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Comment fonctionnent les outils de sécurité émotionnelle dans le JDR ?

Parce que le sujet est d’une part peu connu, d’autre part véhicule depuis longtemps les fantasmes les plus absurdes, en règle général basés sur des idées reçues, une ignorance du sujet et une grande peur de « perdre le contrôle », on réalise que c’est pas dommage de présenter et expliquer un peu comment on se sert de ces outils.

Avertissement : ce sera un peu long à lire. Après, tout un chacun a le droit de ne pas lire et rester sur ses préjugés quant à ces outils. Mais il lui faudra assumer alors sa position ignorante sur le sujet : perso, quand je ne connais pas un sujet, j’en parle pas, surtout quand il s’agit d’en juger ou le critiquer.

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Mais, on parle de quoi, ici ?

Les outils de sécurité émotionnelle, c’est la version moderne et pour le jeu de rôles d’actions comme « pouce, on arrête de jouer, steuplait » des jeux d’enfants ou encore d’avertissements de contenu comme, pour faire une analogie, les classifications PEGI pour les jeux vidéo et les films. Sauf qu’ici, on n’impose pas, on cause et on discute.

Ce sont les outils qui ont pour fonction d’alerter et de protéger les joueurs d’une partie de jeu de rôles avant que ces derniers n’entrent dans une situation de gêne émotionnelle si importante qu’elle va déclencher/réveiller une détresse ou un traumatisme. Les cibles de ces sécurités sont aussi bien les souvenirs traumatisants et les chocs émotionnels, que les hantises ou les phobies. Ces outils n’ont pas pour destination de protéger les convictions personnelles d’un participant, qu’elles soient religieuses, politiques ou idéologiques, pas plus que de servir à modifier le jeu, car ce dernier « ne lui plait pas ».

Les outils de sécurité émotionnelle sont là pour prévenir le truc que personne n’aime avoir à vivre : un rappel ou souvenir particulièrement perturbant qui peut déclencher un véritable malaise traumatique dans une partie de jeu de rôles ; le genre de choses qui secoue un ou des participants, assez fort pour que la partie de jeu s’arrête et que le plaisir de jeu des participants soit ruiné.

En bref

Les outils de sécurité émotionnelle sont des formalisations de chose que la plupart des gens font. Il s’agit avant tout d’une entente et d’un accord consensuel à égal entre tous les participants :

  • Le Contrat social sert à discuter et décider de quelles règles le MJ usera pour protéger la sécurité émotionnelle des joueurs et la bonne entente des participants à sa table.
  • Les Lignes & Voiles servent à définir et appliquer les limites de contenu à ne pas franchir en partie de jeu (les lignes) et les contenus qui, bien que présents, ne seront jamais abordés avec détail ou longueur (les voiles).
  • La carte X : elle ne sert qu’à éviter les conséquences de l’imprévisible, quand quelque chose de réellement perturbant pour un participant survient, dont le contenu n’a jamais été formalisé dans le Contrat social et les Lignes & Voiles.

Vous n’aimez les trucs ricains ? Comment vous dire…

Oui, ces outils ont été en partie conçus par les courants du jeu de rôles aux USA. Mais ils viennent aussi, en très grande partie, de l’expérience des jeux de rôles grandeur nature des rôlistes scandinaves. Dans les deux cas, la nécessité tient d’une même cause : créer des expériences de jeu de rôles qui ont pour point commun de sortir les participants de leur zone de confort et les amener à explorer leur zone de tolérance, dans le but d’une expérience immersive intense. Ouais, les scandinaves, en GN, ils y vont à fond, c’est impressionnant.

Le tout est bien entendu consenti, hein ! Justement, y aller à fond veut dire aussi avoir le pied sur le frein, au cas où ! Mais pour que cela soit consenti de manière totalement éclairée, d’une part et que, d’autre part, tout le monde s’amuse en vivant l’expérience, en évitant tout traumatisme éventuel, il a fallu penser et formaliser des garde-fous : c’est ainsi que, dans le nord de l’Europe et aux USA, sont nés les définitions et applications des outils émotionnels, avant de se répandre dans leurs usages jusqu’à nos contrées.

