoccuper de son travail, elle s’en moquait comme d’une chemise. Principalement parce qu’il était à peu près improbable qu’on ait l’idée de la virer, et qu’à vrai dire même cette éventualité n’avait pas réellement d’effet sur elle.

Mais Jenny en avait, elle.

L’adolescente avait pu sortir le troisième jour. Intacte, en parfaite santé, si on excepte le trauma. On avait retrouvé aucunes blessures, à part quelques éraflures et estafilades, officiellement ça pouvait tenir du miracle, officieusement qui devait savoir savait.
Et officiellement ça ne tenait de rien du tout. Jenny n’existait pas, un agent d’une SWAT avait été envoyé en reconnaissance et avait fait son travail, il y avait eu un impair et la situation avait fini sous contrôle. Mais les débriefings seraient loin d’être finis.

Jenny ne parlait pas.
Cela faisait trois jours. Elle restait avec Carole, qui lui parlait elle, comme si de rien n’était, veillant sur elle, s’occupant d’elle, comme à son accoutumé depuis que l’adolescente avait quelque peu bouleversé son quotidien. Mais Jenny ne parlait pas, et ne chipait plus rien.
Il fallait lui laisser du temps.
Et ce temps là était une épreuve pénible pour Carole.

Carole sentit la main qui la touchait… la paume qui se plaça sur son épaule. Elle faisait ça deux, trois fois par nuit… Elle devinait un peu pourquoi, et ne bougeait pas d’une once, simulant le sommeil, et l’immobilité.
Il fallait laisser du temps. Mais rien ne pouvait lui faire sortir de la tête qu’elle était responsable… non… coupable, de ça…

La jeune adolescente restait ainsi, les yeux perdus dans l’observation d’une Carol qui dormait paisiblement, sa main bougeant légèrement sur l’épaule pour garder une prise réelle sur la vie qu’elle avait cru perdre, qu’elle avait vu absente de sa tutrice dans cet abattoir. Prise d’un frisson, la main tremble se crispant sur le corps de Carol alors qu’elle serre de l’autre main son épaule gauche, le corps ramassé au bord du lit. Etait-elle morte ce jour-là ? Elle ne saurait le dire avec certitude… Tout, en ce moment disait qu’elle vivait mais un peu plus tôt sa conscience lui soufflait le contraire. Jenny soupire plus bruyamment en reniflant, des larmes naissant aux coins des yeux.

Carole ouvrit les siens, doucement, regardant Jenny dans les yeux. Un regard éveillé et vif, scrutateur et calme, interrogateur… Sa main glissa de la couette, et vint doucement prendre le poignet de la jeune adolescente.

« Je suis là »

La jeune femme sursauta retirant sa main prise d’un mouvement brusque et se retrouva couchée sur le sol appuyée sur un coude, son regard fixant dans l’obscurité Carol alors qu’elle déglutissait la respiration rapide.

« Je sais que tu as peur ».

Carole la regardait dans le noir… la nuit ne la gênait pas, elle y voyait presque aussi bien qu’en plein jour, couleurs en moins, et ne perdait rien du visage de la jeune fille, ni de ses émotions.

« Je sais que tu ne comprend pas ce qui est arrivé. Je t’ai dis que quand tu voudras, j’essayerai de t’expliquer, Jenny. C’est tout ce que je peux faire, pour le moment, c’est tout ce que je peux faire pour réparer ».

Jenny se redresse ne perdant pas du regard la silhouette indistincte de Carol, elle frisonne de froid, la nuit jouant avec ses sens. « Je… je vais aller dormir… » Malgré tout elle reste sur place sans bouger les bras croisé sur son ventre, tremblant légèrement.

Carole bougeait comme un chat. C’est à dire que passer d’une position à une autre semblait pour elle se faire sans se soucier de l’équilibre, avec une économie de geste et une élégance toute féline. Elle glissa de la couette son corps entier, et passa dans un geste de la position allongée à assise, sur le rebord du lit, et dans le même geste, ses bras vinrent enlacer Jenny, l’amener à s’asseoir, et la retenir contre elle. La même douceur, la même élégance, mais ces bras ne se rouvriraient que si Carole le décidait… A cette seconde, il aurait fallu un cric pneumatique pour faire plier un seul coude.

Jenny poussa un petit cri de surprise se retrouvant contre Carole sans pouvoir se dégager, la peur nouant son ventre, la peur de ne pas voir distinctement ce qui l’avait attrapée, son esprit lui disant que ce ne pouvait être que la femme, Carol, mais son imagination lui soufflant que ce pouvait être bien autre chose. Elle trembla jusqu’a ce qu’elle vienne se blottir contre sa protectrice, le visage posé contre le buste de celle-ci, son corps fragile se ménageant une place, assise à demi sur les jambes de Carol.

