HumeurJeux de rôle

Le droit d’être un rôliste réactionnaire ?

Je pose la question, car il existe toujours une frange irréductible, comme dans tous les milieux, de gars, que j’aime à coiffer de divers sobriquets amusants (pour moi) et insultants (pour eux), qui d’une part, exigent ce droit, qu’ils prétendent menacé, d’autre part exigent qu’on n’emploie pas le mot réactionnaire à leur endroit, car ce terme est lui, aussi pour eux, un sobriquet injurieux.

Et pourtant… c’est quoi un réactionnaire, au fait ? C’est un individu qui prône la mise en œuvre d’un retour à une situation passée, réelle ou fantasmée, en révoquant les changements sociaux, politiques et moraux qui auraient, de son point de vue, changés cette situation. Le truc de toute pensée et mécanique réactionnaire, c’est qu’elle rejette la situation présente, qu’elle juge décadente et « immorale » pour revenir à une situation présentée de manière idéalisée ou fictive, en évacuant en général tout le spectre, surtout le plus négatif, de son contexte.

Là où le réactionnaire moderne fait fort, c’est la magie du langage né sur le fleuve grouillant d’immondices d’Internet, c’est qu’il est capable de désigner comme réactionnaires modernes – ou encore terroristes intellectuels – les courants de pensée progressistes qui se soucient de la sécurité, du bien-être et de la liberté de chaque individu et groupe ; de ceux qui rappellent que la tolérance ne peut en aucun cas s’appliquer à qui n’a aucune tolérance et que le bien-être de chacun l’emporte sur la liberté sans contraintes de l’individu.

Bref, pour ces gens-là, principalement des hommes, qui sont réactionnaires et rêvent de revenir à un passé où on ne leur cassait pas les couilles et où ils avaient tout droit de brimer, ostraciser, humilier, faire du racisme passif ou actif, se moquer des pédés et des handicapés sans craindre la foudre des militants et des associations, les réactionnaires, ce sont les Social Justice Warrior, les Paladins Chatoyants du vivre ensemble, qui sont forcément aussi gauchistes, islamogauchistes, écolos, vegans, et forcément anti-libéraux… Et éventuellement pour certains d’entre eux : complotistes et sectaires, faisant partie d’un grand plan mondial pour asservir l’humanité, la vraie, la seule qui compte : celle qui a une paire de baloches entre les jambes.

Et non, je n’exagère même pas le propos.

Y’a-t-il vraiment des rôlistes dans ce mouvement de pensée réactionnaire et régulièrement conspirationniste ? Oui. Y’en a même tout un troupeau (ok, un petit troupeau, on va y revenir) sur un groupe public sur Facebook, dont le relais est une page facebook qui, elle non plus, ne laisse aucun doutes sur leur philosophie.

Et soyons clairs, non seulement ils ont le droit d’être des gros réacs, mais il n’y a rien qui les empêche légalement d’en être et de le déclamer avec forces affirmations ; y compris des contre-vérités ou carrément des bobards à deux zlotys comme Internet en produit tellement à la chaine.

J’insiste : vraiment rien ne leur interdit d’être des réactionnaires et de l’exprimer. Ceci s’appelle la liberté d’expression. Mais la liberté d’expression est un concept juridique. Et pour éviter de partir dans une grande explication, je vous partage ce strip de Randall Munroe (XKCDtraduit par Maitre Eolas, avocat plus que renommé, qui résume cela très bien :

En gros, la liberté d’expression garantit à TOUT LE MONDE le droit de dire des conneries. Moi compris ; mais elle n’oblige personne, en aucune circonstance, sauf décision de justice en bonne et due forme, à accepter que cette expression soit diffusée sur son média. La liberté d’expression c’est aussi le droit de refuser d’accueillir les conneries d’autrui ou de le laisser parler chez soi. Y COMPRIS ET PARTOUT SUR TOUS LES MEDIAS.

Y compris les réseaux sociaux eux-mêmes, qui ne sont pas des places publiques, mais des lieux possédés par des personnes privées, qui, dès lors, sont libre d’accepter ou refuser l’expression d’autrui comme ça leur chante.