Les différents outils en résumé

Note : il y a plein d’outils et de méthodes de sécurité émotionnelle ; je ne présente ici que ceux que je connais et que j’ai pu employer à mes propres parties de JDR pour en constater l’efficacité. La plupart de ces outils coulent de source et je suis sûre que vous avez toujours fait cela en partie de JDR même sans en connaitre les noms et définitions. Pour savoir à quoi cela sert et comment on s’en sert, ce sera plus loin dans l’article.

Le Contrat social : le plus important de tous, le plus nécessaire. Selon les définitions et applications, il englobe d’autres concepts de sécurité émotionnelle, comme par exemple les Lignes et les Voiles (voir plus bas), mais en gros, son but est d’exposer non le thème de la partie (on y reviendra), mais les règles que le joueur incarnant le rôle de meneur de jeu va appliquer dans son arbitrage avec les joueurs. En gros, il expose ce que le MJ proposera comme contraintes à la liberté d’interprétation et de créativité des joueurs, en échange d’un arbitrage visant à protéger la sécurité émotionnelle des joueurs.
(exemple : pas de racisme, d’homophobie et d’agression sexuelle d’aucune sorte entre les participants de la partie de jeu de rôles, y compris à travers leur personnage, ou encore : les agressions verbales et/ou physiques entre personnages de joueurs sont interdites, etc…)

Les Lignes & Voiles : venant directement après le Contrat social, auquel il est souvent intégré et avec lequel il se confond, c’est le truc qui permet de définir entre tous les participants les limites du contenu de la partie de jeu de rôles. Bref, là où on peut aller, et là où on ne va jamais s’engager. C’est un peu là que le thème et le contenu de la partie de JDR sont présentés par le meneur de jeu et discutés entre tous les participants (MJ compris). On peut aimer une partie de JDR d’horreur, mais avoir une peur bleue des araignées, ou une hantise des scènes de torture. Et autant le dire aux autres participants, histoire de pouvoir s’amuser tous ensemble, en trouvant comment s’assurer de ne pas choquer les participants ! Les lignes désignent les limites à ne pas franchir, les thèmes qui ne seront pas abordés en jeu. Les voiles sont les éléments du récit qui seront décrits sans détails, pris en compte dans l’histoire, mais narrés de manière rapide et/ou pudique. Il n’y a aucun thème qui ne puisse être discuté dans les Lignes et les Voiles, le but pour les participants étant de se mettre tous d’accord de manière consensuelle avant de commencer à jouer.
(exemple de voile : les scènes de sexe seront seulement évoquées, on s’attardera pas sur les descriptions gores de gens morts. Exemple de ligne : aucune forme de sexisme dans le thème proposé, aucune forme de crime contre les enfants.)

La carte X : Haaa, l’objet de tous les fantasmes et de toutes les mauvaises interprétations. La carte X, c’est un petit bout de papier (ou une carte pour les adeptes du luxe), marqué d’un X, posé sur la table de jeu. Quand un participant (oui, même le MJ), sent que quelque chose d’imprévu et qui n’a pas été formalisé dans le Contrat social et les Lignes & Voiles dérape dans la partie de jeu de rôles et que cela commence à le mettre vraiment mal à l’aise, plutôt que de partir ou de tenter d’arrêter la partie en disant que là, ça ne va pas du tout, il vient toucher la carte X. La carte X, c’est un buzzer, quoi. Qui la touche vient de dire précisément, en un seul geste : «là, je suis mal dans mes pompes de ce qui est en train d’arriver dans la partie, je commence à être en détresse émotionnelle. ». Dès lors on tient compte du signal, car c’est le signe qu’il y a un malaise. On peut demander quelle est la nature du problème le temps d’une pause, pour y remédier ou poursuivre l’histoire et l’aventure en passant un voile pudique sur la scène en cours si le joueur qui a déclenché la carte X n’a pas envie d’en parler. On pourra revenir sur ce qui l’a conduit à user de la Carte X au débriefing de la partie, par exemple. On peut aussi, en fonction de ce qui a été décidé en Contrat social sur l’usage de la carte, décider d’une coupe franche de la scène en cours, ou encore transmettre la narration au joueur qui a activé la carte X, afin qu’il se réapproprie la scène pour en atténuer lui-même les effets négatifs. On notera plusieurs choses : la carte X ne sert pas à retirer du jeu une chose qui déplait au joueur, mais seulement qui le met très mal à l’aise émotionnellement ; elle ne sert pas forcément à annuler un contenu, mais seulement à passer un voile sur la scène concernée ou modifier un peu l’interprétation du MJ et des autres participants pour atténuer au mieux le malaise. Elle ne sert pas non plus à modifier le récit à l’avantage du joueur qui use de la carte, mais ceci est une évidence. La carte X sert à atténuer et gérer les effets d’une détresse émotionnelle résultant d’une situation totalement imprévue, à laquelle personne n’a pensé en préparant la partie de jeu de rôles. Elle ne sert à rien d’autre.
(Exemple : je déteste les cafards, et le MJ n’a pas pensé à prévenir que son aventure impliquerait, à un moment des cafards géants anthropophages (il a improvisé en cours de partie) et je n’ai guère songé à lui dire que j’en ai la hantise, parce que je n’y ai pas pensé. User de la carte X parce que le MJ décrit un cafard géant bouffeur de chair humaine (rien que l’écrire, j’ai des frissons de dégout) ne fera pas disparaitre le cafard : le MJ va seulement sans doute décider de passer un voile pudique sur la scène de la bestiole en train de se taper avidement un jambonneau d’humain, histoire de m’épargner ma hantise en l’atténuant.)