Carole ouvrit et referma ses bras au diapason des mouvements et des hésitations de l’adolescente jusqu’à ce qu’elle puisse se lover sous sa protection. Puis ses bras achevèrent de devenir une source de douceur, et de chaleur qu’elle offrit à Jenny.
Jenny ne pouvait voir dans le noir. Elle ne vit pas les joues de Carole s’enflammer, elle ne vit pas ses yeux briller jusqu’à faire naitre des larmes, elle ne vit pas son bonheur, et sa tristesse… Et le corps de Carole ne trembla pas en réponse à ce qu’elle pouvait ressentir d’émotions. Il était bien trop parfait pour ça.

Jenny, l’oreille appuyée contre le buste de Carol, écoute le battement de son cœur, autre signe qu’elle est vivante alors qu’elle dégage maladroitement ses bras jusque là serrés contre son ventre, posant une main sur l’une des jambes de la jeune femme et l’autre sur le lit. Son corps se blottissant encore plus contre Carol, se ménageant un espace dans cette tendre étreinte, réconfortante, juste guidée par ses sens. La respiration plus calme mais toujours opprimée par ce qui se bousculent dans son esprit… rêve-t-elle ?…. est-ce la réalité… ou est-elle devenue folle ?

Carole finit par poser son menton sur la tête de l’adolescente, et une de ses mains vint caresser ses cheveux. Que dire, maintenant?… Que dire tant qu’elle ne dirait rien, elle. Que dire, sans savoir quoi dire, sans savoir ce qu’on pouvait retirer d’avoir vécu ça?…

Jenny ferme lentement les yeux, bercée par la musique du cœur de Carol, plus rapide depuis quelques instants. Elle se sentait bien ainsi lovée contre cette femme, contre la chaleur de ce corps… quelques larmes glissant lentement sur la peau lisse et douce de la jeune femme alors que l’adolescente réprima un soupir, sa main venant se poser contre le dos de Carol comme pour la garder près d’elle.

Quoi lui dire… quoi lui dire… quoi lui dire?… Carole avait froid, Carole avait mal, Carole essayait de penser à ce qu’il faudrait faire pour qu’elle s’assure que Jenny puisse la suivre, ou autre choix, qu’elle puisse vivre sa vie sans que ses pouvoirs lui posent problème. En faire un agent, ou la laisser mener une vie hors de son monde. Elle essayait bien de penser à son travail, à sa tâche,
a tout ce qui devait être organisé, mais elle n’y arrivait pas.

Quoi lui dire… quoi lui dire… quoi lui dire…

Elle la serra encore un plus contre elle, et laissa le temps s’écouler…
Elle bougea doucement, à peine, parfois, pour éviter la moindre crampe à l’adolescente. Elle respirait calmement, doucement, son corps était chaud, et elle savait que c’était encore la plus douce et simple chose qu’elle pouvait apporter à Jenny.

Il se passa 13mn et 47 secondes…

« Je t’aime… »

L’adolescente ne réagit pas aux simples mots de Carol, son esprit encore embrumé de cauchemar et de questions puis lentement les mots touchèrent sa conscience et elle redressa la tête pour tenter d’apercevoir le visage de la femme. Elle resta muette… fallait-il répondre ? Elle ne savait pas… pourtant elle savait que Carol était homosexuelle, tout le monde le savait à son bureau. Elle releva un peu plus le visage, plissant les yeux pour voir le visage de sa protectrice. Oui, tout le monde le savait et elle avait entendu les rumeurs la concernant… « C’est la petite amie de Carol… elle les prend au berceau maintenant…quel gâchis… » Et, Jenny avait, par bravade et par amusement, donné foi aux rumeurs, quelque jours plutôt, en se blottissant contre Carol… elle s’en souvenait… juste avant que tout ne bascule et… La jeune adolescente frissonna à ses souvenirs douloureux.

« Ne répond pas. »

Carole pleurait dans l’obscurité. C’était la plus stupide chose à dire, mais quoi lui dire? Quoi lui dire?
Ne répond pas. Comme s’il n’était pas trop tard déjà.

« Ne répond pas. Je ne le veux pas. Je veux juste que tu le sache. Je t’aime. Cela veut dire que je veux juste faire tout ce que je pourrai pour te rendre heureuse, et te protéger, Jenny. Que je ferais tout et que je ne demande rien. »

Elle déglutit, ses bras serrèrent un peu plus Jenny contre elle.

