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 » Pourquoi est-ce que le dessin devrait être un hobby d’élitiste ? »

Et bonjour, et on va vous reparler de dessin, d’IA générative, de métier, de pari, de flemme et de sondages… en vrac. Mais cette phrase, là, en titre, est absolument parfaite pour commencer. Je vous épargne le reste du commentaire, à la même logique spécieuse complètement pétée dont est tiré cet extrait :

« Pourquoi est-ce que le dessin devrait être un hobby d’élitiste ? »

Alors, y’a rien qui va dans cette phrase. D’une part, en tant que hobby, c’est-à-dire activité de loisir qu’on pratique sur son temps libre, le dessin n’exige que trois choses : du papier, du crayon, du temps. D’autre part, l’élitisme définit une classe d’individus se considérant supérieurs aux autres (qui sont forcément inférieurs et indignes) et seuls légitimes à décider et gouverner.

Donc, le dessin est une activité que tout le monde peut faire, en tant que loisir, avec un matériel minimal qui ne coûte quasi rien (je veux dire, historiquement, on a commencé sur des murs de cavernes avec de l’ocre et du charbon, et tout gamin dessine sur la buée des vitres ou dans le sable des plages). Tout le monde peut dessiner, il n’est pas réservé à une élite qui en interdirait l’accès à tout autre, et pour progresser et il suffit d’y consacrer du TEMPS.

Alors, soyons clairs : dessiner, c’est facile. Tout le monde peut le faire. Vous savez tenir un crayon ? Vous savez dessiner. Celui qui ne peut pas tenir un crayon vous envie, croyez-moi.

Bien dessiner, c’est un peu plus d’efforts. C’est comme bien faire du vélo de course, ou apprendre à conduire : faut prendre pas mal de leçons, de préférence avec une personne compétente qui sait elle-même maitriser le sujet et sait comment l’enseigner, et ça ne va pas vous transformer en deux mois en Bernard Hinault ou en Lewis Hamilton. Et en plus du TEMPS que cela prendre, vous allez aussi devoir payer ce prof.

Note : on peut apprendre à dessiner en achetant des livres et manuels de cours de dessin, ou encore en allant voir des articles de site internet d’initiation, ou des vidéos de cours, y compris gratuitement. Ça fonctionne presque aussi bien qu’avec un prof, même si cela a ses limites. C’est une voie suivie par nombre d’artistes désormais compétents et même célèbres. Donc, si vous êtes motivés, mais fauché, vous pouvez très bien vous en sortir, juste en dépensant du TEMPS.

Et pour devenir un très bon artiste, capable de tout dessiner ou peindre, avec talent, et créer des œuvres valorisantes, qui illustrent aussi bien vos manuels scolaires et scientifiques, que vos magazines de presse et de fantasy, qui créent aussi bien les emballages visuels de vos produits de consommation, que les merveilleux avatars de vos jeux vidéo, qui vous ont fait découvrir à quoi ressemblait Jupiter, ou Mars, avant qu’on puisse y envoyer des robots avec des appareils-photo, ou encore qui vous émerveillent par des œuvres d’art uniques ? Il faut BEAUCOUP de TEMPS.

Et ce TEMPS, c’est ce qui différencie un hobby et une profession.

L’élitisme est donc, je suppose, ce que le quidam plus haut croit nommer quand on parle de profession ? Oui, je suppose qu’il voulait exprimer un truc, je tente de traduire.

Faire d’un hobby un métier, c’est passer de conducteur automobile à pilote de rallye.

Dans cet exemple, non seulement, ça implique un gros investissement financier en formation professionnelle de qualité, mais en plus, cela exige d’apprendre et respecter des normes très précises de qualité et de sécurité, de connaitre pas mal de lois, d’avoir une compétence performante de la mécanique automobile, des compétences en physique des matériaux, et de consacrer beaucoup d’efforts à démarcher des entreprises et des mécènes pour avoir des sponsors prêts à investir sur votre talent de pilote, afin de vous aider à progresser sur le circuit professionnel. Et, désormais, vous n’êtes plus là pour conduire une voiture : vous êtes là pour la piloter le mieux possible, en compétition avec tous les autres, pour tenter d’être le meilleur. Pas pour la passion, hein ! Ça, c’est juste un bonus. Mais parce que c’est ce qui remplit votre frigo et vous paye le toit au-dessus de votre tête. Et tout ça, à notre pilote de rallye, en plus de gros investissements personnels et financiers, ça lui a couté un énorme investissement de TEMPS.