Pourquoi se servir de tout cela ?

Bon, déjà, on n’est pas obligé de s’en servir, hein. Je veux dire, rien n’oblige personne. Il y a bien des conventions de jeu de rôles où la Carte X est proposée à toutes les tables de participants et même un cas où elle ne pouvait être refusée si un participant à la partie désirait sa présence, mais on reviendra sur pourquoi cette sécurité est cohérente en convention. En dehors de ce genre de cas unique, tous ces outils, c’est comme tout ce qu’on fait en jeu de rôles : il s’agit d’accords consensuels formalisés. On applique ou on n’applique pas, on assume sa position et les conséquences, et basta.

Le jeu de rôles, c’est une immersion narrative, sociale et émotionnelle dans des péripéties qui peuvent être drôles, légères, graves, sérieuses, échevelées, dramatiques, voire horrifiques. Et tout un chacun ayant sa propre histoire, ses expériences, ses propres traumatismes et ses hantises, ce qui est tout à fait dans la zone de confort d’un participant peut être carrément hors de la zone de tolérance émotionnelle de son voisin et percuter frontalement ses limites mentales. Et comme tout un chacun est unique dans ce domaine, on ne peut jamais dire, pour autrui : « non, mais c’est pas grave. »

Pour éviter cela, l’évidence, c’est d’en parler en amont : le gars qui fait jouer au jeu de rôles Kult (un jeu d’horreur intimiste particulièrement immersif et glauque dans son thème) peut très bien le faire jouer avec une certaine légèreté de ton qui désarme totalement le fond dérangeant du thème du jeu ou, au contraire, y aller à fond à explorer les arcanes de la folie et de l’horreur humaine sans barrières. Il est évident que ce gars va présenter le jeu à ses joueurs, expliquer son thème et, aussi, expliquer comment il fait jouer. Dès lors, sauf à tomber sur un quidam qui refuse toute forme de concession, les joueurs, s’ils sont d’accord avec le thème proposé et désirent jouer, vont s’exprimer sur leurs propres limites, parce que, aussi connement que cela : ils viennent pour s’amuser avant tout, pas pour vivre une effrayante expérience psychologique qui va les faire turbiner pendant une semaine de mal-être.

On a tous des fragilités ! Si ceci est pour vous une révélation, je ne sais quoi vous dire. On peut tomber sur des vétérans de milieux violents qui ne mouftent pas aux pires scènes d’horreur gore, mais qui montent les tours directs à la moindre scène de discrimination raciste. On peut avoir une personne totalement blindée par son expérience face à toutes les discriminations du monde et les encaisse sans bouger, mais sera au bord des larmes devant une scène de violente gratuite envers un animal. Et on ne parle même pas des phobies, qui affectent tout le monde, y compris les individus les plus solides qu’on puisse imaginer. Bref, on ne peut jamais présumer que qui que ce soit encaisse ou n’encaisse pas quelque chose, et on ne peut jamais non plus supputer que tel ou tel sujet ou contenu ne sera pas difficile à supporter pour un participant.