« Mon monde est aussi fou que celui que tu as traversé. Aussi cruel, à sa manière. Et il a faillit te tuer parce que j’ai été assez bête pour croire que je devais te laisser faire tes choix sans que tu sache ce que cela voulait dire. Je n’aurais jamais du t’emmener avec moi. Je ne t’ai pas protégé. Je t’ai mise en danger. Et si j’avais été humaine, tu serai morte… »

Elle écoutait Carol, ses aveux, son amour pour elle la jeune ado des rues qui a débarqué dans sa vie sans lui demander son avis… et son esprit se perdait dans ses souvenirs se rappelant les moments qu’elles ont passé ensemble, les gestes de Carol… ses mains sur ses épaules… ses regards qui se détournaient lorsqu’elle la voyait a demi nue dans son appartement… Plus Jenny y pensait plus il était clair, tout devenait clair mais surtout elle l’entendait pleurer pour la première fois et devinait la tristesse qui devait secouer cette femme. Elle avança une main à tâtons vers le visage en larmes se redressant pour venir à sa hauteur.

Carole la laissait faire… Avoir aussi peur, avoir aussi peur pour quelque chose de si infime que ça, alors qu’elle faisait tous les jours des choses qui auraient fait se pisser dessus de terreur n’importe qui. Elle pleurait et elle commençait à être secouée de sanglots, essayant de balbutier comme elle pouvait.

 » Ne répond pas. Je ne… j’ai… pas… je peux pas… je… veux juste veiller sur toi.’

Jenny, à genoux entre les jambes de la jeune femme, pris le visage de Carol entre ses mains et souffla doucement : « Chutttttt…. » Elle caressait doucement les joues chassant les larmes qui coulaient, touchée pas tant de détresse qu’avait déclenché ces simples mots d’amour pour elle. Cela faisait cinq jours, que Jenny n’avait pas ou peu parlé, qu’elle avait ressassé ce qu’il s’était passé dans le centre commercial, les balles déchirant son corps douloureusement, la terreur qui l’avait broyée puis le corps sans vie de Carol couchée sur elle. Jenny fronça les sourcils à ce dernier souvenir et surtout… elle serra un peu plus le visage de la jeune femme entre ses mains.

Carole se laissa faire, ses bras vinrent juste glisser sur le corps de l’adolescente pour la retenir un peu plus à elle… c’était à son tour de vouloir se blottir, de vouloir laisser couler avec les larmes la faiblesse. Quoi lui dire?… elle l’avait dit, le reste, ce serait le matin, devant le jour, calme, sereine, patiente, comme elle le serait toujours et l’avait toujours été, ou essayé de l’être… là, elle avait juste besoin de la sentir contre elle, en vie, juste telle qu’elle était.

Jenny ferma les yeux et pris Carol entre ses bras posant sa tête contre son épaule pour lui offrir un réconfort, une assurance que cela n’était pas vain, que les mots dits n’étaient pas inutiles, que la jeune adolescente comprenait et ne partirait pas. Elle enfouit son nez dans la chevelure blanche, l’image de Carol morte dans ses bras lui revenant a l’esprit et tout ce que cela avait provoqué chez elle… le désespoir de perdre quelqu’un de proche, la douleur que cela pouvait finir et son cœur qui lui faisait mal…. De l’amour pour cette femme…. Jenny dissimula son trouble en serrant Carol dans ses bras. Elle cacha ce qu’elle avait deviné, son cœur cognant dans sa poitrine et elle se mit à chanter doucement… troublée de ce qui se passait.

« Hush now don’t cry….
Wipe away the teardrop from your eye…You’re lying safe in bed…
It was all a bad dream…Spinning in your head…
Your mind tricked you to feel the pain…Of someone close to you leaving the game of life

So here it is, another chance… Wide awake you face the day
Your dream is over…or has it just begun?

There’s a place I like to hide… A doorway that I run to in the night
Relax child, you were there…But only didn’t realize it and you were scared
It’s a place where you will learn… To face your fears, retrace the tears… And ride the whims of your mind
Commanding in another world….
Suddenly, you hear and see… This magic new dimension

I-will be watching over you
I-am gonna help you see it through
I-will protect you in the night
I-am smiling next to you…in silent lucidity

If you open your mind for me
You wont rely on open eyes to see
The walls you built within
Come tumbling down, and a new world will begin
Living twice at once you learn

You’re safe from pain in the dream domain
A soul set free to fly
A round trip journey in your head
Master of illusion, can you realize
Your dreams alive, you can be the guide but…

I-will be watching over you
I-am gonna help you see it through
I-will protect you in the night
I-am smiling next to you…in silent lucidity »

Carole écoutait les yeux clos… Tellement difficile de résister à sa voix, à ce qui semble-t-il était le plus beau du don que jenny pouvait avoir. Rien ne pouvait être plus beau que sa voix, mais les mots coulaient dans son âme et elle ne pouvait pas arriver à en endiguer le flot. Qui veillait sur qui à cette seconde, qui se montrait la plus forte, la légitimité de ce qu’elle représentait volait en éclats, et elle pleurait… Même si son corps ne l’était pas, elle était humaine, et son âme lui rappelait qu’être humain pouvait faire autant de bien, que de mal…

La voix de l’adolescente s’éteint doucement alors qu’elle caresse doucement le dos de Carol la tenant toujours contre elle, elle-même chassant ses questions pour simplement profiter de l’instant présent, fermer les yeux et laisser ses sens découvrir et peut-être répondre au trouble qui fait rougir ses joues et secouer son cœur.