Un artiste professionnel, c’est pareil, mis à part que son métier implique nettement moins de risques pour sa vie. Mais bon, un plombier ou un médecin sont rarement eux aussi en danger, ou alors ils bossent dans des endroits qui craignent vraiment, et j’espère qu’ils peuvent au moins faire payer cher leurs services.

Un artiste professionnel, c’est une somme de compétences qui dépasse largement « savoir dessiner ». Déjà, c’est savoir comprendre ce que le client demande, et comment l’interpréter. C’est savoir discuter un contrat et établir un devis en conformité avec la loi. C’est connaitre pas mal de lois sur les droits d’auteurs, la propriété intellectuelle, mais aussi la TVA, et les merveilleuses circonvolutions administratives des assurances sociales. C’est avoir une connaissance étendue des différents papiers, supports, outils, médias et formats, des contraintes de l’impression et du numérique, des règles de la colorimétrie, c’est maitriser les principes du graphisme et de la création de logos, c’est même savoir coder et scripter, sans oublier avoir une compréhension étendue de la narration visuelle, et je ne fais qu’effleurer la masse des compétences requises (je ne parle même pas de la modélisation 3D et de la maitrise des trouzmilles logiciels et applications utiles et même obligatoires à sa profession). Et apprendre et maitriser toutes ces compétences lui a demandé un énorme investissement de TEMPS.

Ça demande, disons au moins 5 à 10 ans, pour commencer à être vraiment un professionnel formé, avec quelques années d’études, et d’autres années d’expérience de terrain, en réalisant souvent que ces études sont loin de nous avoir appris tout ce dont on avait besoin (les lois sur le sujet, ou l’administratif, par exemple).

Et, pour info, moi, ça m’a pris 15 ans. Parce que je ne suis pas née avec un don (quelle idée ?), et que je n’ai pas eu la chance d’avoir des parents pétés de thunes me payant toutes les écoles et tout le matos auquel je pouvais rêver. J’aimais juste dessiner. Tellement, qu’à 15 ans, j’avais décidé que ce serait ma vie. Ce qui ne fut effectivement vraiment le cas que 15 ans consacrés à apprendre, travailler, étudier, me faire une expérience, et recommencer, pendant que je gagnais ma vie à côté dans des métiers plus ou moins bullshit, plus tard. 15 ans… Ouais, on peut dire que la différence entre hobby et profession est vraiment un gros investissement d’efforts et de TEMPS.

Tout le monde peut donc dessiner ou pratiquer une activité artistique. Il n’existe aucune caste élitiste qui décide si vous avez le droit de pratiquer une activité artistique ou pas ; en tout cas pas en Occident, et soyez-en heureux. Je connais quelques pays où le simple fait de jouer de la flûte ou de dessiner un mickey sous un pont vous envoie au goulag pour une décennie ou deux. Pareillement, Il n’existe pas non plus de caste élitiste qui décide de ce qui est de l’art ou pas, sauf dans le cadre anecdotique, très fermé et très isolé, des milieux de l’Art contemporain, et personne ne les écoute. Et bon leur seul élitisme est de décider ce qui est de l’Art et ce qui n’est pas de l’art, avis dont tout le monde se fout royalement. Mais, toujours pas de décider qui a le droit de dessiner ou pas.

Finalement, y’a qu’une différence : amateur, ou professionnel. Ce qui différencie ces deux catégories, hobby, ou profession, c’est la qualité du résultat et son investissement personnel. Quand le hobby devient un métier, on change d’échelle, et ça ne se fait pas sans d’énormes efforts, beaucoup d’argent dépensé et sans y consacrer une masse conséquente de TEMPS.

Une IA générative, ça ne crée pas. Il n’y a donc pas d’artiste IA.

Exactement comme ChatGPT qui n’écrit pas ou MusicLM qui ne compose pas de musique, vos logiciels comme DALL-E, Midjourney ou Leonardo ne dessinent pas. Ils génèrent des images, à partir de commandes écrites (des prompts) traduites en ligne de codes qui vont aller faire appel à un algorithme statistique chargé d’apprendre à interpréter statistiquement la reconnaissance d’images. Vous lui montrez à quoi ressemble des milliers d’images de chat, il reconnait les chats, puis reconnait toutes les formes associées au mot chat, et peut piocher dans sa base de données de milliers d’images de chat pour recomposer l’image du joli chaton roux aux yeux vers que vous lui avez demandé de générer. Vous n’avez rien créé, vous avez écrit une commande pour demander une image générée selon des modèles statistiques qui apprennent à comprendre vos demandes, et à composer un résultat en piochant directement dans les ressources d’une base de données.