Donc, les outils de sécurité émotionnelle que sont le Contrat social et les Lignes & Voiles cela sert simplement à avoir un cadre et un contexte formalisé pour causer de tout cela et s’organiser entre tous les joueurs, à égal et de manière consensuelle, afin que TOUT LE MONDE S’AMUSE. Et la carte X, c’est là pour atténuer les conséquences d’un impondérable, d’un truc non anticipé et qui n’a pas pu être formalisé ; c’est comme la capote : il vaut mieux en avoir et ne pas en avoir besoin, que d’en avoir besoin alors qu’on en a pas !

Encart : pourquoi une carte X quand on peut parler ?

La raison est très simple :

  1.  Quand on a un malaise réel, on perd sa capacité de communication. On peut plus causer, on ne peut plus alerter. Alors, imaginez dire : « là, je suis mal dans mes pompes de ce qui est en train d’arriver dans la partie, je commence à être en détresse émotionnelle. » alors que vous êtes en train de serrer quelque chose de bien ? Oui, c’est illusoire, on n’y arrivera pas. Toucher une carte, pour le dire, par contre, est nettement plus abordable, pour le même résultat.
  2.  Une partie de jeu de rôle, ce sont des gens qui parlent bruyamment et dans le feu de l’action, enthousiastes et fébriles. Arriver à placer : « Non, mais là, ça va mal, le contenu me fait vraiment serrer, je ne vais pas bien » ne coule pas de source au milieu des joueurs en train de s’exciter et parler haut et fort. C’est encore plus difficile pour une personnalité réservée, introvertie ou timide. La carte X permet donc même à ces personnes de pouvoir alerter, par un geste d’une extrême simplicité.
  3. La carte X est un signal, un buzzeur, un déclencheur, formalisé comme le contrat social ou les lignes & voiles. Tous les participants étant au courant de sa raison d’être et de son usage, la toucher provoque donc immédiatement une réaction attentive au problème. Par l’aspect formel de l’outil, la réaction est donc infiniment plus rapide que par la parole.

Et comment on s’en sert ?

Je serai tentée de dire que comment s’en servir est une évidence, si vous avez lu le chapitre des différents outils en résumé, plus haut. Mais il faut insister sur quelques points sur la mise en place de ces outils et expliquer quelques principes nécessaires à leur bon fonctionnement.

1- Le meneur de jeu n’est pas le maitre tout-puissant :

Un meneur de jeu est avant tout un conteur, un animateur et un arbitre. Il n’a rien à imposer en dehors de l’arbitrage, grâce aux règles du jeu, de la partie de jeu en elle-même. Il propose la partie de jeu de rôles et son thème avec ses contenus. Dans le cadre du Contrat social, il propose les contraintes à la liberté d’interprétation et de créativité des joueurs qu’il estime nécessaire pour protéger la sécurité émotionnelle des joueurs. Le fait est que si un des participants n’est pas d’accord avec ces contraintes, il y aura alors discussion sur celles-ci et recherche d’un consensus… et si aucun n’est trouvé, ben on a un joueur qui pourra décider de ne pas participer ; et c’est bien sa liberté !

2- Les Lignes & Voiles se discutent tous ensemble, même le MJ est concerné !

La manière de discuter des Lignes & Voiles dépend vraiment totalement de ce que le meneur de jeu a présenté comme aventure, avec son thème et ses contenus. On ne cause pas du tout des mêmes sujets dans une aventure bon enfant de Star Wars ou une histoire ténébreuse et sinistre de Vampire.

Donc, les joueurs font le tour des sujets qu’on ne veut pas aborder dans une partie de jeu de rôles, mais en tenant compte expressément du thème du jeu de rôles ! On ne peut pas, par exemple, bannir, par une ligne à ne pas franchir, le gore d’une partie de jeu de rôles d’horreur. Mais on peut décider d’y mettre un voile. Dans un jeu de rôles où les thèmes du sexisme et des discriminations font partie de l’univers, il est sans doute impossible de les interdire ; mais on est en droit de demander qu’ils soient seulement évoqués, sans s’y appesantir.