Les bons gros réacs dont je parle plus haut, le petit troupeau d’une trentaine d’irréductibles hargneux qui sont les premiers – historiquement, je veux dire – à user de noms d’oiseaux et d’injures pour me caractériser et me désigner, me reprochent et à raison, de les avoir tous bloqués et de refuser totalement et sans discussion toute débat contradictoire avec eux.

C’est bien le cas. Pourquoi ? Je parle pas avec les cons.

Ils insistent pour dire que leur liberté d’expression est bafouée !

Non, en aucune manière, ni par moi, ni par personne. Vous avez le droit de dire toutes les conneries que vous voulez, comme moi. Et tout le monde a le droit de refuser que vous veniez balancer vos conneries chez eux, y compris si ce « chez eux » est une manifestation, une convention, un colloque ou une tribune. Droit que vous avez aussi, hein ! Il suffit de le déclarer clairement et d’en user vous aussi.

C’est ça, la liberté d’expression. Relisez la loi française ; vous en avez vraiment besoin, les rôlistes-râlistes-réacs et pas que pour ce sujet.

Voilà, donc. Le droit d’être un salaud sans cœur, le droit de vouloir revenir à une époque bénie où les filles ne jouaient que marginalement aux jeux de rôle, où il faisait pas bon d’être noir, ou gay dans un club de JDR, où les règles de jeu parlaient de race et foutaient des malus aux nanas parce que « c’est l’ordre naturel » et où le monde du jeu de rôle en tant que loisir culturel était totalement dominé par les hommes, vous l’avez, les réactionnaires.

Et vous avez aussi le droit de l’exprimer, personne ne va venir vous en empêcher. Par contre, comme cette époque fantasmée dont vous rêvez ne plait plus à personne, il est clair que le droit d’expression garantit aussi qu’on va se foutre de votre gueule, vous critiquer, vous mettre en contradiction, vous désavouer ou, plus simplement et efficacement, vous ignorer et vous refuser toute forme de tribune.

Je ne vais pas vous dire que vous avez fait votre temps, les réacs : vous le savez déjà. Les manifestations de jeu de rôle et les grandes conventions sont devenus des lieux où vos opinions sont blacklistées… entre autre car certaines tombent sous le coup de la loi contre la discrimination. Je vais vous dire que vous allez devoir apprendre à vivre comme une minorité au milieu d’une écrasante majorité qui ne s’adresse plus à vous et a décidé de vous enterrer dans les cendres de l’histoire… de préférence un trou profond, pour masquer les odeurs putrides de vos idées les plus immondes.

Quant à moi, pourquoi je refuse de vous parler ? Voire plus haut, c’est aussi simple que ça. Mais aussi parce qu’une partie d’entre vous continue de me harceler régulièrement, depuis pas loin de 5 ans, de tenter, avec une constance remarquable dans l’échec, de pirater mes sites web, de me discréditer (toujours avec des fails incroyables) professionnellement, y compris en tentant le mensonge et la manipulation. Parce que certains d’entre vous m’ont menacée de mort (LOL !), de viol (LOLZ !), de rendre mes informations privées, comme mon adresse, publiques (MAIS LOLZ, MEC !). Et parce que cela continue, chaque semaine, sauf l’été, vous aussi vous partez en vacances.

Moi, je vis avec ; ça m’amuse avant tout ; ça m’emmerde parfois. Rarement, ça m’agace. Mais quel que soient vos arguments, quelle que soit votre indignation, aucun de vous n’a plus et n’aura jamais plus le droit, que je suis donc seule à décider de donner, vive la liberté d’expression, de venir me parler, pour essayer de me convaincre qu’il n’est pas un salopard, membre d’une faction de réacs aux méthodes de salopard. Vous avez commencé ce que vous appelez vous-même la guerre. Moi, je ne commence jamais toute forme de violence. Mais j’y mets toujours fin et je ne suis ni gentille, ni pacifiste.

Bonjour chez vous !