Carole voulait l’embrasser… En fit, il n’y avait plus que cette idée qui la submergeait… lui dire ainsi, lui répondre, la remercier. Mais le faire, c’était sceller ce qu’elle avait trop peur d’assumer, de désirer, et de vouloir. C’était sceller le droit à cette jeune fille de vivre et de faire ses choix, c’était l’emprisonner à elle. Elle voulait l’embrasser et ne le devait pas…
Elle pleurait toujours et remerciait le ciel que Jenny ne soit pas télépathe, pour savoir pourquoi en cette seconde les larmes coulaient toujours. Elle serra les dents, essaya de s’accrocher à une pensée qui lui redonne ce qu’il fallait qu’elle ait pour arrêter ça, maintenant… Et se mit à dénombrer mentalement position et angle de tous les objets de son studio, se noyant dans une liste de choses inutiles et matérielles. Rien n’est plus terrible est froid que lister les choses.
Son cœur se mit à battre moins fort, il admit que sa passion devait s’éteindre, ses bras serrèrent un peu moins fort, et Carole pu baisser les yeux, pour la regarder.
Elle aurait soulevé un continent pour l’embrasser, et ne le ferait pas.

« Demain, il faudra qu’on parle sérieusement, ma chérie. D’accord?… »

La jeune adolescente cligna des yeux un peu, en fait totalement, surprise par la réaction de Carol, l’instant d’avant elle pleurait et lui avait avoué son amour pour elle et soudainement elle était redevenue le « soldat ». Jenny écarta doucement ses mains rompant le contact avec Carol et elle murmura à peine … « parler sérieusement… »

Carole attrapa les mains, dans l’obscurité, doucement. Elle les serra un peu trop pour être simplement l’affection et la présence qu’elle voulait transmettre. Elle était à peu près incompétente à savoir comment on est sensé parler et quoi dire à cet instant. Elle était avant tout une militaire. Parler était pour elle un moyen de communication rapide et efficace de faits. Ici, il n’y avait pas de faits, il y avait des sentiments, des doutes et des devoirs…

 » Jenny… je t’aime mais… je ne veux pas, je ne peux pas, te faire de mal… j’en ai fais assez… »

Elle fit quelque chose de rare chez elle, elle reprit une grande bouffée d’air… Pour calmer son angoisse…

« Demain, je dois t’expliquer tout ce qui va se passer, selon tes choix. Et te dire ce qui est arrivé… Que tu puisses comprendre et choisir. Ce qui compte, c’est toi… Et seulement toi…

Jenny sourit dans l’obscurité serrant à son tour les mains de Carol, la tête relevée vers le visage de celle-ci. Elle se redressa encore pour pouvoir la fixer dans les yeux, son visage proche du sien. « Je… comprends… » Non, elle ne comprenait pas vraiment se pinçant les lèvres avant d’ajouter : « Il manque de la lumière non ? » Elle ne savait pas pourquoi elle avait envie de voir Carol, juste envie de la voir et pouvoir comprendre.

Carole lâcha une main et tâtonna, sans réellement dire qu’elle hésita à le trouver, jusqu’au contacteur du halogène à sa tête de lit…. elle fit glisser la barre de réglage, et doucement, le coin du loft où était son lit s’éclaira.

« Ca va mieux, ainsi? »

La première chose qui apparut sous la lumière était le sourire de Jenny, un sourire un peu gêné alors que ses yeux pouvaient enfin distinguer la femme en face d’elle et constater la proximité de leur visage, une rougeur naissante sur ses joues qui lui fit détourner le regard vers le bas puis soudainement vers la gauche en constatant leur nudité, « Oui… » Elle était subitement gênée de leur tenue, pourquoi alors que depuis le début cela n’avait jamais posé de problème. Elle avait soudainement très chaud, son cœur cognait plus durement dans sa poitrine, ses doigts resserrant un peu plus les mains de Carol.