  • La Ligne, c’est l’interdiction d’aborder un contenu. C’est la ligne à ne pas franchir : « il n’y aura pas de gore dans cette aventure » est une ligne claire et parfaitement compréhensible. Si on établit une ligne, cette limite ne doit jamais être dépassée par personne, que ce soit le meneur de jeu ou les joueurs. Elle concerne tous les participants.
  • Le Voile, c’est la décision de ne pas entrer dans le détail descriptif ou narratif d’un contenu, sans pour autant l’interdire. C’est le voile pudique posé sur une scène d’orgie, qu’on va juste évoquer sans commencer à en décrire les détails les plus scabreux et nauséeux. Si on établit un Voile, aucun participant ne doit dépasser le stade de l’évocation et du voile pudique, de l’esquisse de la scène sans s’y attarder.

Et que se passe-t-il si jamais une Ligne ou un Voile est dépassé en cours de jeu ? Ben, considérant que les participants ont décidé de ces limites, tous ensemble et de manière consensuelle, dès lors qu’une transgression à ces limites apparait, tout un chacun est alors en mesure de le signaler et de s’exprimer pour rectifier le tir dans le cadre de la partie. Encore une fois, le meneur de jeu n’est en rien le maitre tout-puissant et, si on le remercie d’intervenir en cas de transgression, n’importe quel participant peut le faire, en vertu du Contrat social admis par tout le monde avant la partie !

3- La carte X ne sert qu’en urgence

Je le redis ici : la carte X, c’est juste un frein de sécurité au cas où le reste des outils de sécurité émotionnels n’a pas réussi à jouer son rôle préventif. Avec un Contrat social admis par tous les participants et des Lignes & Voiles clairement établies, elle ne servirait en théorie à rien. Je dis en théorie, car on ne sait jamais. Mais a priori, des amis qui se connaissent bien et qui ont pu discuter de manière consensuelle du contrat social et des Lignes & Voiles et sont toujours parfaitement d’accord n’auront presque jamais besoin d’en user.

Il n’en va cependant pas de même dans des cadres où les gens ne se connaissent pas, et où le temps imparti pour discuter des Lignes & Voiles n’est pas disponible : typiquement, les conventions de jeu de rôles ! Il faut prévoir en général quelque chose comme 15 à 20 minutes pour que le MJ expose aux joueurs l’univers de jeu, ses thèmes, leur décrive les personnages prétirés qu’ils vont jouer et lance l’aventure. Il peut dans ce laps de temps exposer le contrat social auquel il adhère, mais guère mieux. Il est illusoire d’imaginer que tous les participants aient le temps de discuter de leurs limites et de définir ensemble les lignes et les voiles à appliquer. Ceci dit, ça s’essaye ! Ça permet de faire en sorte que la carte X n’aura pas besoin de servir. Mais jusqu’ici, mon expérience en convention me dit que c’est chaud-bouillant d’y parvenir, quand on a seulement trois heures au total pour une partie de JDR, dans une ambiance bruyante.

Aussi, la carte X, qui n’empêche pas de se retrouver en mauvaise posture et perturbé par un truc qui déclenche une détresse émotionnelle, mais qui sert uniquement à en atténuer l’effet et les conséquences, aura comme rôle de compenser le manque de temps et de bonnes conditions pour dialoguer et créer un accord consensuel en amont de la partie. Or, comme l’humain n’est ni parfait, ni gentil, ni tendre, et qu’en convention n’importe qui peut se retrouver à jouer avec n’importe qui, les organisateurs de convention se sont rendu compte que cet outil pouvait éviter une alternative malheureuse. Ça atténue beaucoup les dramas et les engueulades à table, les gens qui ressortent des parties dégoutés – ou les quittent avec fracas ou en larmes, du vécu comme témoin – ou encore, les plaintes portées au staff de ladite convention pour cause de comportements ou de contenus pas jojos – et dans ce domaine, les témoignages abondent.