C’est une technologie incroyable. Parce que les IA génératives font bien autre chose que ça. Et c’est une technologie qui ne disparaitra pas, et sérieusement, pour les services qu’elle rend aux humains, je suis la première à dire qu’elle ne doit jamais disparaitre (mais bon, une tite éjection de masse coronale, tempête solaire, et à mon avis, elles ne vont pas aimer… comme tout le reste de notre technologie numérique).

Mais tout le problème est l’usage par l’humain. L’humain est un con ; s’il peut trouver un abus rentable à un usage, il fonce direct sans se poser de questions. Internet avait été imaginé comme mémoire commune et bibliothèque géante du savoir humain. Désormais, c’est 90% de pornographie, 9% de complotisme et 1% de tout le reste (bon, j’exagère un brin )…

Et donc, parce que c’est tellement cool (et que ça rapporte de l’argent), des abrutis motivés uniquement par le flouze, se sont dit que, pour entrainer leurs IA génératives, ils allaient employer comme base de données Internet. TOUT internet. Et pour entrainer leurs IA et se faire un max de blé, ils ont proposé, contre abonnement (l’essai est gratuit, faut appâter le chaland) des commandes toujours plus précises, efficaces et facile pour que l’utilisateur puisse demander ce qu’il veut, à commencer par copier un style ou un artiste, ou encore les mélanger, et les reproduire, à l’infini. Des guides sur comment écrire une commande correcte et efficace sont nés (les prompts) et on a même entrainés des IA génératives pour écrire elle-même sur simple demande ces mêmes commandes !

Dès lors, la boite de Pandore était ouverte : il y a un moyen de se faire du fric, vite, pour aucun effort, et un investissement qui se résume à environ 10 à 20$ par mois. N’importe qui, en quelques jours d’essais, peut faire générer par une IA une série de dizaines d’illustrations bluffantes, du moins pour la majorité des gens. Alors, oui, on y voit aisément des quantités d’artefacts et d’erreurs, des ratés grossiers ou subtils, et c’est toujours les mêmes standards visuels, mais bon, le grand public s’en fout. Si c’est beau, ça passe. Que cette illustration générée soit un composite de photos et d’œuvres artistiques protégées par le droit d’auteur et la propriété intellectuelle, mais pillées sans vergogne et sans aucun contrôle sur Internet, il s’en fout aussi. Et, là où est le plus gros problème : c’est que les gens qui ont payé leur abonnement et fait générer cette image vont en faire un usage commercial : ils vont la vendre. Et ils vont la vendre à un prix cassé, puisque cette image générée ne leur a demandé aucun effort, aucune compétence, aucun travail, même pas un peu d’investissement en temps, et que cette image elle-même n’est finalement que le mix de photos et œuvres d’art volées et exploitées, sans aucune création de leur part. Clique sur un bouton, et le logiciel te génère 20 variantes différentes !

Un artiste ne PEUT PAS se retirer des bases de données des IA Génératives. Il n’y a aucun moyen, ni recourt, ni outil prévu pour cela, comme le rappelle Reema Selhi, de la Design and Artists Copyright Society. Alors, oui, désormais, on en est aux actions en justice. Moi, j’ai dû menacer légalement un voleur qui avait fait générer par IA des plagiats de mes illustrations en noir et blanc en imitant ma signature et les mettait en vente sur un site internet, et ailleurs, et de manière nettement plus grave, trois artistes — Sarah Andersen, Kelly McKernan et Karla Ortiz — ont déposé une poursuite pour violation du droit d’auteur contre Stability AI, Midjourney et la plateforme DeviantArt, affirmant (et aucun doute à ce sujet) que ces entités ont violé les droits de millions d’artistes en utilisant cinq milliards d’images trouvées sur le web pour former des IA, sans le consentement des artistes originaux. Le même mois, Stability AI était aussi poursuivi par Getty Images pour avoir utilisé ses images dans les données de formation.

Un artiste IA n’existe pas, ne serait-ce que légalement ! Le consensus juridique international est que l’intention artistique est l’une des bases du droit intellectuel. Une IA n’a ni désir de créer, ni d’intention créative ou artistique et ne crée que sur commande. Le rédacteur de la commande n’est ici qu’un utilisateur, sa propre intention n’est que celle d’employer le logiciel qui génère l’image. Il n’y consacre ni intentionnalité propre ni motivation autre que l’utilisation du logiciel.