« Tu devrais retourner dormir, tu ne crois pas?… ou tu veux un thé? »

Carole tendit une main en arrière, et attrapa un tee-shirt dans la penderie qui jouxtait son futon. Elle tira assez vite pour que les autres tee-shirts entassés n’aient pas le temps de se décider à tomber, et le tendit à la jeune fille.

« Ne prend pas froid ».

Et sans lâcher sa main, elle se leva doucement…

L’adolescente attrapa le t-shirt en se levant a son tour finissant de passer le vêtements d’une main et reste plantée devant Carol sans rien dire pendant un instant puis souffle : « Euhh…. un.. un thé… »
Carole la dominait d’une tête et résista à l’envie fougueuse de la prendre dans ses bras, l’embrasser et la faire sienne, mais elle glissa contre elle d’un pas, et s’éloigna vers le coin cuisine.

« Je m’en occupe… il est 5h00… on peut décider d’un petit déjeuner un peu matinal? »

Jenny suivi du regard Carol avant de se frotter les épaules frissonnante, ses yeux suivant la femme, pensive et troublée. « Pourquoi pas oui… » Elle sourit pour venir replier le canapé, bataillant un peu contre lui avant d’y parvenir et s’affaler sur lui en victorieuse.

Carole s’essaya à rire. Elle avait allumé quelques lumières au passage, pas assez pour qu’il y fit un jour clair. Elle appréciait la nuit de ne pas trop avoir à supporter une pleine lumière. Dans le jaune doux et moelleux du loft, elle regardait Jenny avec une douceur d’amante heureuse ou de mère aimante. Mais à vrai dire c’était juste, pour elle, le bonheur de la voir vivre…
Elle commença à s’affairer. Avantage d’un cerveau à mémoire eidétique, c’est que pour connaitre des recettes de cuisine, il lui suffisait d’y penser, et elle avait les listes de recettes en entier. Et ce matin, elle se lançait dans un petit déjeuner suédois… Restait à espérer que Jenny aime les rollmops et le saumon fumé à la crème fraiche, accompagné de confiture d’airelle, de thé et de blinis, à 5 heure du mat’…

L’adolescente regardait Carol s’affairer au fourneau, fronçant les sourcils de plus en plus en voyant les différents ingrédients, penchant la tête pour s’assurer qu’il n’y aurait pas d’autre surprise culinaire.

« Euh…. pas de bacon ou d’œufs au plat ? »

« Pas dans un petit déjeuner suédois, tu en veux quand même? »

Carole souriait et riait presque… Elle parlait, elle vivait, elle était là près d’elle, et était toujours elle-même. Elle n’y croyait guère, mais elle eut une pensée pour remercier Dieu.

Jenny s’enfonce confortablement dans le canapé croisant ses mains sur sa nuque, les jambes repliées contre elle.

« Suédois… euh…bah on va goûter »

Elle ne ratait pas un geste de Carol ne la lâchant pas du regard, souriant, fronçant les sourcils, rougissant d’autres fois…

L’avantage de régénérer si vite, c’est que quand on fait sauter des blinis, et cuire des œufs au bacon pour une jeune américaine qui risque de fuir les rollmops de bon matin, c’est que quand des gouttes d’huile sautent, la douleur n’a même pas le temps de naitre que la plaie a déjà disparue.
Alors changer de tenue, c’est à dire petite culotte et débardeur ne lui venait pas à l’esprit. Elle saisit juste son tablier pour éviter de tacher les vêtements. L’huile sale n’est pas un truc très plaisant. Ca donnait un spectacle plutôt drôle au final, surtout avec un mini-tablier piyou piyou…
Elle acheva la cuisine sans se presser… Elle avait allumé la radio sur une station de musique écoutable, enfin, selon ses critères, et s’amusait à faire voler les blinis de la poêle pour les retourner.

Jenny se mordait la lèvre pour ne pas éclater de rire en voyant la tenue de Carol et lance : « Joli tablier… » Elle se décida a se coucher sur le canapé, sa tête calée dans le creux de sa main, toujours a observer la cuisinière qui semblait heureuse après la tristesse de ses larmes un peu plus tôt. Ses doigts jouaient avec ses tresses alors qu’elle fredonnait doucement, heureuse elle aussi.

Carole tournait la tête, souvent, pour la regarder… parfois, Jenny voyait, parfois, elle ne voyait pas. Et elle retournait au petit déjeuner, qui venait remplir un plateau qui ne suffirait pas à tout emmener.
Blinis sautés, chauds, et froids, confiture d’airelle et miel suédois, œufs de lump et œufs de saumon parfumés à la bergamote, rollmops et saumon fumé, plus de la crème fraiche artisanale, du beurre doux, et du beurre salé, et enfin, trois énormes œufs sur le plat sur deux grandes tranches de bacon, avec des toasts, et du thé noir bouillant.
On aurait pu nourrir six personnes avec ça, et Carole riait en entassant le tout sur la table basse.

