Le jeu de rôle et les états de stress personnels des joueurs, par l’exemple.
Alors si ce petit mot va me servir de billet publique, histoire de vous expliquer comment certaines situations de jeu de rôle peuvent déraper par facteurs humains. Pourquoi ?
Parce que j’ai pris une leçon, du haut de mes putain de 35 ans de pratique de jeu de rôle et de ma dizaine d’année d’activité pro dans le milieu, plus mes 4 ans de travail pro dans le jeu vidéo (et en plus, un jeu vidéo donnant la part belle au jeu de rôle !!) et que je tiens à la partager. Pourquoi je sors ce CV ? pour rappeler que personne ne peut prétendre être plus sûr que les autres de son coup et, qu’un jeu de rôle, y compris sur SL, ça se joue à plusieurs et ça se joue en tenant compte des autres joueurs (et pas seulement des personnages). Et les joueurs, tous, sont des humains. Compliqués, parfois, et surtout faillibles.
Le contexte (sans détailler l’histoire, c’est inutile) : il y a deux jours, une scène de jeu de rôle, totalement improvisée, a débouché sur un imprévu, une information un peu catastrophique dans le contexte du monde de Gor, qui pouvait tout aussi bien conduire à une situation dramatique, que simplement compliquée et cocasse. Le problème est que, si l’événement était amusant, il était aussi absolument pas anticipé de manière raisonnable, rendant compliqué et difficile le jeu de chacun des acteurs impliqués.
En jeu de rôle, on appelle ce genre de scène : une voie sans issue. Ça arrive aussi bien sur SL, que quand vous faites du roleplay sur un MMORPG et même en jeu de rôle. La seule différence dans ce dernier cas, est que le meneur de jeu, l’arbitre et conteur de la partie de jeu, peut éventuellement vous prévenir de manière neutre qu’il pense que là, c’est une voie sans issue. C’est le fameux : “t’es sûr que tu veux faire/dire ça ?” suivi en général d’un… heu non en fait je vais faire autre chose !
Bref, j’ai dis une connerie (ouais, c’est moi !) mais cette connerie avait des répercussion que personne ne pourrait prévoir. Alors, quand tout le monde est calme, serein, paisible, on peut encore s’arranger. C’est là que mettre le jeu en pause le temps de décider par avance comment on va gérer les complications de l’intrigue entre en scène. Et c’est TRÈS important de le faire. Et nous l’avons fait. C’est ce qu’on appelle les arrangements OOC (out of Character).
Et ça n’a quand même pas très bien marché. Pourquoi ? Parce qu’il y a un second facteur qui entre en scène. Nous sommes des humains. C’est compliqué ces bêtes là. Quand le calme règne, ça fonctionne (en théorie) de manière cohérente, pragmatique et rationnelle. En gros, ça se sert de sa tête avant de se servir de ses tripes, si vous me pardonnez l’expression. Quand le dit humain est sous pression (stress, fatigue, emmerdes professionnelles, connards divers, mauvaises nouvelles), le comportement réfléchi et rationnel est altéré, par des variations émotionnelles qui, elles, ne se contrôlent pas, puisque justement, l’humain concerné n’est pas assez serein pour le faire !
Interpréter un personnage de jeu de rôle demande à ne pas s’identifier émotionnellement à lui, ou tout du moins, à garder une distance suffisante pour cela. Sinon ? Sinon, quelques mots clefs écrit ou prononcés peuvent suffire à déclencher une réaction émotionnelle qu’aucune rationalité ne pourra tempérer. Et ce quelque soit la personne qui écrit ou prononce ces mots. Une expérience que vous avez sans doutes tous vécu en vous engueulant avec un ami proche ou votre compagne ou compagnon. Ben sur SL, c’est pareil. Si vous êtes fatigué, stressé, angoissé, que c’est le bordel dans votre crâne, vous n’avez pas de distance avec votre personnage, et vous allez plus ou moins très mal prendre ce qui, en temps de calme, avec un esprit rationnel, ne vous affecterait pas.
C’est ce qui m’est arrivé hier soir. Ce qui NOUS est arrivé hier soir. Trois joueurs fatigués, stressés, troublés, devant incarner des personnages stressés, en colère, troublés. Même en ayant trouvé une manière d’esquiver la scène sans issue par discussion et arrangement OOC, ça c’est mal passé, et c’est moi qui ai réagi violemment, au final. Fort heureusement, mes deux camarades de jeu ont cette expérience et ont compris que là, nous avions tous été dans le mur. On a donc décidé ce que nous aurions du décider dès le départ : l’événement-clef, le premier, la connerie, aurait du être ignoré, zappé, effacé. On l’a fait, on a perdu deux jours de jeu ; c’est regrettable, ça arrive, la leçon est bonne, et il est surtout intéressant de la partager.
Bon, pas besoin de vous dire que je ne fais pas la fière, et je m’en veux. je suis très susceptible (option Corse) et je déteste perdre le contrôle. Quant un truc frappe mon bouclier émotionnel et le traverse pour m’atteindre, j’ai tendance à vouloir prendre le responsable et l’oblitérer pour que jamais il ne puisse recommencer. Soyons clairs, je peux le faire sans aucun scrupule vis-à-vis de qui je tiens pour responsable de m’avoir ainsi affecté. Mais quand je considère que, là, c’est disproportionné et que je suis en premier chef responsable, de par mon état, de ma perception altérée, je suis plutôt encline à me maudire de ma connerie. Ici, en occurrence, nous avons pu dialoguer sans mal, et je me suis excusée de ma réaction ; affaire réglé dans une très bonne entente.
Ceci dit, quand cela vous arrive, faut pas hésiter : si vous avez les nerfs à vif, vous allez dire des conneries, vous engueuler, et autant alors quitter le jeu AVANT, couper SL ou n’importe quel autre média où cela est arrivé… et revenir une fois calmé et reposé pour clarifier la situation, raisonnablement, calmement, en admettant vos torts.
Et, dernier conseil. Quand vous êtes stressé, fatigué, angoissé, bref dans une situation qui vous fragilise émotionnellement et que vous avez les nerfs à vif, il s’avère que c’est en général le pire moment pour faire du jeu de rôle… ou alors, prévenez vos camarades de jeu ! Refusez quoi que ce soit qui paraisse compliqué comme interprétation ou intrigue. Et si quelque chose semble aller dans ce sens et risque d’être compliqué, dites : STOP ON LAISSE TOMBER. Tout joueur raisonnable est un humain à qui cela peut arriver, et le comprendra forcément, sans vous en tenir rigueur. Et si quelqu’un ne comprends pas cette situation… je vous dirais de l’inviter à aller se faire voir, plus ou moins poliment.