Alors, on pourrait me dire que cela devrait être pareil avec les logiciels de retouche, de traitement et de dessin assisté par ordinateur ! Mais ces logiciels ne génèrent pas d’image sur la base d’algorithmes d’apprentissage et de reconnaissance. Ils assistent l’utilisateur qui doit exploiter aussi bien ses capacités artistiques que graphiques, que son intentionnalité créative, pour créer une œuvre.

Et en fait, un amateur ou professionnel qui fait générer par une IA une image, qu’il va employer comme inspiration ou ressource pour s’en servir comme support ou matériel pour créer une œuvre nouvelle, fait de l’art, aussi bien dans la démarche technique que l’intentionnalité. Je veux dire, vous croyez qu’on faisait comment quand on devait dessiner un truc qu’on ne connait pas ? On cherchait des inspirations ou des modèles. Pendant toute la période où j’ai illustré le jeu de rôle d’inspiration historique celtique Ynn Pryddein, je collectais des masses d’illustrations et photos de reconstitution historique afin d’apprendre à dessiner des gens et des costumes de cette période, et j’ai même parfois reproduit partiellement certains modèles, que j’ai retouchés et modifiés à mon goût pour créer une nouvelle œuvre. Ça a même un nom, dans le métier de l’illustration, ça : le photobashing. Voici même un lien qui vous montre un peu ce que c’est en vidéo, de l’excellente chaine Youtube d’apprentissage à l’art DigitalPainting School.

Bref, un artiste qui emploie l’IA générative pour l’aider dans son travail, c’est un artiste, point. Comme cet outil existe, on s’en sert, comme on s’est toujours servi des technologies à notre portée, pour nous faciliter la vie, et pour votre plus grand plaisir.

Et c’est quoi alors, un gars qui génère des images grâce à des textes de commande (des prompts) pour qu’une IA générative lui génère une image ? Ben, c’est pas un artiste IA… c’est juste un utilisateur de logiciel d’IA générative. Et s’il vous vend ces images, non seulement il vous arnaque (vous pourriez faire pareil pour un abonnement modique et une petite semaine ou deux à vous y essayer sur votre temps libre), mais en plus, vu que l’IA générative est bâtie sur le principe d’exploiter toutes les images sur Internet, sans se soucier qu’elles soient libres de droits ou pas, il vole tous les artistes qui ont créé ces images. Ah, oui, et c’est pareil avec du texte et du son, hein !

Mais c’est le futur ! Et les gens aiment ça !

Alors, l’argument c’est le futur, c’est aussi une manière de dire, et c’est un propos que j’ai vu ressortir souvent :  vous êtes comme les artisans du 19e siècle qui pleuraient que les machines allaient les remplacer et leur faire perdre leur travail, alors que ces machines étaient créées pour éliminer la pénibilité de leur travail. Pour qui n’a jamais étudié l’histoire de l’industrie et croit aux mensonges capitalistes, c’est un argument parfaitement valide. Malheureusement, il est faux…

Une machine ne sert pas à faire disparaitre la pénibilité d’un travail, sauf exception. Elle sert à faire disparaitre un ouvrier spécialisé, donc trop payé, pour économiser le prix d’un salaire, pour que la machine fasse pareil, de préférence plus vite et sans avoir besoin d’être nourri, de dormir, ou simplement de s’arrêter. La pénibilité de l’artisan est remplacée par la pénibilité de l’ouvrier, qui désormais, doit suivre la cadence sans fin de la machine. Et comme tout le travail est effectué par la machine, l’ouvrier n’est plus payé comme un artisan, mais comme un gugusse non qualifié, et remplaçable par n’importe quel autre gugusse s’il se plait de son salaire de misère. Si vous voulez en savoir plus sur l’Histoire des ouvriers et de l’industrie, Arte a fait une excellente série de trois vidéos à ce sujet.

Et, étrangement, on n’a pas envie, dans mon métier, d’en être réduit à ça ! D’autant que c’est ce qui vous attend aussi, hein ! L’informatique, l’administration, la gestion, la communication, la relation clientèle, tout ça, et tellement d’autres choses, une IA générative peut déjà le faire, et va pouvoir vous remplacer pour que dalle, vous laissant comme alternative de finir portier, serveur, manutentionnaire ou livreur, c’est-à-dire employé non qualifié payé au lance-pierre.

Si ce futur vous plait, je ne peux rien pour vous… et arrêtez ici la lecture, vous perdez votre temps.