Jenny ouvrit de grands yeux qui allait du petit déjeuner gargantuesque a sa cuisinière. « Euh…. » elle regarde autour d’elle puis ajoute :

 » On est que toute les deux hein… »

« Enfin deux et demi en comptant zoé et Magi »

Jenny se gratte la tête jouant avec une de ses tresses, son regard posé sur Carol et son tablier Pyiou Pyiou.

Carole s’affala sur le canapé, près de Jenny.

« Ca fait quatre non?… il fait faim, tu ne crois pas?… Et puis je t’emmène courir, après! »

Carole piqua une assiette, un blinis, et deux tranches de rollmops, et avec une louchée de crème fraiche, se mit en devoir de se régaler, ce qui était clairement le cas vu son expression de délice.

L’adolescente se tourne sur le coté pour laisser un peu de place a Carol, toujours couchée sa tête posée au creux de sa main et son regard allant du p’tit dej a la jeune femme.

Carole avala un blinis entier couvert de poisson mariné et de crème, avant de saisir une tasse du thé, et de se tourner, doucement, souriante, vers l’adolescente.

« Je te demande pardon, tu sais… Pardon pour toi… je suis qu’une idiote de soldat… »

La jeune adolescente sourit en fixant Carol :

« J’ai jamais encore aimé une femme tu sais… »

Carole ouvrit la bouche, un air de surprise absolue, et complète. Elle sut qu’elle rougissait, et là elle su qu’elle devenait pivoine, et n’avait aucun moyen de le dissimuler… Il n’y eu plus la moindre pensée construite dans son cerveau pendant quatre secondes…

Toujours couchée sur le canapé, elle souriait, son aveu ayant été lancé sans qu’elle le réalise vraiment, mais la rougeur sur ses joues et le cœur cognant à tout rompre ainsi que les mains tremblante et ce doux frisson qui remonta le long de son dos contredisaient clairement le ton détaché qu’elle venait d’avoir et qu’elle tentait de garder en ajoutant :

« Des garçons oui… plusieurs… mais une femme jamais… »

Quatre secondes sans pensées, suivies d’un tourbillon épouvantables de pensées contradictoires avec comme seul objectifs essayer de comprendre et d’interpréter ce que Jenny venait de dire. Carole du hurler contre ses propres pensées une sorte de « Ta GUEULE » dont elle avait le secret pour essayer de retrouver le calme…
Mais elle détourna la tête… pas possible de lui parler en la regardant, pas possible de ne pas penser à ce qu’elle avait envie de faire, là, de suite, et qui la brulait.

« Tu as connu beaucoup de garçons?… »

Elle décida que se concentrer à tartiner des œufs de lump sur un autre blinis en tentant d’estimer leur nombre dans le pot était une bonne occupation…

L’adolescente se plaqua une main sur le visage à la fois pour dissimuler la rougeur de son visage et sa consternation sur ce qu’elle venait de provoquer et dans quelle terrible gêne elle venait de mettre la pauvre Carol tout en trouvant attendrissant et très touchant le rouge qu’elle voyait sur son visage, un nouveau frisson courant sur son corps lui mettant la chair de poule.

« Euh… trois…

trois si…  » Sa voix n’était qu’un murmure presque fautif.

« .. si?…  »

12876 œufs de lump dans un pot… l’estimation était selon elle juste à environ 3%… elle décida de descendre le calcul statistique à 0.3%… Ca l’empêcherait de ne penser qu’à sa seule envie… l’embrasser…

« Si je compte ceux…qui… m’ont aimée aussi… »

Jenny écarte les doigts pour observer Carol en train de tartiner frénétiquement sa tartine qui va finir par prendre feu vu la vitesse d’exécution puis son regard fixé sur le pot devant elle qui semble occuper toute son attention du moment.

« trois garçons, alors?… »

Carole ne savait plus où se mettre… bon… 13117 œufs de lump, mais elle était sûr que c’était faux et de toute façon son cerveau jetait l’éponge. Elle avait eu combien de « filles »?… Elle se souvenait bien d’avec qui elle avait couché, et de cette histoire finie en queue de poisson avec Emma, mais après…
Il devait bien y avoir quelque chose à dire d’autreun truc pour ne pas se retrouver paumée devant une gosse de 18 ans qui venait de lui dire être amoureuse d’elle, alors que cela faisait 5 jours qu’elle était bouffée par ses propres sentiments pour l’adolescente…

« Carol ? »

« heu… oui? »

« Tu devrais poser ta tartine avant de la détruire… »

« hein?.. »

Le blinis souffrait en effet d’un tartinage qui commençait à ressembler à du massacre. Carole pouvait exercer une pression de 1400 kg sur un objet et même loin du compte, elle avait quand même oublié ce détail sur le blinis qui était en train de finir déchiqueté dans sa main.