Pour résumer, la carte X n’évite pas tous ces problèmes : elle limite la casse, simplement. Et c’est son unique rôle et son seul pouvoir. L’outil le plus adapté pour éviter partiellement tous ces problèmes, ce sont les chartes de bonne conduite des conventions de jeu de rôles, qui deviennent quasi systématiques, et qui précisent comment on est censé se comporter civilement dans une convention, et que faire quand quelqu’un ne joue pas le jeu de se comporter avec civilité.

Conclusion

On aura beaucoup insisté ici sur deux choses : tout est affaire de discussions, le principe étant de communiquer sur ses limites, et tout est affaire de consensus : personne n’est au-dessus de personne, le MJ n’a pas tous les pouvoirs, un joueur seul n’a rien à imposer aux autres, les décisions doivent être validées par tout le monde et les décisions prises en commun.

Forcément, si on est contre ce principe d’accords consensuels d’égal à égal, autant dire que tous ces outils sont inapplicables. Rien de tout cela ne fonctionne pour qui applique une idée de « l’autorité du MJ » élargie à « je fais ce que je veux » ou encore l’autorité d’un joueur qui considère que ses uniques désirs et choix s’imposent devant les désirs et choix des autres participants.

Le seul cas où la décision d’un participant peut éventuellement interférer avec le consensus du groupe, c’est quand on se sert de la carte X pour avertir que là, ce qui est en train de se passer crée une détresse émotionnelle. Mais, je ne sais pas pour vous, je préfère qu’un joueur puisse aisément me signaler qu’il ne va pas bien et agir en conséquence, plutôt que celui-ci se taise, souffre en silence, et quitte la partie ou fonde en larmes (du vécu), parce que c’était trop dur pour lui. Mais comme on l’a vu, la carte X sert rarement, encore moins quand tous les autres outils ont été correctement mis en place, et encore moins quand les participants se connaissent bien. Autant dire que le risque qu’elle puisse créer une gêne réelle à une partie de jeu de rôles est quasi nul. Un joueur qui s’effondre en larmes ou se lève et se barre sans un mot, par contre, je peux vous assurer que c’est de suite plus perturbant pour l’amusement de tout le monde.

Enfin, tout ceci n’est que mon interprétation de l’usage et de l’intérêt de ces outils. On a bien joué des années durant sans en avoir besoin – car en fait, dans la majorité des cas, sans les connaitre, on le faisait déjà – et la manière de les mettre en place et de les exploiter est aussi affaire de chaque groupe de participants. L’expérience permet aisément de faciliter cette mise en place, de se passer de tel ou tel outil, etc. Bref, ce n’est pas non plus une panacée, et rien n’oblige qui que ce soit à les employer. Mais disons que si vous êtes arrivé au bout de cette lecture, vous aurez une idée plus claire de leur utilité !

Ressources :

http://ptgptb.fr/la-carte-x

https://conventionnel-le-s.com/lexique/

https://conventionnel-le-s.com/definir-la-securite-emotionnelle/

https://conventionnel-le-s.com/conventions-et-clubs-pourquoi-la-securite-emotionnelle-nous-concerne-particulierement/

https://ptgptb.fr/importance-outils-securite-emotionnelle

Ressources techniques :

Carte X pour jeux de rôle sur table : https://drive.google.com/drive/folders/114jRmhzBpdqkAlhmveis0nmW73qkAZCj

Carte X pour Roll20 : https://marketplace.roll20.net/browse/gameaddon/10589/rpg-safety-tools

 

 

 

2 réflexions sur “Comment fonctionnent les outils de sécurité émotionnelle dans le JDR ?

  • Franchement bravo,
    J’ai adoré entre autre ta présentation de la carte X et de son usage.

    Jusqu’à maintenant, j’avais toujours repoussé au maximum son utilisation car j’étais tombé dans le cliché de on pousse sous le tapis et on passe à autre chose.
    Ce qui pour moi allait totalement à l’encontre de ma façon de mener ou je me voyais pas pouvoir continuer la partie en sachant que j’avais blessé quelqu’un ou qu’il était en difficulté.
    L’idée de donner la narration à la personne ayant utilisé la carte X me semble tout bonnement génial.

    • Yâ plein de méthodes, moi, par exemple, je préfère l’atténuation de la scène en cours, quitte en effet à refiler une partie de la narration au joueur au besoin. Tout est possible é cet usage, suffit connement d’en avoir causé ensemble avant 😀

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