Mais bref, c’est en effet le futur possible, et ça schlingue pas mal, et pas que pour ma profession… Mais est-ce que ça plait aux gens ? Je veux dire, est-ce que, dans mon domaine, les illustrations générées par IA, ça leur va vraiment ? Et… ma première réponse est venue… des USA. Pour poser un peu le contexte, j’ai des contacts canadiens et américains avec qui je discute sur deux groupes Discord. Un groupe de jeux de rôle et un autre de jeux vidéo. Bien sûr, il y a un canal proposé pour publier des images de tout type, et bien sûr, les gens jouent avec des IA génératives : comment leur reprocher ? Ils se font plaisir !

Bon, forcément, moi, je montre mes mickeys fait à la main… et ils adorent ça. Mais ça n’est pas vraiment suffisant comme argumentation. Mais parmi tous les arguments qu’on m’a sortis en France,  en faveur des IA : « les Américains plébiscitent cette technologie ! »

Ben… non. La majorité des utilisateurs et des pratiquants de JDR sur ces groupes Discord les rejettent, ils ne supportent pas une technologie crée à dessein pour voler de la création originale afin d’en vomir du plagiat industriel et qui rend des résultats fades, aseptisés et standardisés, et bourrés d’artefacts laids et mal-foutus. Et ils m’expliquent qu’éditeurs, auteurs, organisateurs de conventions sont de plus en plus en train d’interdire carrément tout ce qui viendrait d’IA générative dans leurs productions et manifestations.

Du coup, la semaine dernière, j’ai fait un logo pour un client Californien, un truc torché rapidos, parce qu’il avait tenté de faire créer une illustration et un logo par un « IA artist » et que d’une part, impossible d’avoir ce qu’il voulait, d’autre part, il venait de décider de jeter tout ce qui est généré par IA, parce que les rôlistes américains, ses clients, hein, refusent ces produits… Ils refusent de les acheter et les dénoncent et lui-même n’était pas fier d’y avoir eu recours. Alors, bon… ça lui a couté 150 balles. Mais il est super content… et il a enfin eu ce qu’il voulait.

Gag ultime : avoir réalisé ce logo a motivé un autre client américain à me contacter pour refaire son logo de jeu généré par IA (bourré d’artefacts laids), qu’il a payé à un artiste IA, mais dont ses collègues et toute sa clientèle se moquent cruellement…

Du coup, suite à une discussion houleuse avec un pro-IA m’expliquant que je ne comprenais rien, j’ai proposé un pari. Sur le groupe Facebook consacrés aux jeux de rôle dont je suis une modératrice, les membres savent que la modération s’oppose à toute publication commerciale ou promotionnelle créée grâce à une IA générative. Et beaucoup de gens n’aiment pas notre décision et l’ont fait remarquer à grand bruit, ce qui est leur droit le plus strict. Mais j’ai parié que je pourrais lancer un sondage, qu’il arriverait à réunir 10% des membres et que les pro-IA (personnes considérant acceptable tout usage commercial des créations générées par IA) n’y dépasseraient pas 5%…

Et j’ai gagné ce pari haut la main, en deux jours. Bon, le sondage ne peut pas être considéré représentatif, mais seulement indicatif, eu égard à quelques biais. Déjà, il manque la réponse : « ne se prononce pas, n’a pas d’avis » que j’ai oublié d’ajouter ; ensuite, il y a sûrement une petite minorité de membres qui ont quitté le groupe quand il s’est positionné contre l’usage commercial/promotionnel des IA génératives (mais bon, ce chiffre, on le connait à peu près, on a perdu environ 25 membres, sur 7417). J’ai eu aussi d’autres arguments contre la validité du sondage, mais ils restent discutables. On ne fait pas la police macronniste sur ce groupe et les règles du groupe pas plus que les modérateurs ne menacent en rien toute personne ouvertement pour l’usage commercial des IA génératives. D’ailleurs, entre modos, on n’est pas tous du même avis sur ce sujet.

Mais bref… 836 votes, 3% OK pour tout usage commercial des IA génératives. Affaire pliée. Si vous voulez essayer et faire mieux comme sondage, je vous y encourage, faites-vous plaisir.

(et les jean-michel « ce sondage ne vaut rien », vos avis non plus…)

Et ça va me permettre de conclure sur un dernier sujet…

Mais faites-vous plaisir, tant que c’est à usage non commercial !