« Pff, je suis pas douée ce matin… »

Elle goba ce qui restait en miettes de pain et oeufs broyés, riant de s’en mettre plein les doigts, et rougit encore, une pensée fugace avait traversé son esprit, et dieu remercie que jenny ne soit pas télépathe…

Jenny pouffa en posant sa main libre sur le bras de Carol

« Y a des jours comme ça… hein »

Elle glissa sa main sur le poignet le serrant doucement pour dissimuler son tremblement. Celle qui lui a toujours montré la rigueur et le froid militaire avait en l’espace d’une nuit dévoilé son désarroi face a ses sentiments humains. Avant d’ajouter émue par la rougeur qui se peignait sur le visage de la femme :

Tu es bien plus humaine que l’on pense… »

L’adolescente sourit gardant sa prise sur le poignet de Carol en déglutissant les joues s’enflammant à ses mots. Pourquoi elle était dans un tel état ? Pourquoi son cœur battait la chamade… et son corps tremblait frissonnant ? Elle était amoureuse tout le disait… elle était amoureuse d’une femme du nom de Carol. Jenny ferma les yeux en inspirant profondément.

« Combien de femme as-tu connue ? »

Carole n’essayait plus de dissimuler qu’elle regardait, voir détaillait le visage de la jeune fille, et à vrai dire, comme si elle avait pu du regard se nourrir de ses émotions. Elle n’osait plus bouger, Jenny lui tenant le poignet, et se demandait un peu pourquoi jenny le lui avait attrapé. Mais les éclats de joie, de fraicheur et de plaisir qu’elle vivait simplement à ce contact lui suffisaient comme réponse.

« ca dépend ce que tu appelle connaitre… Pour moi, je dirais une… »

Jenny fixait le plateau déjeuner, gênée par le regard de Carol sur elle gardant toujours en main le poignet de celle ci, sans savoir elle aussi pourquoi elle l’avait attrapé peut-être pour rassurer Carol ou se rassurer elle-même ou les deux.

« Femme qui tu aimais… »

L’adolescente n’ose plus bouger calée derrière Carol puis se décide a replier une jambe la calant contre le dos de la femme soldat.

« Alors aucunes… je n’ai pas eu… le temps… »

Carole ferma les yeux, laissant Jenny faire, et sa main libre lui amena la tasse de thé, qu’elle se mit à boire Elle se sentait étrangement calme… Sereine… Après tout, quoi qu’il arrive, c’était leurs choix.

Jenny se redresse venant prendre place assise à coté de Carol et se penche pour attraper un blinis, sa main glissant sur la jambe de Carol. Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose puis la referme posant le blinis a sa place avant de tourner la tête vers Carol lui souriant; les yeux brillants

Carole lui souria tendrement. Ne plus avoir peur était doux. Elle ne voulait pas l’embrasser… pas encore. C’etait à Jenny de décider, maintenant.

« Tu te dis que c’est dommage, pas une seule fois, c’est ça?… »

L’adolescente haussa des épaules :

« Je me dis que tu n’as pas eu le temps… »

Elle prend a nouveau le blinis et le mange avec envie découvrant son goût avec satisfaction.

« Hmmm c’est bon ! »

« Tu devrais gouter un rollmops, tu verras c’est super bon… même si ça a un gout bizarre la première fois. C’est Seven qui m’a appris à gouter et aimer tout ça. »

Carole reprit sa main sans la moindre brusquerie, et se prépara une seconde tartine… il en faudrait beaucoup pour nourrir les fringales de la soldat.

« Je n’ai pas eu le temps parce qu’elle est partie quand elle a su que j’étais militaire. Je n’ai plus eu envie d’essayer d’aimer après ça, j’ai préféré attendre, me dire qu’un jour la question se poserait pas… Ce n’était pas volontaire quand..; quand… quand tu es arrivé… c’est arrivé comme ça. »

Carole ne la regardait pas, et préparait une autre tartine.

« Je n’ai pas eu beaucoup de temps en fait pour avoir l’occasion d’aimer quelqu’un »…

Elle attrappe un rollmops et y goute en lançant :

« Euh oui… j’ai déboulé dans ta vie un peu a l’arrache quoi »

Jenny laissa sa main posée sur la cuisse de Carol cherchant toujours du regard le sien.

« Et… ça n’a pas été facile… notre histoire… tout ça… »

Carole croisa son regard, le détourna, le croisa encore après avoir avalé un demi blinis en une seule bouchée, une large tache de crème venant déborder sur ses lèvres.