Pour écrire tout ça, j’ai passé 3 semaines à tester toutes les principales IA génératives, voir comment elles fonctionnent, combien de temps faut-il pour en tirer le meilleur, quelle est leur facilité d’usage, leur accessibilité, leur capacité à plagier un style, un artiste, ou même une période d’un artiste précis. Sans compter par mal de lecture sur la documentation technique de leur fonctionnement – il m’a fallu un peu de dafalgan. Et non, je ne ferais pas de pub pour vous dire laquelle est selon moi la meilleure.

Ma motivation ? Elle est toute entière résumée dans cette phrase :  » Pourquoi est-ce que le dessin devrait être un hobby d’élitiste ? »

Le dessin est soit un hobby, soit une profession, comme des tas d’autres activités. On ne traite ni les pilotes de rallye, ni les plombiers, ni les physiciens de caste d’élitistes, non ? Qu’il y ait parmi eux des abrutis qui se placent en élite qui ne veut pas qu’on vienne leur prendre leurs privilèges illusoires, je ne suis pas étonnée, mais ce n’est jamais une posture applicable à une profession, juste à une poignée d’abrutis que le reste du métier ignore totalement. Ils ont autre chose à foutre, genre : gagner leur vie.

Mais le dessin est une pratique précise : il s’agit de prendre un support, un outil pour tracer sur ce support et représenter à coup de crayon, plume, pinceaux, qu’ils soient physiques ou numériques, des objets, des images. Pareil pour la musique : un logiciel d’aide à la composition musicale (DAW : Digital Audio Workstation ) comme Garageband, ne sert à rien pour qui ne connait pas la musique, c’est-à-dire la technique de composition musicale et tous les codes, les pratiques, les outils, et, au moins dans leur théorie, les instruments de musique. Ce logiciel ne rend pas caduque la présence d’un violoniste dans un orchestre. Alors que MusicLM compose de la musique à partir de base de données constituées de tous les sons sur Internet, au mépris du droit d’auteur, et ce sans que l’utilisateur du logiciel ait besoin de la moindre compétence musicale.

Vous ne dessinez RIEN avec une IA générative. Vous avez tapez une commande et elle a fait un boulot statistique. Vous, vous avez appuyé sur un bouton. Que cela vous fasse plaisir, tant mieux, et amusez-vous. Mais ne comparez pas ça à dessiner ou faire de l’art. C’est une insulte et un putain de mensonge. Celui qui défend ce point de vue est juste un putain de gros flemmard qui cache sa flemme derrière l’argument : « oui, mais c’est dur d’apprendre, c’est pas juste que je puisse pas faire des jolies choses sans avoir besoin d’apprendre à les faire! Je veux être artiste moi aussi! »

On ne fera pas disparaitre les IA génératives : elles rendent bien trop de service à l’humanité. Mais c’est comme tout outil : sa facilité d’usage est problèmatique, et l’abus à visée commerciale, lui, est un fléau. La méthodologie d’apprentissage et de base de données de ces IA est à la source du problème, et l’abus par l’humain est par essence la parfaite représentation de ce que la bêtise et la rapacité humaines peuvent faire. Moi, je ne souhaite pas la disparition de ces bidules. Ce que je souhaite est qu’on fasse autant d’efforts pour empêcher les dérives et abus commerciaux de ces technologies, basées sur le vol du travail et de la création humaine, qu’on en a faits pour les créer. Et qu’on cesse de me dire que c’est l’avenir et que tant pis pour les artistes, ils n’ont qu’à faire mieux, ou faire autre chose.

Car si rien n’est fait, et ça a commencé, les IA génératives ne seront bientôt plus que les seules à produire massivement de l’image, image qui est elle-même alors absorbée par les bases de données des IA génératives, et exploitée à son tour, dans un cycle sans fin de production massive, sans limites, qui ne laisse aucune chance à la créativité et à l’inventivité. L’humain sera effacé de la création visuelle… et considérez bien qu’il ne faudra que deux à trois ans pour qu’on en arrive là. (et je ne vous parle même pas de la consommation énergétique démente de ces bidules).

Alors, employez les IA génératives, pour vous-même, pour votre plaisir, de manière gratuite, libre, sans essayer d’en faire un produit commercial. Offrez-vous le plaisir de créer votre image à partir de quelques idées, en tapant une commande, et en regardant ce que cela donne. Amusez-vous ! C’est un jouet merveilleux.

Mais n’oubliez pas toutes les conséquences de ce jouet, dès qu’on en abuse. Des conséquences bien réelles, et dont vous paierez vous-même le prix, bien plus tôt que vous croyez. Mais nous, artistes, on aura déjà tous disparu à ce moment-là….

 

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