 » Tu sais réellement ce qui arrive, Jenny?… »

L’adolescente eut un bref sourire avant de fixer la table basse :

« Bah… tu seras ma supérieure… et je devrais te détester pour ce que tu as fait… »

Elle repose le rollmops sur la table la faim ayant disparu subitement puis fixe a nouveau Carol venant essuyer la crème sur ses lèvres en riant, un rire bien faible.

« Te haïr… »

Elle hausse des épaules observant toujours la femme.

« Mais… j’ai eu si peur quand tu es… morte… j’aurais dû être en être heureuse… vengée… mais j’ai eu peur… »

Carole laissa jenny essuyer la crème, et la parler… elle la laissa hésiter, mais elle ne la laissa pas partir. Elle vint la prendre une main par la taille, l’autre emprisonnant son bras, et elle l’embrassa. C’était comme cesser de se demander quoi que ce soit, c’était de toute façon la seule chose qu’elle voulait faire. La faire sienne… Le jogging attendrait, le petit-déjeuner refroidirait, le bureau patienterait, le monde pouvait mourir, elle serait sienne, et elle n’avait qu’une envie: l’aimer.

Jenny allait ajouter quelque chose lorsqu’elle fut bâillonnée par le baiser, surprise, troublée mais aussi heureuse; Son corps tremblait et frissonnait, sa main libre passant dans le dos de Carol. Il faisait chaud soudainement; terriblement chaud dans le loft.

Jenny était de plus en plus troublée ainsi captive des lèvres de Carol, devenue femme passionnée. Son corps tremblait répondant pas instinct a l’étreinte
de la femme dont elle sentait sa chaleur si proche d’elle. Ce qu’il faisait chaud…

arole se maudit intérieurement une dernière fois par principe, et se moqua royalement la seconde d’après de sa propre pensée… Elle se pencha en avant, doucement, amenant Jenny à s’allonger sur le canapé, la gardant sous son étreinte. Elle avait craint, attendu, essayé de nier, rêvé, désiré, et maudit ce baiser. mais elle l’avait enfin, et la jeune fille qu’elle serrait dans ses bras avec.
Non, elle ne serait aps capable d’être une maman pour Jenny… mais une compagne, une amante, une guide, une protectrice, une initiatrice, ça oui… Elle avait passé six ans à croire que quand une certaine mesure, elle ne trouverait jamais une chance de vivre ça, alors Jenny ne partirait pas…

Jenny se laissa aller a la douce autorité de la femme-soldat, répondant au baiser avec envie alors que ses bras étaient captifs des mains de Carol qui s’allongeais sur elle, mue par la passion. L’adolescente ne savait comment réagir, hésitante sur ce qu’il fallait faire, juste le baiser qu’elle prolongeait.

Carole avait rêvé de cet instant des milliers de fois. Et elle avait gardé en mémoire comme une pellicule parfait chacun de ces rêves… Elle en avait rêvé bien avant qu’une adolescente de 19 ne débarque un matin dans son loft. Elle en avait rêvé des centaines de fois encore depuis, elle avait nié les rêves qu’elle en faisait, elle avait surtout rêvé avoir le droit de faire quelque chose de ses rêves, et elle avait Jenny, son corps, sa vie, sa chaleur, sa douceur, sa beauté, son amour, sous les mains, enfin à elle, enfin pour elle… et elle ne savait qu’en faire… trop d’envies, d’idées, et de craintes de choquer l’adolescente… Alors elle n’avait que ce baiser qu’elle ne voulait pas arréter, toujours plus passionné, et sentir son corps contre elle, juste là, pour elle, sous son propre corps qui doucement emprisonnait la jeune fille.

Toujours plus perdue entre la passion de Carol qui l’enveloppait et la surprise de ressentir le corps de cette femme contre le sien, elle n’avait jamais connu cela. Des embrassades amicales avec des amies, des acolades ou autres bises mais jamais si… passionné et si désirable…. que faire maintenant…

Carole soupira, une de ses main gardait prisonnier un poignet de la jeune fille, l’autre vint se perdre à son corps, venant glisser sur la hanche. Dieu qu’elle était mince… Carole guidait son pouce à la découverte de la douceur de la jeune fille, et sa main venait suivre du bout des doigts le corps de l’adolescente, de son aisselle à la naissance de sa cuisse…

Le visage enflammé, Jenny regardais Carol de ses yeux mi-clos, les lèvres entrouvertes et le souffle court. Elle frisonna sous les doigts de la jeune femme, ses yeux s’agrandissant de surprise lorsqu’ils venait effleurer a peine son buste, le t-shirt se froissant… Elle ne savait pas quoi faire et restait ainsi offerte et attendant… les lèvres brûlantes…

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